Le jeu s’ouvre pour plus de nucléaire en Belgique

Le nucléaire n’est plus la priorité d’Engie. Après Tihange 2 et Doel 3, le réacteur Doel 1 sera mis à l’arrêt ce week-end. © Getty Images
Baptiste Lambert

Vendredi, un communiqué d’Engie qui entérinait l’accord pour la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 se concluait par une phrase plutôt surprenante : “Nous sommes ouverts au dialogue concernant la politique énergétique fédérale en matière de nucléaire.” Le ministre de l’Énergie, Mathieu Bihet (MR), y a vu un potentiel tournant. L’énergéticien français est-il en train de changer son fusil d’épaule ?

Après le feu vert de la Commission européenne, l’Arizona et Engie devaient conclure l’accord sur la prolongation pour 10 ans de Doel 4 et Tihange 3. C’est chose faite : vendredi soir, Engie a annoncé le “closing” de l’accord, menant au “versement de la première partie du paiement, relative au transfert de responsabilité pour les déchets nucléaires et le combustible usé. La seconde partie sera versée lors du redémarrage des réacteurs en novembre 2025”.

À la fin du communiqué, Engie s’est dit “ouvert au dialogue concernant la politique énergétique fédérale en matière nucléaire“. Le ministre de l’Énergie, Mathieu Bihet, y a vu “un changement de paradigme”. Selon lui, “la Belgique aborde l’avenir de son mix énergétique sans tabou et avec la volonté de construire une politique énergétique résiliente, abordable et bas carbone”.

Luminus entre dans le jeu

D’autant que le communiqué d’Engie suivait de quelques heures la sortie du patron de Luminus, Grégoire Dallemagne, qui s’est déclaré en phase avec la politique pronucléaire du gouvernement fédéral. Il faut savoir que Luminus a pour maison mère EDF, le plus grand exploitant de centrales nucléaires en Europe. Et l’énergéticien est déjà actionnaire minoritaire de Tihange 2 et Tihange 3 et détient 50% des parts de Tihange 1. Beaucoup voient en Luminus le successeur d’Engie.

Avec EDF, nous nous tenons à la disposition du gouvernement pour examiner différentes options“, a déclaré Grégoire Dallemagne dans L’Echo, en marge de la présentation des résultats. Mais Luminus maintiendra ses positions nucléaires, voire davantage, pour autant que “l’exploitation soit rentable”, a ajouté le CEO, faisant référence aux taxes élevées qui entourent le nucléaire. L’exploitation des centrales a engendré des pertes ces dernières années, a expliqué le patron de Luminus.

Changement de stratégie ?

Le jeu semble donc s’ouvrir pour plus de nucléaire en Belgique. Mais est-ce qu’Engie a réellement changé de stratégie ? Au siège, on tempère : le nucléaire ne fait toujours pas partie des priorités du groupe.

Il y a quelques semaines, Vincent Verbeke, le CEO d’Engie Belgium, nous expliquait que cette stratégie était tournée vers le renouvelable, les molécules décarbonées et la flexibilité. Prolonger pour 20 ans Doel 4 et Tihange 3 ? Le Carolo bottait en touche et qualifiait l’actuelle prolongation de “plus grand chantier énergétique jamais fait en Belgique”. Pour la prolongation des plus vieux réacteurs, il jugeait tout simplement ces projets “impensables”.

Déjà à l’époque, Vincent Verbeke indiquait qu’Engie n’avait jamais refusé de dialoguer avec le gouvernement. Entre les lignes, on comprenait que l’exécutif fédéral ferait face à de nouvelles négociations compliquées. Dans son communiqué de vendredi, Engie a écrit être ouvert à la discussion “sous réserve de sa stratégie”.

En attendant, la modification de la loi de 2003, qui devait entériner la fin du nucléaire en Belgique, poursuit son chemin législatif. Initiée par Mathieu Bihet, alors député fédéral, elle est a maintenant été signée par tous les partenaires de l’Arizona, nous indique-t-il. Rappelons que l’accord de gouvernement vise la “stratégie 4+4” : 4 GW de nucléaire existant et 4 GW de nouvelles capacités nucléaires. La barre est placée très haut.

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