Le stockage à grande échelle, grande nouveauté du domaine de l’énergie
Des batteries géantes au gaz comprimé, le stockage d’énergie à l’échelle du réseau est en plein boom.
Le stockage d’énergie pour le réseau électrique est sur le point de connaître un grand succès. Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le stockage à grande échelle est aujourd’hui la technologie énergétique qui connaît la croissance la plus rapide. En 2025, quelque 80 gigawatts (GW) de nouveaux systèmes de stockage de ce type seront ajoutés dans le monde, soit huit fois plus qu’en 2021.
Le stockage de l’énergie à l’échelle du réseau est en plein boom grâce à quatre forces puissantes.
Baisse des prix
La première est l’essor mondial du déploiement des énergies solaire et éolienne, qui sont intermittentes par nature. Cela n’avait pas d’importance lorsque seulement de petites quantités étaient utilisées sur le réseau. Désormais, elles peuvent représenter la moitié ou plus de la capacité de production sur certains marchés. Les jours nuageux et calmes, cela crée un casse-tête pour les opérateurs de réseau. Les grandes batteries reliées au réseau, qui stockent l’énergie lorsqu’elle est abondante et la restituent lorsqu’elle est nécessaire, résolvent parfaitement ce problème. L’AIE prévoit qu’en 2025, la combinaison de la production solaire photovoltaïque et du stockage par batterie sera moins chère que le coût de l’électricité produite à partir du charbon en Chine et que celui des nouvelles centrales à gaz aux États-Unis.
Le deuxième facteur qui favorise le stockage de l’énergie pour le réseau est la surcapacité chinoise de fabrication de batteries, qui a entraîné une forte baisse du prix des batteries au lithium-ion, utilisées dans les ordinateurs portables, les smartphones et, plus récemment, les véhicules électriques. Depuis 1991, le prix a chuté de 97% et, en 2025, les prix des batteries pour réseau convergeront avec les prix historiquement beaucoup plus bas des batteries pour véhicules électriques.
Avec le ralentissement de la croissance des ventes de voitures électriques et l’augmentation de la surabondance de batteries lithium-ion, les fabricants de batteries en Asie ont été contraints de trouver de nouveaux acheteurs. Pour la première fois, le marché des batteries de réseau en Chine dépasse celui de l’électronique grand public, et il continuera de croître grâce aux mandats politiques exigeant le déploiement de systèmes de stockage à l’échelle du réseau avec les parcs éoliens et solaires.
Innovations
Le stockage de l’énergie est également stimulé par la montée en puissance de l’intelligence artificielle, qui entraîne une augmentation de la consommation énergétique. La banque Goldman Sachs estime que la demande mondiale d’électricité dans les centres de données passera de 240 térawattheures (TWH) en 2020 à 600 TWH en 2025. Mais les géants de la tech se sont bruyamment engagés à atteindre des objectifs respectueux du climat, tels que des émissions nettes nulles, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas se tourner vers les centrales au charbon et au gaz. Ils ont besoin de grandes quantités d’énergie renouvelable, avec un système de stockage pour garantir la fourniture d’énergie 24 heures sur 24.
La quatrième et la plus fascinante des forces en présence est l’émergence rapide d’alternatives innovantes en matière de stockage de l’énergie, qui vont au-delà des batteries classiques à base de lithium. Les batteries sodium-ion constituent une alternative prometteuse, car elles sont non seulement moins chères, mais aussi moins inflammables. Cette solution est particulièrement intéressante pour les exploitants de centres de données, qui peuvent souscrire à un contrat d’assurance moins cher s’ils évitent la présence de lithium.
Systèmes de stockage d’énergie
Le cabinet d’études BloombergNEF (New Energy Foundation) prévoit que les fabricants de batteries au sodium, au premier rang desquels la société chinoise HiNa, commenceront à produire à grande échelle des batteries pour le stockage réseau en 2025. Form Energy, une start-up américaine, a levé 1,2 milliard de dollars pour développer une batterie à faible coût basée sur la chimie fer-air.
D’autres systèmes de stockage d’énergie utilisent la gravité. L’entreprise suisse Energy Vault a mis au point un système hybride associant de l’eau pompée et des batteries au lithium, qu’elle prévoit de tester en Sardaigne, en 2025, dans un puits de mine d’une profondeur de 500 mètres. L’entreprise a conclu un accord avec Skidmore, Owings & Merrill (SOM), le cabinet d’architectes à l’origine de l’imposante Burj Khalifa de Dubaï, pour intégrer son système de stockage par gravité dans les futurs gratte-ciel afin de réduire leur empreinte carbone.
Modernisations
L’ancien système de stockage par pompage et turbinage, dans lequel l’eau est déplacée entre des réservoirs situés à différentes hauteurs, représente encore la majeure partie de la capacité mondiale de stockage d’énergie à l’échelle du réseau. L’entreprise indienne Greenko, un important développeur d’énergies renouvelables, a modernisé cette approche basée sur la gravité et a trouvé un moyen économique d’en construire beaucoup. L’entreprise prévoit d’avoir 50 GWh de stockage opérationnel en 2025, et 50 GWh supplémentaires dans les prochaines années.
Le gaz comprimé est une autre approche prometteuse. L’italien Energy Dome stocke le dioxyde de carbone sous pression dans des dômes blancs distinctifs. Lorsque de l’énergie est nécessaire, le gaz est détendu et passe dans une turbine. L’entreprise dispose d’une installation en Italie et prévoit d’en construire une aux États-Unis en 2025. Le système mis au point par la société canadienne Hydrostor, en revanche, utilise l’air comme base de travail. L’entreprise commencera la construction d’une grande installation en Australie en 2025. Elle prévoit ensuite d’en construire une encore plus grande en Californie.
En résumé, une révolution du stockage de l’énergie est en marche. Pour l’instant, les batteries au lithium restent la norme. Mais de nombreuses alternatives les suivent, promettant une énergie plus propre et plus fiable à l’avenir.
Par Vijay Vaitheeswaran, rédacteur en chef énergie mondiale et innovation climatique de “The Economist”.
En 2025, quelque 80 gigawatts (GW) de nouveaux systèmes de stockage d’énergie à l’échelle du réseau seront ajoutés dans le monde.
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