Nucléaire en Belgique : l’improvisation permanente

Prolongation du nucléaire: pas une priorité pour Engie. © belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Mettez ensemble un opérateur qui n’a plus d’intérêt stratégique et des partis divisés face au risque sur la sécurité d’approvisionnement : vous obtiendrez un souk permanent. Voilà un nouveau dilemme pour le fédéral.  

Voilà le dernier tweet en date du président libéral Georges-Louis Bouchez sur le sujet récurrent du nucléaire: « La prolongation de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 est techniquement faisable. Il faut pour cela créer un cadre de sûreté avec l’Agence fédérale de contrôle nucléaire qui maintient le niveau actuel de sécurité. Cela demande de la volonté et du travail. Stop au flou et aux palabres! Le MR exige la clarté. »  Il retape sur le clou de la requête posée par le gouvernement fédéral le 3 février dernier : en raison d’un risque de pénurie, il convient de garantir davantage d’appui nucléaire pour les hivers 2025-26 et 2026-27.

Pour les libéraux, cette demande est une nouvelle étape en direction d’une prolongation plus large des réacteurs nucléaires en Belgique, alors que la guerre en Ukraine a fondamentalement modifié le paysage énergétique en Europe. L’avenir n’est plus au gaz, envisagé un moment comme énergie d’appui, mais à un mix entre le renouvelable et le nucléaire.

Le problème est double.

Pas une priorité pour Engie

Tout d’abord, l’opérateur du nucléaire en Belgique, le groupe français Engie, ne fait plus de cette énergie sa priorité stratégique. C’est encore apparu de façon criante la semaine dernière, lors de la présentation des résultats 2022 de l’entreprise : l’accent était mis sur le boom de renouvelable, le nucléaire belge étant essentiellement présenté comme un fardeau en raison de la rente nucléaire. Interrogé sur la possibilité de prolonger ces réacteurs supplémentaires, la directrice générale Catherine MacGregor a décliné de manière tranchée : pas question en raison, dixit l’entreprise, des « contraintes et incertitudes réglementaires, techniques, opérationnelles et organisationnelles » !

« C’est le même type d’arguments qui nous avaient été opposés il y a six mois pour dire que la décision de prolongation de Doel 4 et Tihange 3 était impossible, souligne une source gouvernementale interrogée par Le Soir. Nous ne sommes pas sado-maso, nous n’aurions pas fait cette demande à Engie si nous n’avions pas des éléments d’ouverture de leur part. » Le nerf de la guerre est toujours le même : dans le courant de ce mois, l’opérateur et le gouvernement doivent finaliser leur accord au sujet de la facture future pour la gestion des déchets nucléaires. Tous les moyens de pression sont bons, dans ce contexte.

Ecolo met en garde sur la sécurité

Mais l’autre problème est évidemment politique. Les écologistes, qui ont déjà dû accepter la prolongation de Doel 4 et Tihange 3, ne sont pas prêts à avaler davantage de couleuvres. « Prolonger plus de deux réacteurs est dangereux », a déjà mis en garde le vice-Premier Ecolo Georges Gilkinet : « On parle de centrales qui ne répondent pas aux conditions de résistance à des secousses sismiques, à la chute d’un avion ? Je rappelle que Tihange est dans l’axe de l’aéroport de Bierset. Les normes internationales de sécurité sont essentielles, intangibles.”

Une autre piste existe depuis ce week-end: ne pas arrêter Doel 4 et Tihange 3 avant leur prolongation. L’idée a été suggérée par l’AFCN et avait déjà été exprimée en son temps par Ecolo. Là aussi se pose un problème potentiel de sécurité car des travaux doivent être menés avant de la prolongation – ce qui ne serait pas insurmontable, selon l’agence, on pourrait le faire lors des maintenances.

Bref, voilà le gouvernement fédéral à nouveau divisé et contraint de trancher dans la douleur. Avec une certitude à la clé : cette improvisation permanente n’est guère rassurante lorsqu’il s’agit de la sécurisation de l’approvisionnement en énergie.

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