Engie poursuit inexorablement les démarches de démantèlement de Tihange 1 et 2, malgré l’ambition du nouveau gouvernement de relancer l’atome. Le point de non-retour est-il franchi ?
Le 1er octobre 2025, le réacteur Tihange 1 cessera de fonctionner. Tihange 2, lui, est déjà à l’arrêt depuis janvier 2023. Ces deux unités ne sont pas concernées par les prolongations décidées par l’exécutif fédéral précédent pour Doel 4 et Tihange 3. Et Engie, exploitant du parc nucléaire belge, a lancé des démarches concrètes pour leur démantèlement. Dernière en date : une demande de permis d’urbanisme pour démolir les tours de refroidissement et les postes haute tension des deux réacteurs.
Cette décision, prise sans concertation avec le gouvernement, a provoqué la colère du ministre fédéral de l’Énergie, Mathieu Bihet (MR). Il dénonçait récemment « une décision unilatérale qui rendra irréversible l’arrêt d’un réacteur parfaitement fonctionnel ».
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Le calendrier d’Engie
Engie ne cache pas ses intentions : les tours de Tihange 1 et 2, hautes de 158 mètres, seront démolies entre 2026 et 2027 par grignotage mécanique. Trois phases sont prévues : vidange des circuits, enlèvement de matériaux dangereux, et démolition du béton. Objectif : libérer de l’espace pour les futures opérations de démantèlement et la gestion des matériaux.
Une enquête publique, prévue entre août et septembre, précèdera les autorisations définitives. « Nous avons besoin de place sur le site, et ces tours ne seront plus utilisées », résume Nele Scheerlinck, porte-parole d’Engie, dans L’Avenir et Sudpresse.

Un contexte politique incertain
Le nouveau gouvernement fédéral a pourtant inscrit le nucléaire au cœur de son mix énergétique. Objectif affiché : maintenir jusqu’à 4 GW de capacité nucléaire, avec la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 jusqu’en 2035. Le gouvernement a certainement des vues sur Tihange 1, mais le réacteur ne figure pas en tant que tel dans l’accord de gouvernement.
Le ministre Bihet ne désarme pas. Il a demandé à Engie de ne pas prendre de mesures irréversibles pour Tihange 1, comme il l’avait obtenu pour Doel 1 en février dernier. Cette fois, l’entreprise est allée de l’avant.
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Des contraintes techniques majeures
La relance de Tihange 1 ou 2 impliquerait d’importantes contraintes réglementaires et techniques. Selon l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN), toute tentative de redémarrage nécessiterait des études de sûreté approfondies. Les réacteurs de Tihange 2 et Doel 3 présentent en outre des micro-inclusions d’hydrogène dans la cuve, un défaut qui avait déjà limité leur durée de vie. Ce sont les fameuses “microfissures”, dont la dangerosité est contestée dans le camp des pro-nucléaires.
Quant à Tihange 1, prolongée une première fois en 2015, elle approche les 50 ans d’exploitation. Aucun réapprovisionnement en combustible n’est planifié, et aucun travail préparatoire n’est lancé pour envisager une nouvelle prolongation.
Politiquement, le nucléaire revient en force. Mais techniquement, pour Tihange 1 et 2, le compte à rebours est déjà bien avancé. Si rien n’est encore scellé sur le plan juridique, les démarches entamées par Engie confirment un basculement vers le démantèlement.
L’exploitant répète à l’envi que sa priorité va pour le renouvelable et ne change pas de position. Le nouveau ministre de l’Énergie devra provoquer des négociations avec Engie, à la rentrée, sans quoi il sera sans doute trop tard.