Le rapport choc de la Cour des comptes sur les surprofits des parcs éoliens en mer
Les parcs éoliens en mer ont-ils réalisé des surprofits, tout en recevant des subsides ? Un rapport de la Cour des comptes se montre particulièrement critique.
La semaine dernière, la Cour des comptes a sorti un rapport très critique sur les parcs éoliens en mer. Il observe des lacunes dans la réalisation des parcs de la zone orientale. Il identifie surtout des surprofits (soit le bénéfice restant après rémunération normale des actionnaires pour le capital investi). Ainsi jusque fin 2021, les parcs de la zone orientale ont réalisé 710,33 millions d’euros de bénéfices conjoints. Leurs actionnaires ont déjà récupéré 642,93 millions d’euros en dividendes et réductions de capital, indique l’institution.
Un surcoût de près de 50 euros par ménage
Des surprofits qui dérangent puisque, toujours selon le rapport de la Cour des comptes, « fin 2021, les parcs éoliens avaient bénéficié de 3,41 milliards d’euros d’aide directe à la production et de 208,98 millions d’euros d’aide au raccordement. D’ici la fin des concessions domaniales, l’aide octroyée sera multipliée. » Plus gênant encore, «jusque fin 2021, l’aide à la production était répercutée sur les utilisateurs finaux, qui s’acquittaient d’une surcharge offshore pour chaque kWh d’électricité prélevé sur le réseau » dit encore le rapport. Concrètement, cela a, en gros, coûté un surcoût de près de 50 euros par ménage en 2021.
Ce ne serait cependant plus le cas aujourd’hui. Toujours selon le rapport, «sous la pression européenne, la surcharge offshore a entre-temps été remplacée par un droit d’accise spécial ». Pas de quoi rendre la situation plus idéale pour autant, puisque cela fait « peser un nouveau risque sur les finances publiques, puisque les recettes qui en découlent pourraient s’avérer insuffisantes. »
Des chiffres à nuancer
Les chiffres de la Cour des comptes sont tirés des rapports annuels des entreprises concernées. Les surprofits doivent beaucoup au fait que le rendement de la grande majorité des parcs était supérieur à la norme de 12 %. Mais en réalité, comme le précise le rapport, il existe de grandes différences de rendement entre les parcs. Ces rendements peuvent énormément varier en fonction de la quantité de vent en mer, du nombre d’années écoulées depuis le financial close (date de conclusion des principaux contrats en matière d’investissements, de coûts et de recettes) et la durée des crédits bancaires.
Les résultats tirés des surprofits doivent donc être interprétés avec prudence. Ainsi, « alors que les deux parcs éoliens les plus anciens n’enregistrent pas (encore) de surprofits, l’aide accordée aux parcs développés ultérieurement en entraîne déjà ». À titre d’exemple, en 2020, le parc éolien Nobelwind a atteint un rendement des capitaux propres de 72 %, alors que C-Power, le parc le plus ancien, n’a lui obtenu qu’un rendement de 11 %.
Si l’on considère les résultats sur plusieurs années, « tous les parcs éoliens confondus ont jusqu’à présent réalisé 253 millions de bénéfices de moins au cours de leur vie que la norme de rendement de 12 %, précise De Standaard. Mais ce piètre résultat serait dû au fait que les parcs éoliens les plus anciens (C-Power et Belwind) tirent les chiffres vers le bas en raison de leur faible rendement. Presque tous les autres parcs dépassent bel et bien la norme de 12 % en 2021, même à long terme précise encore le quotidien.
Comment le gouvernement s’est-il retrouvé coincé dans cette position défavorable?
Cela remonte aux négociations relatives au soutien financier des parcs éoliens offshore de la zone orientale. Les concessions domaniales avaient déjà été attribuées et cela ne pouvait donc plus servir de levier. Il était aussi poussé dans le dos par les objectifs en matière d’énergie renouvelable.
Le rapport rappelle, qu’au départ, la production nette des premiers parcs a été subventionnée au moyen d’un montant fixe. C’est sous l’impulsion de la réglementation européenne qu’il est devenu variable. Son montant diminue à mesure que le prix du marché de l’électricité augmente. Néanmoins si le montant par MWh a diminué au fil du temps, il n’a pas suivi le marché et n’a, semble-t-il, pas été réduit au minimum nécessaire. Les parcs reçoivent également une aide pour leur raccordement au réseau de transmission. Un mécanisme qui a ici aussi été adapté au fil du temps. Pour les premiers parcs, il s’agissait d’un montant fixe, pour les suivants un montant par MWh produit net d’électricité verte. À ces deux aides s’ajoutent encore d’importantes compensations au gestionnaire de réseau, notamment pour le traitement administratif de certificats verts. Enfin, s’ajoute à cela une mauvaise estimation des coûts. Les parcs éoliens plus jeunes ont coûté moins cher que ce qu’avait estimé la Creg, le régulateur de l’énergie.
“Les changements intervenus au fil du temps dans les mécanismes de soutien ont créé des conditions d’exploitation inéquitables pour les parcs”, écrit la Cour des comptes dans son rapport. Ce qui lui fait dire que “certains réalisent de possibles surprofits, surtout les plus récents.” La Cour des comptes s’attend à ce que ces surprofits potentiels augmentent encore lorsque les parcs éoliens auront remboursé leurs emprunts.
Un rôle plus important pour la Creg ?
Toujours selon le rapport, cette situation justifie pleinement le renforcement du rôle de supervision de la Creg. Surtout si l’on souhaite arriver à un mécanisme de soutien aux parcs éoliens offshore efficient en termes de coûts. Cela permettrait de suivre plus précisément les recettes et dépenses des parcs éoliens offshore afin de déterminer si certains surprofits sont structurels ou temporaires. Un renforcement de toute façon loin d’être superflu puisque, jusqu’à présent, une seule personne suit l’éolien offshore au sein de la Creg, et à temps partiel.
Plus qu’une critique, le rapport serait donc surtout un avertissement pour éviter de reproduire les mêmes erreurs à l’avenir. Par exemple pour les aides destinées aux parcs de la zone Princesse Élisabeth. Les parcs éoliens de cette zone seront d’ailleurs attribués à l’issue d’un appel d’offres. Le gouvernement veut ainsi offrir un ‘accès direct’ aux industriels, qui pourront conclure des contrats d’achat directs. Et les citoyens auront aussi un accès direct puisque la participation jouera un rôle central dans l’élaboration des conditions. Ainsi, 1% de l’investissement total devra être consacré à la participation citoyenne. La ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten, y voit un “aspect innovant”. La durabilité sera également incluse dans les conditions. En outre, la tarification proposée devra éviter qu’il y ait des “surprofits” chez les producteurs. Elle sera basée sur un mécanisme nommé “two-sided contract for difference” (CfD). Si les prix du marché de l’électricité passent en dessous d’un prix négocié à l’avance (le “strike price”), les producteurs sont dédommagés par l’état. S’ils passent au-dessus, ce sont les promoteurs qui reversent la différence à l’état.
Le gouvernement a dans la foulée pris d’autres mesures. Ainsi, les parcs les plus récents ne recevront plus de subventions en 2023 et les bénéfices excédentaires seront écrémés. Ce qui devrait rapporter 190 millions cette année, selon Tinne Van der Straeten dans De Standaard.
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