Électricité moins chère, gaz et mazout plus chers : le gouvernement Arizona redistribue les cartes de la fiscalité énergétique. Décryptage d’une réforme qui vise à accélérer la transition énergétique, mais qui laisse les associations de consommateurs sceptiques.
Avec son accord sur le budget, le gouvernement Arizona opère un glissement fiscal majeur dans le secteur de l’énergie. D’ici 2029, les accises sur l’électricité baisseront de 170 millions d’euros, mais celles sur le gaz naturel grimperont de 365 millions et celles sur le mazout de 28 millions. Le solde net ? Une augmentation de 223 millions d’euros de la fiscalité sur l’énergie.
Accises plutôt que TVA : un choix stratégique
Le gouvernement vise à atteindre 12% d’accises sur le gaz naturel résidentiel d’ici 2029, en anticipation de la directive européenne qui imposera une TVA à 21% sur le gaz à partir de 2030. “Cette hausse graduelle permet d’éviter une marche trop haute à franchir d’un coup”, justifie le vice-Premier ministre Maxime Prévot (Les Engagés) à Brussels Today.
Le choix des accises n’est pas anodin. Contrairement à la TVA qui est calculée sur le prix, les accises sont établies sur la quantité consommée. Résultat : des recettes fiscales plus stables pour l’État, même en cas de volatilité des prix de l’énergie. Actuellement, les accises fédérales s’élèvent à 50,33 euros par MWh pour l’électricité, contre seulement 8,72 euros par MWh pour le gaz naturel, rappelle Test Achats à la RTBF. Une distorsion qui rend l’électricité artificiellement plus chère.
Qui gagne, qui perd ?
Selon Ruben Baetens, coordinateur de l’Institut pour l’énergie et la société à la KU Leuven interrogé par De Standaard, la facture d’électricité devrait diminuer en moyenne de 34 euros par an. En revanche, les ménages chauffés au gaz naturel verront leur facture annuelle augmenter de 75 euros, l’équivalent d’une hausse de TVA de 6 à 12%.
Selon les données de la Commission de régulation pour l’électricité et le gaz (CREG), la facture annuelle moyenne s’élève aujourd’hui à 1.515 euros pour un ménage consommant 17.000 kWh de gaz, et à 1.295 euros pour 3.500 kWh d’électricité.
Le mazout de chauffage sera également touché. Les accises passeront de 17 à 23 euros pour 1.000 litres dès 2026, soit un surcoût de 16 euros par an. Un plein de 50 litres d’essence ou de diesel coûtera environ 25 centimes de plus.
Une logique de transition énergétique contestée
Pour Pierre Baijot, directeur de Resolia, un bureau spécialisé dans la décarbonation de la chaleur interrogé par RTL, cette réforme est “une excellente nouvelle pour aider les gens à passer vers des systèmes de chauffage plus respectueux de l’environnement”. L’électricité reste aujourd’hui quatre fois plus chère que le gaz par kilowattheure, principalement à cause de la fiscalité, souligne-t-il.
Mais Julie Frère, porte-parole de Test Achats, s’alarme de l’impact sur les 65% de ménages belges qui se chauffent au gaz et qui ne seront pas prêts à changer de mode de chauffage dans un court délai. “On ne peut pas simplement être dans une logique punitive, on doit être dans une logique d’accompagnement”, insiste-t-elle, interviewée par RTL.
La taxe carbone européenne en embuscade
À ces mesures fédérales s’ajoutera bientôt le système européen d’échange de quotas d’émission ETS2. Cette taxe carbone alourdira encore davantage la facture des combustibles fossiles. La conjonction des mesures fédérales, régionales et européennes provoquera un basculement important du rapport entre gaz et électricité, particulièrement marqué en 2028 et 2029.
Dans ce contexte, les propriétaires équipés d’une chaudière au gaz encore loin de sa fin de vie seront les plus pénalisés. Le gouvernement compte sur les recettes de la taxe ETS2 et sur le fonds social climatique européen pour aider les ménages modestes à basculer vers une pompe à chaleur. Mais la condition sine qua non reste une isolation performante du logement, un prérequis qui nécessite souvent des investissements lourds.