Victime du succès des panneaux solaires, l’électricité devient parfois un déchet dont il faut se débarrasser

Le succès des panneaux solaires semble avoir été sous-estimé en Belgique. Le succès est tel que lors de week-end ensoleillé, les prix de l’électricité deviennent négatifs, ce qui oblige les fournisseurs à payer pour se débarrasser du surplus. Il est même demandé aux clients de surconsommer pour compenser. Et ce n’est sans doute qu’un début : les offres à prix cassé se multiplient en Flandre et arriveront bientôt en Wallonie et à Bruxelles.

Les panneaux solaires sur les toitures rencontrent un succès fou. Sur ce segment, il y a plus de panneaux en Belgique que dans toute la France et l’Espagne réunies. Et ce n’est pas sans poser problème : le décrochage des onduleurs est un phénomène désormais bien connu.

Mais ce succès va bien au-delà de tout ce qui était anticipé : la capacité solaire a doublé en Belgique par rapport à 2022, passant de 5GW à 10,1 GW, alors que toutes les autres sources d’énergie se stabilisent, voire diminuent dans le cas du nucléaire, a analysé De Tijd.

Lors de week-end ensoleillé des mois d’été, pendant les vacances, l’alerte rouge est activée par Elia, le gestionnaire de réseau à haute tension. Il est demandé aux fournisseurs et producteurs d’électricité de se montrer prudents, car le réseau atteint ses limites lorsque le surplus ne peut pas être redirigé vers les pays voisins. Ce vendredi et ce samedi, le gestionnaire appelle tous les fournisseurs et producteurs à éviter la surproduction, en fermant des unités de production si nécessaire.

Quand l’électricité devient un déchet

Le dimanche 9 juin dernier, lors des élections, une puissance record de 7,5 GW a été produite. Depuis 2019, il n’est pas rare que la production aille au-delà de la consommation, ce qui a pour conséquence de créer des prix négatifs. Le phénomène s’est nettement accéléré : cette année, les prix de l’électricité ont été négatifs en Belgique durant plus de 250 heures cumulées, c’est plus que sur toute l’année 2023 et nous ne sommes qu’en juillet.

Face à cette situation, l’électricité devient alors un déchet dont les fournisseurs doivent se débarrasser. Les ménages et les entreprises recevront de l’argent pour éliminer l’offre excédentaire. En d’autres termes, ils seront payés pour surconsommer. Un ménage qui bénéficie d’un contrat dynamique pourra, durant ces heures de pointe, bénéficier non seulement d’une électricité gratuite pour recharger sa voiture, mais sera payé pour le faire.

“Il semble que nous ayons dépassé un point critique cette année. Trop d’énergie solaire est utilisée de manière peu intelligente”, déclare au Tijd Thomas Schmits de la société de gestion de l’énergie AYA. Nos modes de consommation ne sont pas adaptés au succès fou des panneaux solaires. C’est d’autant plus vrai en Wallonie, où les compteurs intelligents sont beaucoup plus rares qu’en Flandre. Et les nouvelles tarifications qui encouragent la consommation quand elle est produite ne débarqueront qu’en janvier 2026.

EnergyVision casse les prix

En Flandre, les fournisseurs de panneaux solaires multiplient les offres à prix cassé. C’est le cas d’EnergyVision, qui propose désormais l’installation à ses frais de panneaux solaires et des contrats énergie très avantageux. Sa dernière promotion est même plus avantageuse que le tarif social.

Comment ça marche ? Concrètement, l’offre se compose en trois parties. D’abord, EnergyVision installe gratuitement des panneaux solaires sur votre toit. Mais ces panneaux lui appartiendront durant 30 ans. Pendant ce temps, vous payerez un prix fixe de 20 centimes d’euro/kWh, frais compris. Cette partie représente environ 40% de votre consommation totale d’électricité. Pour les deux autres parties, votre consommation qui n’est pas couverte par les panneaux solaires sera facturée 30,21 centimes d’euro/kWh, et la dernière partie (environ 1.100 kWh) sera fixée par un tarif variable.

HLN a fait le test, et ce tarif est effectivement le moins cher du marché et en dessous du tarif social. Mais attention, c’est uniquement grâce à cette récente promotion de 400 euros qui ne dure qu’un an. Au-delà, le tarif reste intéressant, mais pas le meilleur du marché.

Un marché flamand plus dynamique

Bientôt en Wallonie ? “Pas à notre connaissance”, répond Régis François, à la tête de l’ASBL BeProsumer, qui tempère le dynamisme du marché du panneau solaire en Wallonie. “Le marché est même complètement à l’arrêt”, suite à l’emballement de fin d’année, qui précédait l’obligation d’installer un compteur intelligent pour toute nouvelle installation à parti du 1er janvier 2024.

Paradoxalement, c’est ce même compteur qui dynamise le marché de l’énergie au nord du pays. Il est certes moins intéressant pour les ménages, mais il permet à un plus grand nombre d’acteurs de débarquer sur le marché de l’électricité, ce qui engendre une plus grande concurrence et fait baisser les prix des contrats énergie.

Les batteries sont la clé

À moyen terme, face au succès du solaire, la clé réside dans les batteries, surtout les batteries intelligentes, qui serviront de tampon lors des fortes productions d’électricité, et qui pallieront, dans les périodes plus creuses, les intermittences des énergies renouvelables. “Ce marché commence à devenir un peu plus dynamique, assure Régis François. Tant au niveau des ménages que des entreprises. Ces batteries intelligentes permettront de mieux réguler les flux d’électricité sur le réseau.”

On en trouve entre à des prix très variables : “De 5.000 à 10.000 euros, selon la qualité. Mais les plus performantes comprennent un onduleur hybride, qui coûte déjà 2.500 euros, explique le président de BeProsumer. Or, certaines personnes qui ont installé leurs panneaux solaires en 2010 commencent à devoir changer leur onduleur. Pour eux, ça commence à devenir vraiment intéressant. Qui plus est, ils investissent dans un système qui évite les décrochages.”

À plus long terme, pour faire face au succès des panneaux solaires, il faudra bien sûr renforcer le réseau. Mais cela nécessite des moyens considérables.