Le sel va-t-il révolutionner les batteries ?
Les batteries du futur fonctionneront-elles au sel et non plus au lithium ? La Chine le croit et a, cette fois encore, plusieurs coups d’avance.
Au cœur de l’énergie de demain, on retrouve les batteries. Elles permettent de stocker les énergies renouvelables pour que celles-ci soient disponibles quand nécessaire. Si aujourd’hui la plupart fonctionnent au lithium, son omniprésence est de plus en plus remise en question. L’explosion de la demande pour ce métal rare entraîne les prix vers des sommets. L’exploitation est telle qu’on évoque, à terme, une pénurie. Et puis l’extraire coûte cher et pollue beaucoup.
Moins cher et en abondance
La prochaine révolution de l’énergie risque donc bien de passer par des batteries qui fonctionneront sans lithium. Et pour le remplacer, la Chine mise beaucoup sur le sodium. Soit tout simplement du sel. Ou plutôt une sorte de solution saline avec de l’eau. Le sodium offre en effet de nombreux avantages. Elle est chimiquement similaire au lithium, mais beaucoup plus facile à extraire. Il a un autre avantage non négligeable. Il est présent en masse puisqu’on trouve 300 à 500 fois plus de sodium que de lithium sur Terre. Au taux actuel, il ne coute ainsi que 1 à 3% du prix du lithium.
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Autre gros avantage, les batteries sodium-ion peuvent aujourd’hui être rechargées très rapidement, chaque jour, sans s’user. Et, contrairement aux batteries au lithium, elles ne nécessitent ni cobalt ni nickel. Enfin, elles conservent la quasi-totalité de leur charge même lorsque les températures descendent bien en dessous de zéro.
Le seul désavantage est que les batteries au sodium sont moins compactes que celles au lithium. Il faut donc plus de place pour les stocker. Ensuite la densité énergétique d’une batterie au sodium est 40% plus faible que celle d’une batterie au lithium. Deux choses qui font que les batteries au sodium risquent d’être surtout utiles pour le stockage de l’énergie des réseaux éolien ou solaire.
Des voitures avec des batteries au sodium
Selon le New York Times (NYT), la technologie derrière les batteries à base de sodium ne cesse cependant de se perfectionner. Grâce au travail acharné de chercheurs, elles sont aujourd’hui plus puissantes et présentent davantage d’autonomie. Pour preuve, les batteries au sodium d’aujourd’hui sont de meilleure qualité que les batteries au lithium d’il y a sept ans, précise Europe1.
C’est principalement à Changsha, en Chine, que les cerveaux de la Central South University s’échinent à améliorer la technologie des batteries au sodium. Ils sont des milliers de chimistes, d’ingénieurs et d’ouvriers à façonner les batteries du futur précise le NYT. On y annonce aussi l’une des premières grandes usines de produits chimiques pour batteries au sodium.
CATL, leader mondial
Des responsables chinois du secteur des batteries ont même annoncé qu’ils avaient découvert comment fabriquer des cellules de batterie au sodium si semblables à celles au lithium qu’elles peuvent être fabriquées avec le même équipement. Le géant chinois CATL (pour Contemporary Amperex Technology Ltd), leader mondial de batteries pour voitures électriques, affirme lui avoir découvert un moyen de réaliser de façon industrielle des batteries mixtes. Soit d’utiliser des cellules au sodium et des cellules au lithium dans une même batterie, combinant ainsi le faible coût et la résistance aux intempéries des cellules au sodium avec l’autonomie accrue des cellules au lithium, précise encore le New York Times.
La même entreprise vient aussi d’annoncer qu’elle va commercialiser dès cette année une batterie à sodium-ion pour véhicules électriques. Elle devrait être en premier intégrée dans la marque de voiture chinoise Chery notamment pour un SUV compact baptisé (ICAR03) a annoncé CATL lors du salon automobile de Shanghai. Toujours selon CATL, les batteries pourraient parcourir pas moins de 800 000 km et tenir 18 ans.
CATL aurait également déjà construit sa première ligne d’assemblage de batteries au sodium à grande échelle à Ningde selon le NYT. Elle fait partie des 16 usines de batteries au sodium dont la construction est prévue ou a déjà commencée en Chine. Dans deux ans, ce pays disposera de près de 95 % de la capacité mondiale de production de batteries au sodium.
Les batteries de demain
Après avoir pris le contrôle de toute la chaîne des batteries au lithium, des mines à la fabrication de batteries, la Chine se lance donc sans retenue dans ce qui risque bien d’être les batteries de demain. De quoi faire du sodium un autre exemple de l’expectative molle des entreprises occidentales, sud-coréennes et japonaises dans ce domaine. Ils ont largement ignoré le sodium – certains vétérans de l’industrie le considérant comme faisant partie d’un complot élaboré par la Chine pour faire baisser les prix du lithium – et se font aujourd’hui doubler. Et ce alors que les recherches sur l’utilisation du sodium dans les batteries ont commencé sérieusement sous l’impulsion des États-Unis dans les années 1970 et que ce sont des chercheurs japonais qui ont réalisé des avancées cruciales il y a une douzaine d’années, précise encore le NYT.
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Le seul bémol qui peut contrecarrer les ambitions de la Chine, c’est un possible manque d’approvisionnement. C’est en effet aux États-Unis que l’on retrouve le plus gros gisement de sodium. Et plus précisément dans un désert du sud-ouest du Wyoming qui recèle 90 % des réserves mondiales de carbonate de soude, la principale source industrielle de sodium. Pour contourner ce problème, la Chine mise beaucoup sur la soude synthétique. Elle est aujourd’hui produite dans des usines qui polluent allégrement eaux et rivières et qui sont alimentées au… charbon. Pour l’argument écologique, on repassera.
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