Pourquoi les géants pétroliers européens reviennent sur leurs projets d’énergie renouvelable

Crédit : Getty Images

BP, Shell, Equinor… les géants pétroliers européens reviennent sur leurs projets d’énergie renouvelable et (pour certains) leurs objectifs de réduction des émissions de CO2. Comment peut-on expliquer ce phénomène, et pourquoi ce retour en arrière pourrait-il être un piège ?

Annoncés en grande pompe il y a quelques années encore, les projets d’énergie renouvelable des géants pétroliers européens ont aujourd’hui du plomb dans l’aile. Ils avaient lancé ces projets pour diversifier leurs activités et réduire leur empreinte carbone, en réduisant petit à petit la production de pétrole et de gaz. Mais ils reviennent aujourd’hui sur leurs objectifs.

BP, Shell, Equinor…

C’est notamment le cas chez BP. L’entreprise britannique avait annoncé en 2020 réduire sa production de pétrole de 40%, pour 2030, et augmenter rapidement la production d’énergie renouvelable. Mais en février 2024, l’objectif a été revu à 25%. En octobre, elle l’a tout bonnement annulé, et lance de nouvelles exploitations pétrolières. Elle veut également vendre son département d’énergie solaire et éolienne. 18 projets d’hydrogène ont été mis sur pause et les effectifs ont été réduits de moitié, rapporte Reuters.

Son de cloche similaire chez Shell. Des projets d’éolien flottant et d’hydrogène ont été revus à la baisse, tout comme les objectifs de réductions d’émissions de gaz à effet de serre. L’entreprise s’est aussi retirée des marchés de l’électricité en Europe et en Chine (sauf pour ce qui est des stations de recharge des véhicules électriques). Elle veut aussi vendre Select Carbon, une entreprise australienne qui développe des solutions d’agriculture pour compenser les émissions de CO2. Et la justice néerlandaise a d’ailleurs donné raison à Shell, en appel, la semaine dernière : le groupe ne doit plus accélérer ses réductions d’émissions.

Le norvégien Equinor, fournisseur numéro 1 en gaz de l’Europe depuis 2022, a récemment annoncé revoir certains projets d’énergie bas-carbone et réduire ses investissements dans le renouvelable. Mais il a acheté une part dans le géant de l’éolien Orsted, à la place. L’entreprise n’a pas réduit ses objectifs de baisses d’émissions, cependant.

Pourquoi ce retour en arrière ?

Comment peut-on expliquer cette révision des projets ? Un des éléments est la concurrence. Ces projets coûtent cher et ne rapportent pas toujours de l’argent. Et cela alors que les Américains, comme Chevron ou Exxon Mobil, investissent beaucoup moins dans l’énergie alternative et misent avant tout sur le fossile. Les entreprises européennes se retrouvent donc désavantagées. Leur cours en bourse en souffre, et l’écart avec les concurrents se creuse. Dans ces annonces de révision des plans, les entreprises ont d’ailleurs mis l’accent sur la valorisation et sur le fait qu’ils veulent regagner la confiance des investisseurs.

Le choc de la guerre en Ukraine sur les marchés de l’énergie est un autre élément qui favorise cette tendance. Le monde s’est soudainement rendu compte ce que c’est de craindre de manquer de gaz. Ce qui fait qu’il a encore plus peur de sortir des énergies fossiles et de l’intermittence des énergies renouvelables.

Mais ce retour en arrière pourrait en tout cas poser question. À niveau du réchauffement climatique, bien entendu, mais même au-delà. Premièrement, est-il faisable ? C’est ce que se demandent des sources internes de BP. L’entreprise avait licencié de nombreuses personnes des divisions d’énergies fossiles, dans le cadre de ses plans de transition énergétique de 2020. Elles se demandent donc si le géant a assez d’ingénieurs pour rapidement relancer et étendre les activités. Deuxièmement, est-il viable ? Le fossile fait peut-être de la résistance aujourd’hui, à court et à moyen terme. Mais à plus long terme, il devrait perdre de son emprise, avec la part grandissante de l’électrique (voitures électriques, pompes à chaleur, énergie renouvelable, etc.). L’Agence internationale s’attend à ce que 2030 soit le pic du pétrole. Dans ce cas de figure, tout miser sur le pétrole serait un pari perdant.

Pas pour tout le monde

Ces entreprises reviennent sur leurs objectifs, mais ce n’est pas le cas pour d’autres acteurs du domaine. Le français Total Energies par exemple poursuit sur sa trajectoire. Il continue d’investir dans le renouvelable, et sa capacité installée est aujourd’hui de plus de 14 GW, retrace Reuters. En 2021, elle était de 4 GW. Pour Shell et BP, elle est passée de 2 à 3 GW environ, durant la même période.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content