Île énergétique: les “mauvais choix” d’Elia auraient coûté 1,6 milliard d’euros

Princesse Elisabeth. L’île énergétique permettra à terme de rapatrier pas moins de 13 TWh par an d’électricité verte produite en mer du Nord.

La Creg estime qu’au moins 1,57 milliard d’euros d’augmentation des coûts de l’île Princesse Elisabeth peuvent être “directement liés à des choix (techniques) unilatéraux d’Elia”.

L’île énergétique Princesse Élisabeth, projet clé pour l’acheminement de l’énergie éolienne en Belgique, semble chaque jour un peu plus s’embourber dans la polémique.

Initialement estimé à 2,2 milliards d’euros, son coût a explosé pour atteindre 7,5 milliards d’euros. Conçue pour optimiser l’intégration des énergies renouvelables, l’île énergétique devait notamment servir de point de connexion entre la Belgique et le Royaume-Uni via une infrastructure en courant continu. Or, cette partie du projet représente la moitié du budget total. Elia justifie l’explosion des coûts par une forte tension sur la chaîne d’approvisionnement et des choix techniques ambitieux visant à renforcer la sécurité du réseau.

Face à cette dérive budgétaire, le gestionnaire de réseau Elia a récemment annoncé le report de la signature des derniers contrats. Le refus début de semaine de signer un contrat clé avec un fournisseur, qui exigeait une validation avant février 2025 pour une mise en service en 2032, entraîne un retard d’au moins trois ans et une incertitude supplémentaire sur les coûts finaux du projet.

Une gestion unilatérale et opaque

Depuis le lancement du projet, Elia a multiplié les décisions controversées , suscitant de nombreuses critiques du monde des affaires et du Parlement. La Creg, le régulateur de l’énergie, en rajoute aujourd’hui une couche et pointe du doigt des choix techniques coûteux et mal anticipés.

Parmi eux, l’adoption d’un design inédit (une île fixe et non des structures mobiles) techniquement beaucoup plus complexe (les stations de courant alternatif doivent être construites en mer) et la sélection d’un fournisseur qui n’était pas le plus avantageux financièrement.

De plus, Elia a unilatéralement commandé plus de matériel que prévu en 2021, sans en informer les autorités.

Pour le régulateur de l’Énergie, l’explosion du coût du projet d’île énergétique d’Elia n’est donc pas uniquement due aux conditions de marché et à la forte demande d’infrastructures offshore. La Creg chiffre à 1,57 milliard d’euros la partie du “dérapage budgétaire” à attribuer à “des choix (techniques) unilatéraux d’Elia”. C’est ce qui ressort d’un “résumé exécutif”, remis aux députés fédéraux, d’un rapport dans lequel la Creg se penche sur les raisons de l’augmentation des coûts du projet phare d’Elia.

Le manque de transparence est également dénoncé: jusqu’en décembre dernier, Elia refusait d’examiner des alternatives et tardait à informer les autorités. Résultat : la Belgique se retrouve face à un projet dont le coût a triplé, avec des répercussions directes sur les consommateurs et les entreprises

S’il apporte déjà une idée claire de l’argumentaire de la Creg, écrit encore L’Echo, ce “résumé” garde encore certains chiffres clés secrets, dont le montant exact de l’augmentation des coûts totaux.

Il n’empêche que la Belgique se retrouve face à un projet dont le coût a triplé, avec des répercussions directes sur les consommateurs et les entreprises.

Si l’île voit le jour sous sa forme actuelle, selon la Creg, un ménage moyen paiera 34,4 euros de plus par an dès 2034, tandis que les industriels verront leurs coûts grimper de 4,45 euros par MWh.

Elia conteste pour sa part plusieurs conclusions du rapport et finalise actuellement sa propre analyse avec l’appui de KPMG et sous la supervision de son comité d’audit.

La balle est aujourd’hui dans le camp du gouvernement

Désormais, la balle est dans le camp du gouvernement De Wever. C’est en effet désormais à lui de trancher sur l’avenir du projet.

Un gouvernement qui est face à un dilemme économique :

  • Poursuivre le projet tel quel, malgré l’augmentation des coûts, au risque d’alourdir les charges pour les ménages et les entreprises.
  • Opter pour une alternative plus abordable, par exemple mais qui nécessiterait des ajustements et des négociations avec les régulateurs britannique et européen.

Au-delà de l’enjeu énergétique, la question centrale reste l’impact économique d’un tel investissement. Alors que la Belgique vise une transition vers un mix énergétique plus durable, le coût de cette ambition risque de peser lourdement sur l’économie et les consommateurs.

La décision attendue d’ici fin mars sera déterminante pour l’avenir du projet et pour la stabilité du marché énergétique belge.

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