Plafonnement du prix du gaz : quel impact sur votre facture?
A partir de ce mercredi rentre en vigueur une mesure européenne qui permet de plafonner le prix du gaz. Mais ce n’est pas pour autant que la facture d’énergie va s’alléger. Malgré les plafonds et les cours de l’énergie qui chutent, les factures restent salées. Voici pourquoi.
Ce sont les marchés du gaz qui ont subi les plus fortes perturbations depuis l’invasion russe en Ukraine il y a presque un an, avec des pics de prix historiques et une pression inédite sur les marchés mondiaux de l’énergie. La Russie a ainsi plus que divisé par deux en 2022 ses livraisons de gaz à l’Union européenne et les gazoducs sont quasiment fermés en 2023.
Avec le plafonnement des prix du gaz, la commission dispose cependant désormais d’une arme permettant de se défendre au cas où le prix du gaz repartirait dans les sommets comme en août dernier. Sauf que les conditions pour appliquer ce plafonnement sont relativement drastiques. Ce qui fait que cette mesure risque de ne pas souvent être déployée.
Un plafond plus bas que ce qui était initialement prévu
En décembre, les ministres de l’Énergie des États membres de l’UE se sont accordé sur un plafonnement des prix du gaz. Ce mécanisme, officiellement appelé “mécanisme de correction du marché”, devrait plafonner pour un an les prix des contrats mensuels (pour livraison le mois suivant) sur le TTF néerlandais, considéré comme la référence européenne du gaz naturel. Le plafonnement des prix est fixé à 180 euros par mégawattheure. Par ailleurs, la mesure ne prendra effet que si le prix du gaz dépasse le plafond pendant trois jours ouvrables et si ce prix est également supérieur d’au moins 35 euros au prix cible mondial du gaz liquéfié (GNL) pendant trois jours. Une fois que le plafond aura pris effet, il restera en place pendant au moins 20 jours.
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On notera que s’il reste élevé, ce plafond est toutefois nettement inférieur à ce que la Commission européenne avait proposé. La Commission voulait initialement fixer la barre à 275 euros/MWh pendant deux semaines consécutives sur le TTF, et à condition qu’ils soient au moins supérieurs de 58 euros au “prix mondial moyen de référence” du gaz naturel liquéfié (GNL) pendant dix jours. Deux conditions beaucoup trop rarement réunies et qui avaient fait grincer de nombreuses dents dans les couloirs de l’Europe au point donc d’amender sérieusement la proposition initiale. Néanmoins, et malgré ce plafond abaissé, la mesure ne risque pas d’avoir un impact immédiat puisque le prix du gaz en Europe continue sa baisse.
Est-ce la fin de la crise énergétique en Europe?
En raison de l’hiver doux, de l’augmentation des importations de gaz naturel et des réserves de gaz bien remplies, le prix du gaz est bas depuis un certain temps. Le TTF néerlandais a déjà dévissé d’environ 18% en 2023.
Et depuis sa dernière envolée en août provoquée par une rupture d’approvisionnement venant de Russie, le prix à terme du gaz naturel en Europe a chuté de plus de 82%. Il évoluait à la mi-janvier à ses niveaux de septembre 2021, aux alentours de 60 euros le mégawattheure (MWh), ce qui reste toutefois plus du double de son prix pré-pandémie de Covid-19. Il a continué sa baisse les dernières semaines puisqu’il est aujourd’hui à environ 53 euros par mégawattheure, soit proche des niveaux les plus bas depuis septembre 2021. Pour rappel, au plus fort de la crise énergétique, fin août de l’année dernière, le gaz devait encore payer plus de 300 euros par mégawattheure.
Un changement de stratégie et des stocks
La guerre en Ukraine a mis en lumière la dépendance de l’Europe au gaz russe, que le Vieux continent s’est échiné à réduire autant que possible, à coup de réunion de crises et d’appels à la sobriété énergétique. Ce changement de stratégie combiné aux températures exceptionnellement douces de cet hiver ont permis aux nations européennes de faire des réserves et de ne pas y recourir. “Les stocks de gaz en Europe ont oscillé autour de 82% de leur capacité, contre 50% il y a un an et bien au-dessus de la norme saisonnière de 70% sur cinq ans”, explique John Plassard, de chez Mirabaud.
Des stocks qui ont permis aux discours rassurants de fleurir en ce début d’année. Sauf que si les prix de gros du gaz sont en chute libre depuis décembre, les factures de gaz (et d’électricité) continuent pourtant d’étrangler les consommateurs.
Des prix qui sont là pour durer
Et autant prévenir : du côté factures, les prix élevés du gaz et de l’électricité sont là pour durer, a prévenu mi-janvier au micro de la BBC Anders Opedal, directeur général du géant énergétique norvégien Equinor, affirmant que les consommateurs ne devaient pas s’attendre à ce qu’ils reviennent aux niveaux observés avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. “Il faudra peut-être des années pour que les prix reviennent à des niveaux avec lesquels les consommateurs européens sont plus à l’aise”, abonde également Edward Moya, analyste chez Oanda interrogé par l’AFP. “Taxes”, “augmentation des coûts de transport”, “pénuries de main-d’œuvre”, de nombreux coûts supplémentaires s’intercalent en effet entre le gaz acheté par les entreprises énergétiques et la facture finale qui parvient au consommateur. Et lorsque les énergéticiens achètent du gaz ou de l’électricité sur les marchés, ils les paient rarement au prix comptant mais “achètent sur la base de contrats à plus long terme”, explique à l’AFP Biraj Borkhataria, analyste chez RBC Capital Markets. Ces contrats à terme constituent une sécurité puisqu’ils permettent de garantir un prix donné pendant une certaine durée, protégeant ainsi l’acheteur de la volatilité des cours, très marquée sur le marché du gaz.
Les sociétés énergétiques font également “face à une hausse des dépenses pour la transition des combustibles fossiles aux sources alternatives d’énergie”, poursuit Edward Moya. Un argument avancé par Anders Opedal lors de son interview à la BBC, qui a évoqué un “remaniement” de l’ensemble du système énergétique en Europe, accéléré par la diminution de l’approvisionnement russe en gaz, avec la nécessité d’investir massivement dans les énergies renouvelables. “Cela nécessitera beaucoup d’investissements qui doivent être payés, donc je suppose que les factures d’énergie pourraient être légèrement plus élevées que par le passé”, a-t-il assumé.
« La crise n’est pas finie »
“La crise n’est pas finie”, a prévenu l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui a convoqué cette semaine une rare réunion spéciale avec les ministres d’une quarantaine de pays pour “étudier la situation des marchés du gaz”.
Les Européens ont réduit leur consommation de gaz cet hiver, mais le prochain hiver dépendra des approvisionnements en gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis et du Moyen Orient, pour lequel l’Europe est en concurrence avec l’Asie. “La crise n’est pas finie”, estime Fatih Birol, directeur exécutif de l’agence, cité dans un communiqué. “Il reste encore beaucoup à faire, en particulier pour être prêts pour l’hiver prochain”, a-t-il ajouté: “Le besoin que nos membres et autres partenaires fassent preuve de solidarité demeure, de même que le besoin qu’ils prennent des mesures concrète pour assurer la sécurité de l’approvisionnement”.
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