Engagez-vous, qu’ils disaient

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Le deuxième roman d’Abel Quentin, Le Voyant d’Etampes, compare l’engagement politique dans les années 1980 et celui d’aujourd’hui. Pertinent et réjouissant…

C’est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups. Dans son nouveau roman aussi pertinent que réjouissant, le Français Abel Quentin réussit à régler un double compte: il allume à la fois la génération des intellos de gauche qui se sont éloignés de leurs valeurs, mais également un monde, le nôtre, qui se réfugie trop souvent derrière des néologismes devenus tellement creux qu’ils rendent quasi impossible tout débat idéologique. Le Voyant d’Etampes, c’est aussi à la fois le titre de l’ouvrage d’Abel Quentin et celui rédigé par son personnage principal, un certain Jean Roscoff, qui a écrit sur un poète américain inconnu, Robert Willow, mort au début des années 1960. Ce livre est tout ce que ce prof d’unif à la retraite, divorcé et alcoolique, a trouvé pour donner un souffle neuf à son existence. A 65 ans, Jean Roscoff vit en effet dans la nostalgie des années 1980, quand il faisait partie de la vague socialiste dominante. Mais 40 ans ont passé et, aujourd’hui, l’homme se retrouve totalement largué. Tellement largué que son opuscule, qui aurait dû passer inaperçu, provoque un scandale national: dans son analyse de la vie et de l’oeuvre de Willow, Roscoff n’a pas tenu compte du fait que cet écrivain était noir! Une tempête se déchaîne alors, qui va transformer la vie du sexagénaire en véritable enfer. Avec un humour décapant, l’auteur de Soeur, prix Première 2020, démontre qu’à la différence de l’antiracisme “à la papa”, façon “Touche pas à mon pote”, qui était un engagement inclusif, celui d’aujourd’hui est beaucoup plus clivant, créant des clans qui ne se mélangent plus et mènent leur propre combat, chacun dans son coin. Durant tout son récit, où se croisent personnages inventés et réels, Abel Quentin flirte avec le roman non fictionnel. Pour nous dire sans doute que tout cela est vrai puisqu’il l’a inventé…

Abel Quentin, Le Voyant d’Etampes, Les Editions de l’Observatoire, 384 pages, 20 euros.

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