Accord sur une première loi européenne sur “la liberté des médias”
L’Union européenne a trouvé un accord vendredi sur une “loi sur la liberté des médias”, une première législation de ce type, qui a donné lieu à d’intenses discussions sur la question de la surveillance des journalistes.
“Pour la première fois au niveau européen, nous avons une législation qui garantit la liberté des médias, l’indépendance des médias et la protection des journalistes”, s’est réjouie l’eurodéputée allemande Sabine Verheyen (PPE, droite), rapporteure du texte, à l’issue des négociations entre le Parlement européen et les Etats membres.
Elle s’est félicitée d’une “occasion historique”.
Ce projet de règlement a été présenté en septembre 2022 par la Commission européenne pour protéger le pluralisme et l’indépendance des médias, face à une détérioration de la situation dans des pays de l’UE, comme la Hongrie et la Pologne, mais aussi aux logiciels espions type Pegasus ou Predator utilisés contre des journalistes.
L’accord trouvé vendredi devra encore être formellement adopté par le Parlement européen et par le Conseil (représentant les 27 pays membres).
Le texte porte notamment sur le respect du secret des sources journalistiques et sur l’interdiction de déployer ces logiciels espions dans des appareils utilisés par des journalistes.
Pendant les négociations, plusieurs Etats membres dont la France insistaient pour inclure explicitement des possibilités d’exceptions “au nom de la sauvegarde de la sécurité nationale”, suscitant l’inquiétude de la profession et des défenseurs de la liberté de la presse.
Le texte de compromis trouvé vendredi -qui n’était pas disponible immédiatement- ne contient “pas de référence à la sécurité nationale”, a affirmé l’eurodéputée roumaine Ramona Strugariu (Renew Europe, centristes et libéraux).
Pas un chèque en blanc”
La surveillance, comme l’utilisation de logiciels espions dans des appareils utilisés par des journalistes, n’est possible que si elle est autorisée par “une décision judiciaire” dans les cas de “crimes graves”, a souligné Mme Verheyen.
“Ce n’est pas un chèque en blanc”, a déclaré la vice-présidente de la Commission européenne en charge des Valeurs et de la Transparence, Vera Jourova.
“Nous ne réglementons pas les médias, nous réglementons l’espace pour les médias”, a aussi précisé la commissaire tchèque.
Autre point crucial de la législation: la question de la modération des contenus journalistiques par les plateformes en ligne.
Afin d’éviter que ces plateformes ne suppriment ou restreignent arbitrairement des articles ou des reportages vidéo, la loi prévoit un traitement à part pour les médias respectant un certain nombre de conditions, notamment l’indépendance.
Si une plateforme estime que le contenu d’un tel média enfreint ses règles d’utilisation, elle doit l’avertir 24 heures avant de procéder à une éventuelle suspension, afin de lui laisser le temps de se défendre. Ce délai peut être réduit dans des cas de menace grave à la sécurité ou à la santé publique par exemple.
L’un des principaux lobbies de la tech, le CCIA Europe, a critiqué cette disposition, estimant qu’elle créait “une faille”. “Des acteurs mal intentionnés se faisant passer pour des médias légitimes pourront désormais abuser de ce mécanisme pour disséminer des contenus nocifs pendant 24 heures avant qu’une mesure puisse être prise”, s’est inquiétée l’organisation.
La loi prévoit par ailleurs la mise en place d’un nouveau Conseil européen des médias, composé des représentants des autorités nationales de régulation des Vingt-Sept. Cet organisme devra assurer un encadrement plus strict des concentrations dans ce secteur. Il sera chargé d’émettre un avis -non contraignant- sur ces opérations du point de vue de leur effet sur le pluralisme.