Un exemple : l’Europe dit n’avoir jamais promis d’acheter massivement des armes américaines….
Ursula von der Leyen et Donald Trump ont-ils à peine regagné leurs pénates après leur poignée de main écossaise que des divergences parfois notables se font jour dans l’interprétation de l’accord de principe conclu dimanche.
Et d’abord sur l’achat massif d’armes américaines.
Le communiqué de la Maison-Blanche indique que « l’Union européenne accepte d’acheter des montants significatifs d’armements américains ». Pas du tout, répond la Commission. Le sujet d’achat de matériels militaires ne fait pas partie de l’accord. Il ne peut d’ailleurs pas en faire partie, puisque les achats militaires sont de la stricte compétence des États membres.
Accord contraignant ou pas ?
Ensuite sur l’entrée en vigueur de l’accord. Pour la Commission, « l’accord politique du 27 juillet 2025 n’est pas juridiquement contraignant. Au-delà des actions immédiates engagées, l’UE et les États-Unis poursuivront les négociations, conformément à leurs procédures internes pertinentes, en vue de mettre pleinement en œuvre l’accord politique ». Pour la Maison-Blanche, « dans le cadre de la stratégie du président Trump pour établir un commerce équilibré, l’Union européenne paiera aux États-Unis un taux tarifaire de 15 %, y compris sur les voitures et pièces automobiles, les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs ». Et ce taux entre en vigueur vendredi 1er août.
Conséquence, notamment sur les produits pharmaceutiques, un fameux chaos. Pour les États-Unis, l’accord est fait et les produits pharmaceutiques seront soumis aux droits de douane de 15% à partir du 1er août. Pas du tout, dit la Commission : « Les produits pharmaceutiques seront, pour le moment, exemptés du tarif de 15 % et resteront soumis au taux actuel de 0 % jusqu’à ce que l’administration Trump termine son enquête au titre de la section 232 sur ce secteur ».
Et les produits pharmaceutiques?
Derrière le jargon, cela signifie qu’il n’y a pas, selon la Commission, de droits de douane supplémentaires pour les produits pharmaceutiques au moins jusqu’à la fin de l’année. La Section 232 du Trade Expansion Act de 1962 des États-Unis est une disposition légale qui permet au gouvernement américain d’enquêter sur les effets des importations de certains produits sur la sécurité nationale.
Cette disposition a été enclenchée par l’administration Trump, et les résultats de l’enquête sont attendus à la fin de cette année. Pour la Commission, donc, l’accord UE-États-Unis du 27 juillet convient que les produits pharmaceutiques échappent aux tarifs supplémentaires jusqu’à ce que les États-Unis décident ou non d’imposer des tarifs supplémentaires sur les produits pharmaceutiques en vertu de cette enquête.
Des promesses qui n’en sont pas
Ensuite les promesses d’investissement de 600 milliards et d’achats énergétiques de 750 milliards. Pour la Maison-Blanche, « l’UE investira 600 milliards de dollars aux États-Unis au cours du mandat du président Trump. Ce nouvel investissement s’ajoute aux plus de 100 milliards de dollars que les entreprises de l’UE investissent déjà chaque année aux États-Unis ». Et le cabinet de Donald Trump ajoute : « l’UE renforcera sa confiance en l’Amérique en tant que superpuissance énergétique en achetant 750 milliards de dollars d’exportations énergétiques américaines d’ici 2028 ».
Pour la Commission, c’est une simple déclaration d’intention, puisque l’accord n’est pas contraignant, et que la Commission n’a pas le pouvoir de contraindre les États membres dans leurs politiques énergétiques et d’investissement. La Commission explique donc que « l’UE a l’intention d’acheter aux États-Unis du gaz naturel liquéfié, du pétrole et des produits issus de l’énergie nucléaire, dont le prélèvement devrait s’élever à 750 milliards de dollars (environ 700 milliards d’euros) au cours des trois prochaines années. Cela contribuera à remplacer le gaz et le pétrole russes sur le marché de l’UE ».
Elle ajoute d’ailleurs un « détail » de 40 milliards : « L’UE a également l’intention d’acheter pour 40 milliards d’euros de puces IA essentielles au maintien de l’avance technologique de l’UE ».
Quant aux investissements, la Commission signale simplement que « les entreprises de l’UE ont manifesté leur intérêt à investir au moins 600 milliards de dollars (environ 550 milliards d’euros) dans divers secteurs aux États-Unis d’ici à 2029, ce qui stimulera encore les 2.400 milliards d’euros d’investissements existants ». Mais rien n’est garanti, donc.
Des négociations sur les GAFA ?
A cela s’ajoutent des divergences concernant les produits agricoles et les ouvertures des marchés des services. Les États-Unis estiment que l’Union a accepté de négocier l’ouverture du marché numérique européen aux géants américains. « Les États-Unis et l’Union européenne entendent s’attaquer aux barrières commerciales numériques injustifiées, affirme la Maison-Blanche. À cet égard, l’Union européenne confirme qu’elle n’adoptera ni ne maintiendra de frais d’utilisation des réseaux. De plus, les États-Unis et l’Union européenne maintiendront des droits de douane nuls sur les transmissions électroniques ».
Là, la Commission s’étrangle : « nous ne changerons pas notre réglementation ni nos règles », dit un fonctionnaire. Autrement dit, le digital markets act et le digital services act, qui imposent des obligations aux plateformes, restent en vigueur.
On souhaite beaucoup de courage aux fonctionnaires chargés de couler cet « accord » dans des textes définitifs.