Une start-up de la Silicon Valley affirme être venue à bout d’une obsession millénaire : elle serait capable de transformer des métaux en or grâce à la fusion nucléaire. De quoi, si la méthode s’avère fructueuse, révolutionner l’économie des métaux précieux et de l’énergie.
Transformer le mercure en or ne serait plus un rêve d’alchimiste. C’est désormais, selon une start-up californienne, une possibilité technologique… et économique. Marathon Fusion, jeune pousse basée dans la Silicon Valley, affirme avoir développé une méthode permettant de produire de l’or à partir du mercure en s’appuyant sur les propriétés de la fusion nucléaire. Pour la start-up « cela marque le début d’un nouvel âge d’or ».
Fusion nucléaire
L’entreprise Marathon se base pour cela sur la fusion nucléaire. Soit les réactions nucléaires qui sont à l’œuvre dans les étoiles, notamment dans le Soleil.
La fusion nucléaire se produit quand deux types d’atomes d’hydrogène, appelés deutérium et tritium, sont chauffés à des températures extrêmement élevées (plus de 100 millions de degrés) et forcés à se percuter. Cela crée de l’hélium et libère beaucoup d’énergie sous forme de particules appelées neutrons. Dans les réacteurs à fusion classiques, on utilise des matériaux comme le lithium, le plomb ou le béryllium. Ces matériaux, appelés « multiplicateurs », aident à produire plus de tritium (un des carburants nécessaires) en relâchant des neutrons supplémentaires. Marathon propose elle de remplacer ces matériaux par un élément courant : le mercure-198. Quand ce type de mercure est frappé par un neutron, il se transforme en mercure-197, une version instable qui, au bout de quelques jours, se change naturellement en or.
Selon Marathon, ce système permettrait de produire de l’or en même temps que de l’énergie, sans nuire au bon fonctionnement du réacteur ni à l’autonomie en carburant. Mieux, l’entreprise, spécialisée dans les procédés de traitement et de recyclage de combustible pour réacteurs à fusion, avance que sa technique serait réalisable à grande échelle.
Un sous-produit potentiellement rentable
Toujours selon Marathon Fusion, un réacteur de 1 gigawatt pourrait produire jusqu’à 5 tonnes d’or par an, en parallèle de la production d’électricité. Une quantité loin d’être négligeable, alors que le marché mondial de l’or est évalué à plus de 200 milliards de dollars par an. Petit bémol tout de même : une part de l’or produit pourrait contenir des isotopes radioactifs nécessitant un stockage temporaire (jusqu’à 18 ans).
Pas de quoi refroidir la start-up qui affirme que l’impact économique global serait considérable. « Nos simulations indiquent que la valeur issue de la production d’or pourrait égaler, voire dépasser, celle de l’électricité générée », indique l’entreprise. « Cela pourrait doubler la rentabilité des centrales à fusion et redéfinir l’économie énergétique. »
La promesse d’un double modèle économique
Alors que l’industrie de la fusion nucléaire entre dans une phase de relative maturité technologique, Marathon Fusion mise sur un modèle économique dual : produire de l’énergie tout en valorisant des sous-produits à haute valeur ajoutée. Au-delà de l’or, la start-up évoque aussi la possibilité de produire du palladium, des isotopes médicaux ou encore des matériaux pour batteries nucléaires.
De quoi aussi inciter les investisseurs privés et étatiques à accélérer leurs engagements dans ce secteur longtemps considéré comme spéculatif. Car bien que la fusion nucléaire est souvent qualifiée de “graal énergétique”– elle promet une électricité propre, abondante, et presque illimitée, sans les inconvénients de la fission (déchets radioactifs de longue durée, risques d’accident, prolifération)- elle est aussi l’une des technologies les plus complexes et coûteuses jamais développées. Les plus optimistes s’attendent à voir les premières unités productrices d’énergie vers 2035–2040, mais les échéances sont régulièrement reportées.
Une piste prometteuse, mais sans validation scientifique
Si la perspective de transformer un métal courant en or peut sembler relever de la science-fiction ou de l’alchimie médiévale, le contexte technologique – notamment la maîtrise croissante de la fusion nucléaire – donne une certaine crédibilité à l’ambition de la start-up. D’autant plus que la start-up n’a pas été fondée par n’importe qui, puisqu’aux commandes on retrouve Adam Rutkowski (ex-ingénieur de SpaceX) et Kyle Schiller (ex-boursier de la fondation Schmidt Futures, créée par l’ex-PDG de Google Eric Schmidt). Néanmoins la méthode de Marathon Fusion n’a pas encore été évaluée par des pairs. Une étape cruciale pour confirmer la validité du procédé. Si l’idée est prometteuse, elle relève donc encore, pour l’instant, d’un simple effet d’annonce. Et est donc à prendre avec les pincettes d’usage.
Techniquement possible
Longtemps associé à des escroqueries ou à des rêveries mystiques, le fantasme de transformer le plomb en or a été formellement invalidé par la chimie moderne. La transmutation d’éléments chimiques n’est pas possible par des réactions chimiques classiques, car ces réactions ne modifient pas la structure du noyau atomique. En revanche, la physique nucléaire permet aujourd’hui ce que la chimie interdit : modifier le nombre de protons dans le noyau d’un atome, ce qui change sa nature. Changer le plomb en or est donc théoriquement possible.
Dès 1972, un rapport de physiciens soviétiques révélait qu’une conversion inattendue de plomb en or s’était produite dans le blindage d’un réacteur expérimental. Depuis, avec les progrès des accélérateurs de particules, la transformation d’un élément en un autre — ce que les alchimistes appelaient transmutation — est devenue un phénomène documenté en laboratoire. Contrairement à l’image traditionnelle, l’atome le plus proche de l’or n’est pas celui du plomb, mais du mercure. L’or (79 protons) et le mercure (80 protons) ne sont séparés que d’une unité au cœur de leur noyau atomique. Le principe de la transmutation consiste donc à retirer un proton de l’atome de mercure pour obtenir de l’or.
Si le concept paraît simple, sa mise en œuvre est tout sauf anodine : elle nécessite des installations de pointe, des conditions expérimentales extrêmes, et des ressources considérables. Le tout pour, jusqu’à présent, une quantité infime d’or. Pas vraiment rentable donc, même au cours actuel de l’or.