Commande record pour John Cockerill en Inde: “La stratégie hydrogène avance vite” 

L'usine française de John Cockerill Hydrogen à Aspach-Michelbach. ©PHOTOPQR/L'ALSACE/Vincent VOEGTLIN
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

AM Green a passé la plus importante commande indienne d’électrolyseurs à John Cockerill Hydrogen pour l’un des plus gros projets d’ammoniac vert au monde. Raphaël Tilot (John Cockerill) et Damien Eyriès (Rely) nous en exposent les enjeux d’un contrat vital pour une filière en plein développement. 

C’est un marché d’envergure que John Cockerill annonce ce mercredi. Une façon de témoigner du bien-fondé de sa stratégie hydrogène, alors que certaines voix parlaient d’un ralentissement.  

Ce contrat avec AM Green prévoit que John Cockerill Hydrogen fournira des électrolyseurs alcalins pressurisés, d’une capacité de 640 MW dans un premier temps, garantissant un hydrogène vert à faible coût grâce à l’énergie renouvelable. Rely, la joint-venture créée par John Cockerill et Technip Energies, fournira les services d’ingénierie pour l’ensemble de l’installation. 

Raphaël Tilot (John Cockerill) et Damien Eyriès (Rely) nous en exposent les enjeux. 

Expliquez-nous les ressorts de cette bonne nouvelle pour John Cockerill… 

Raphaël Tilot. Nous sommes très contents d’annoncer la signature de cette très grosse commande, la deuxième plus grosse commande au monde d’électrolyseurs. Elle est à destination de l’Inde, notre client s’appelle AM Green. John Cockerill a noué un partenariat en 2022 avec Greenko, la société fondatrice de AM Green. Depuis plus de deux ans, ce partenariat vise à construire en Inde une usine pour produire des électrolyseurs, qui est en chantier. Mais notre client est pressé et demande des électrolyseurs plus rapidement. Cette première commande concernant 640 MW viendra de notre usine existante en Chine. 

Quel est l’objet de votre client AM Green? 

R.T. C’est une co-entreprise entre Grenko, notre partenaire indien, et Gentari, une filiale de Petronas, le pétrolier malaisien, en compagnie de fonds souverains du Moyen-Orient et de Singapour. AM Green vise à produire des molécules vertes décarbonées, de l’ammoniac en particulier. Ce projet indien vise précisément à utiliser nos électrolyseurs pour produire de l’ammoniac vert qui sera exporté, en bonne partie vers des clients européens et en extrême Orient. Cela servira à la production d’engrais, de produits chimiques, pour alimenter les raffineries, pour la mobilité lourde… 

Cela montre une vraie aspiration en Inde pour l’hydrogène? 

Damien Eyriès. L’annonce de ce projet est une excellente nouvelle pour nos deux entreprises, John Cockerill et Rely, mais aussi pour l’industrie de l’hydrogène vert au sens large. Il y a eu beaucoup d’engouement pour cet hydrogène dans la période post-Covid, avec beaucoup d’annonces et d’investissements en lien avec le Green Deal en Europe et l’Inflation Reduction Act aux Etats-Unis. Mais depuis un an, on assistait à une forme de ralentissement sur la filière. Le fait que ce projet avance rapidement prouve que les fondamentaux de ce marché sont là et qu’il y a une réelle utilité pour décarboniser les industries qui ne peuvent pas l’être autrement, via l’électrification. Nous sommes honorés de faire partie de ce projet, le deuxième plus gros au monde. C’est le début de nombreux développements en Inde, où l’on génère des énergies renouvelables bon marchés et où existent des routes à l’exportation vers l’Europe. Cela débutera en effet sur la nouvelle génération des engrais, mais il y a énormément d’autres usages à venir. Rely fournira toute la capacité d’ingénierie et de gestion de projet parce qu’on parle de grandes infrastructures: plusieurs centaines d’ingénieurs seront impliqués en Inde, qui vont développer une expertise utile pour le futur. 

Pour John Cockerill, c’est un encouragement au milieu de quelques doutes? 

R.T. Je ne parlerais pas de ralentissement. Il faut bien comprendre qu’il s’agit là du développement d’une nouvelle chaîne de valeurs. Certains expriment, en effet, que cela va prendre du temps et que cela va coûter cher. Mais de notre point de vue, tout se passe au contraire de façon extrêmement rapide! Depuis 2020, chaque année, les volumes d’électrolyseurs installés ont été multipliés par deux. D’ici à 2030, on prévoit qu’il y aura 100000 MW d’électrolyseurs installés. C’est colossal. Effectivement, cela ne se passe pas du jour au lendemain, mais sur quelques années. Cela commence par l’installation en suffisante d’énergies renouvelables, des champs d’éoliennes et de panneaux solaires, puis des usines de production importantes, avant de mettre en place le transport maritime et la modification du processus industriel, avec d’autres types de moteur. Cela prend du temps, c’est normal, mais cela va extrêmement vite si l’on compare cela au développement de la voiture électrique. Ce premier contrat, en taille, est supérieur à tout ce que l’on a connu et va faciliter la suite, notamment en réduisant les coûts de production grâce à une taille critique plus grande. 

Cela s’accélère en Inde, mais c’est plus lent en Europe, non? 

R.T. La stratégie européenne comporte deux volets: l’importation de molécules vertes et la production. Il est clair que pour des pays comme la Belgique ou l’Allemagne, ce sera beaucoup d’import parce le potentiel de production d’énergie éolienne et solaire est ce qu’il est dans nos pays. Pour décarboner un pays comme la Belgique, on doit importer: nous ne sommes pas l’Espagne avec le soleil ou l’Europe du Nord avec ses vents. Ce projet en Inde s’inscrit aussi dans la stratégie européenne. 

C’est la première grande réalisation du joint-venture Rely? 

D.E. C’est le premier projet de cette ampleur-là, oui, même si nous travaillons sur d’autres projets de moindre ampleur. L’implication de Rely sécurise le développement d’un tel projet: c’est quand même une nouvelle filière en plein que l’on invente rapidement. Il est important d’avoir des partenaires proches, qui se connaissent. Sur le marché, c’est ce que recherchent de plus en plus les clients pour minimiser le risque. 

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