L’alerte d’Elia: l’excès d’énergie solaire menace la stabilité du réseau

Belga
Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

L’excès d’électricité solaire menace la stabilité du réseau, tandis que la fermeture prochaine de centrales nucléaires fait peser un risque de pénurie dès 2036. La Belgique doit agir vite pour adapter son système électrique et éviter des coupures.

Il n’y a pas de pénurie aiguë d’électricité, mais bien de gros excédents qui deviennent rapidement la principale menace pour la stabilité du réseau électrique. Les gestionnaires de réseau ne savent plus comment gérer l’afflux d’énergie solaire les jours ensoleillés. Le gestionnaire du réseau à haute tension Elia appelle également les ménages à l’aide. “Désactiver intelligemment vos panneaux solaires, c’est aussi bon pour votre portefeuille”, déclare Frédéric Dunon, CEO d’Elia Transmission.

« Imaginez une journée ensoleillée, sans vent, en mai 2032. À midi, les panneaux solaires installés sur les toits belges produisent pas moins de 14 gigawatts d’électricité. Ajoutez-y encore 3 gigawatts provenant des centrales thermiques, y compris les centrales nucléaires, qui doivent continuer à fonctionner. Cela signifie qu’à ce moment-là, 17 gigawatts d’électricité arrivent sur le réseau. Un tel afflux d’électricité bon marché peut sembler une bonne nouvelle pour le consommateur, mais pour les gestionnaires de réseau, c’est un véritable cauchemar. »

Désactiver intelligemment vos panneaux solaires, c’est aussi bon pour le portefeuille.

La physique impose que l’offre et la demande soient toujours en équilibre sur le réseau électrique pour que la lumière reste allumée. Or, en cette journée ensoleillée de mai 2032, l’offre risque de dépasser largement la demande. Elia prévoit qu’à midi, la demande en électricité atteindra 10 gigawatts. Si les entreprises et les ménages augmentent leur consommation en réaction à la surproduction et aux prix négatifs de l’électricité, la demande pourrait grimper jusqu’à 13 gigawatts. Mais cela resterait insuffisant pour maintenir l’équilibre du réseau. L’énergie éolienne ne pose d’ailleurs pas autant de souci pour cet équilibre, car les éoliennes peuvent être facilement déconnectées, contrairement aux centaines de milliers de panneaux solaires disséminés dans le pays. »

Un trop plein d’énergie

Lors d’une journée ensoleillée et sans vent en mai, un excédent de 4 gigawatts menace, ce que les gestionnaires de réseau qualifient de “production électrique fatale”. Il devient quasiment impossible d’évacuer cette électricité via des parcs de batteries ou par l’exportation vers l’étranger. Le dernier recours serait de désactiver les panneaux solaires afin d’éviter des pannes généralisées catastrophiques (black-outs). “Dès 2026, il existe un risque que, pendant 300 heures par an, le besoin de flexibilité ne puisse être couvert”, avertit Frédéric Dunon. “D’ici 2036, cela pourrait même grimper à 600 heures. Ce sont des moments de grande tension pour les gestionnaires de réseau.

Dès 2026, il existe un risque que, pendant 300 heures par an, le besoin de flexibilité ne puisse être couvert

Lors d’une journée ensoleillée et sans vent en mai, un excédent de 4 gigawatts menace, ce que les gestionnaires de réseau qualifient de « production électrique fatale ». Il devient dans ce cas presque impossible d’évacuer cette électricité via des parcs de batteries ou par exportation à l’étranger. Le dernier recours est alors de désactiver les panneaux solaires afin d’éviter des black-outs catastrophiques. « Dès 2026, il existe un risque que le besoin de flexibilité ne puisse être couvert pendant 300 heures par an. D’ici 2036, ce chiffre pourrait même atteindre 600 heures. Ce sont des moments de grande tension pour les gestionnaires de réseau », avertit Frédéric Dunon.

Bon pour la facture

Cela peut sembler paradoxal aux yeux des ménages, qui trouvent contre-intuitif d’arrêter leurs panneaux quand le soleil brille. Pourtant, explique Frédéric Dunon : « C’est aussi dans l’intérêt du consommateur. Éteindre ses panneaux au bon moment est bon pour le portefeuille. »


Elia lance un appel à mieux contrôler la production des panneaux solaires et à mieux gérer cette production. Cela signifie que même les particuliers devront parfois éteindre leurs panneaux solaires en cas de forte surproduction.

