La transition énergétique a encore du chemin à faire
Londres a donné des “centaines” de licences pour l’exploitation du gaz et du pétrole. L’Inde pourrait devenir une superpuissance économique à moyen terme, et sa demande en énergies fossiles devrait augmenter en conséquence. Malgré les volontés de décarbonation, le monde semble rester dépendant des énergies fossiles un bout de temps encore.
Pour le Premier ministre britannique Rishi Sunak, les énergies fossiles resteront bel et bien dans le mix énergétique, à long terme. Le pays devrait toujours être neutre en carbone en 2050, réitère-t-il, mais le pétrole et le gaz représenteront toujours un quart de la consommation.
Ainsi, il indique ce lundi vouloir agir de manière “pragmatique et proportionnée” contre le réchauffement climatique, en annonçant que le gouvernement a donné des “centaines” de nouvelles licences pétrolières et gazières, notamment pour les gisements en mer du Nord. Il ajoute que des cycles d’octroi de licences auront lieu régulièrement (et que le pays investira dans la captation et le stockage du carbone). Ce qui va à l’encontre des avis de nombreux scientifiques, dont le GIEC, qui estiment qu’il ne faut pas lancer de nouvelles exploitations d’énergies fossiles pour essayer de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré.
“Indépendance énergétique”
“Maintenant plus que jamais, il est vital que nous renforcions notre sécurité énergétique et capitalisions sur cette indépendance pour procurer de l’énergie plus abordable et propre aux foyers et entreprises britanniques”, déclare-t-il dans un communiqué, relayé par l’AFP.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le mot d’indépendance énergétique est sur toutes les lèvres en Europe. Les pays (certains plus que d’autres) étaient largement dépendants du gaz russe. Et du pétrole, mais dans une moindre mesure. Ils cherchent donc à trouver d’autres fournisseurs, comme la Norvège et les États-Unis, pour le gaz, et d’autres sources, comme la multiplication des éoliennes et des panneaux solaires. Ainsi, le Royaume-Uni veut davantage mettre à contribution ses propres réserves de gaz et de pétrole (il produit aujourd’hui près de la moitié du gaz naturel qu’il consomme).
Mais même si les pays accélèrent effectivement le déploiement du renouvelable et l’électrification du parc automobile, par exemple, le gaz et le pétrole devraient rester présents dans le mix énergétique dans les années à venir. C’est notamment vrai pour la Belgique, qui va remplacer ses quatre réacteurs nucléaires restants, censés être éteints en 2025 et 2035 respectivement, avec des centrales à gaz (en partie). Les perspectives de hausse de la production au Royaume-Uni devraient donc leur paraître comme un soulagement, dans un contexte où l’approvisionnement reste une préoccupation.
Ailleurs, le tigre commence à rugir
Avec ces besoins, l’Europe reste vulnérable aux fluctuations des marchés du gaz et du pétrole. Ils connaissent aujourd’hui un certain équilibre. On peut le résumer comme suit : le ralentissement économique en Europe et en Chine fait que les prix restent stables et bas, malgré le fait que l’Europe s’approvisionne beaucoup moins du côté russe, pour le gaz comme pour le pétrole (un trou à combler qui pourrait pousser les prix vers le haut, comme le demande auprès des autres fournisseurs augmente).
Mais cet équilibre pourrait bientôt être perturbé. Le monde économique pensait que la relance post-covid en Chine allait pousser les prix de l’énergie vers le haut ; cette relance n’a finalement pas (encore) eu lieu, et pourrait même ne jamais vraiment avoir lieu. L’élément perturbateur devrait être l’Inde, selon une étude de l’Australia and New Zealand Bank.
La Chine ne renouerait pas avec sa croissance d’avant la pandémie (Pékin ne devrait plus que connaître un taux moyen de 3,5%, entre aujourd’hui et 2030) et ne verrait sa demande en matières premières qu’augmenter d’entre 1 et 3% en général, estiment les analystes. Mais en Inde, elle devrait augmenter de plus de 5%. “La demande indienne de matières premières devrait croître rapidement, soutenue par une démographie favorable, l’urbanisation, l’expansion de l’industrie manufacturière et des exportations et la mise en place d’infrastructures”, peut-on lire dans le rapport, cité par CNBC. “L’Inde va intensifier ses efforts de décarbonation, mais ces efforts risquent d’être contrariés par la croissance rapide des besoins énergétiques du pays, dont une part importante pourrait encore devoir être satisfaite par des combustibles fossiles”, ajoutent les experts.
Voilà un nouveau concurrent sur le marché du pétrole et du gaz (et du charbon, mais là, l’Europe veut s’en débarrasser plus rapidement). C’est le plus offrant qui remporte les contrats sur ce marché : s’il y a plus de demandeurs, le prix va logiquement augmenter. Puis il ne faut pas oublier l’aspect géopolitique. Les pays du Golfe, grands producteurs de gaz et de pétrole, se tournent de plus en plus vers l’Asie. Depuis la guerre en Ukraine, leurs relations avec l’Occident (et surtout avec les États-Unis) semblent plus tendues.
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