Les ménages y gagnent en éteignant leurs panneaux solaires lorsque les prix de l’électricité deviennent négatifs. Une flexibilité accrue de la production conduit également à une baisse des tarifs du réseau, car cela réduit les investissements nécessaires dans des capacités supplémentaires.

« Cette flexibilité supplémentaire chez les consommateurs finaux permettra d’économiser entre 350 et 600 millions d’euros d’ici 2036. Cela passe aussi par un usage plus intelligent des pompes à chaleur et des batteries des voitures électriques. Le consommateur bénéficie donc doublement : à la fois par une facture d’électricité allégée et par des coûts de réseau réduits », explique Frédéric Dunon. Elia n’envisage toutefois pas de désactiver à distance les panneaux solaires installés sur les toits des particuliers en cas de surproduction.

« Nous voulons avant tout informer les ménages que gérer intelligemment et avec souplesse leur installation est rentable. Par ailleurs, il faudra à terme améliorer les infrastructures pour adapter cette flexibilité à l’usage des panneaux solaires, des voitures électriques et des pompes à chaleur. Mais surtout, nous espérons que le marché proposera des solutions. Les fournisseurs pourront exploiter cette flexibilité via des contrats innovants. Activer la flexibilité chez les consommateurs finaux est une priorité stratégique pour le système électrique belge », avance  Frédéric Dunon.

Menace d’un important déficit électrique dès 2036

L’abondance d’énergie renouvelable lors des journées ensoleillées ne garantit pas la sécurité d’approvisionnement en Belgique. L’énergie solaire ne contribue que modestement à la sécurité du réseau, car la capacité des panneaux solaires en Belgique est en moyenne utilisée à seulement 10 à 15 %. Il y a un afflux d’électricité en été, mais en hiver, cette source est peu efficace.

Vu les délais importants nécessaires à la mise en œuvre de ces solutions, il est urgent d’élaborer dès à présent une vision claire du futur système énergétique belge

Une nouvelle étude d’Elia conclut qu’à partir de 2028, une capacité supplémentaire importante sera nécessaire pour maintenir la sécurité d’approvisionnement. Dès 2035, un grave déficit électrique est à craindre si les centrales nucléaires de Doel 4 et Tihange 3 ferment après l’extension de leur durée de vie de dix ans. Dans un scénario de base, ce déficit atteindrait 4 400 mégawatts, soit l’équivalent de plus de quatre centrales nucléaires. Cette simulation intègre un comportement plus flexible des producteurs et des consommateurs. Si cette flexibilité tarde à se développer, des capacités supplémentaires devront être déployées.

Construire de nouvelles centrales?

Dans les prochaines années, les besoins en capacité pourront être couverts via le mécanisme de rémunération de capacité (Capacity Remuneration Mechanism CRM). Ce mécanisme rémunère les producteurs pour qu’ils disposent de capacités de réserve, destinées à pallier les risques de pénurie d’électricité. Cela concerne par exemple les centrales à gaz, les parcs de batteries, mais aussi la réduction de la demande.

Jusqu’en 2035, le CRM devrait suffire à combler le besoin annuel supplémentaire de 100 à 600 mégawatts. Mais à partir de 2035, avec la fermeture prévue de Doel 4 et Tihange 3, des solutions plus structurelles seront nécessaires. Une première option serait de prolonger de vingt ans la durée de vie de ces centrales, soit jusqu’en 2045. La construction de nouvelles centrales nucléaires reste aussi une possibilité, bien que ce scénario ne puisse apporter une contribution significative à la sécurité d’approvisionnement qu’à partir de 2040 au plus tôt.

D’autres solutions structurelles incluent le développement supplémentaire de l’éolien offshore, l’augmentation des capacités d’interconnexion avec les pays voisins, ainsi que la réduction de la consommation d’énergie. « Vu les délais importants nécessaires à la mise en œuvre de ces solutions, il est urgent d’élaborer dès à présent une vision claire du futur système énergétique belge », souligne Frédéric Dunon.

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