La Chambre acte le renoncement à la sortie du nucléaire

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La Chambre a adopté jeudi en séance plénière la proposition de loi qui met fin à la loi de sortie du nucléaire de 2003. Le texte a été largement soutenu. Seul Ecolo-Groen a voté contre. Le PS et le PTB se sont abstenus.

La nouvelle majorité a choisi de réinvestir dans le nucléaire. Dans sa note de politique générale, le ministre de l’Énergie, Mathieu Bihet, a ainsi annoncé une “revalorisation de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique”. Pour le ministre MR, “il ne s’agit plus d’opposer les sources d’énergie de manière binaire et stérile mais bien de les utiliser avec pragmatisme et complémentarité.”  À ses yeux, ce changement de cap “ouvre également des perspectives technologiques, industrielles et économiques majeures”.

“La Belgique pourra s’appuyer sur son expertise pour relancer une filière innovante et créatrice d’emplois qualifiés au service de la transition énergétique. Nous nous inscrivons pleinement dans la politique énergétique définie par l’accord de gouvernement : celui d’un avenir énergétique durable, souverain et vecteur de bien-être socioéconomique. Ce n’est pas seulement une réforme énergétique, c’est une décision structurante pour l’avenir économique, environnemental et stratégique de notre pays”, conclut Mathieu Bihet

La proposition de loi supprime donc, entre autres dispositions, l’article 3 de la loi de 2003 qui établissait à 2025 la sortie du nucléaire en Belgique.

Un “combat de longue haleine”

Après de longues négociations avec Engie, le gouvernement De Croo avait prolongé sous la précédente législature les deux réacteurs les plus jeunes, soit Doel 4 et Tihange 3, pour une durée de dix ans. Mais il n’avait pas modifié l’échéance fixée dans la loi pour les autres unités de production, à savoir 2025. Dès octobre 2024, plusieurs partis de ce qui était alors la future majorité Arizona avaient déposé des propositions de loi afin de prolonger les réacteurs nucléaires existants, mais aussi permettre la construction de nouvelles centrales, en particulier des “petits réacteurs modulaires” (SMR, selon leur acronyme anglais). Les députés ont travaillé sur le texte du MR, déposé à l’origine par l’actuel ministre de l’Énergie, et repris ensuite par Christophe Bombled.

Le député libéral a qualifié ce vote de “moment historique”, fruit d’un “combat de longue haleine et constant du Mouvement Réformateur”. “Nous rouvrons le champ des possibles”, a-t-il estimé. Concrètement, la proposition de loi supprime toute date de sortie du nucléaire et prévoit une éventuelle prolongation décennale. Afin de ne pas mettre en péril l’accord négocié avec Engie, le calendrier de sortie de Doel 4 et Tihange 3 reste toutefois maintenu à ce stade au 31 décembre 2037.

Le gouvernement disposera cependant de la possibilité de modifier ce délai ultérieurement. Le texte offre aussi à l’exécutif la possibilité de prolonger toutes les unités ou de procéder à la construction de nouvelles. Une étude d’incidence sera alors nécessaire.

Le nucléaire compte pour environ 42% de l’électricité produite en Belgique et la coalition De Wever souhaite qu’il conserve ce rôle de pilier.

Convaincre Engie d’accompagner cet objectif

Reste désormais à convaincre l’actuel exploitant d’accompagner cet objectif. “Engie reste le propriétaire et l’opérateur des réacteurs, il faudra ouvrir un dialogue avec eux pour connaître leurs intentions”, a déclaré Mathieu Bihet. Sollicité par l’AFP, le groupe Engie a assuré œuvrer à la prolongation des deux réacteurs (Doel 4 et Tihange 3) concernés par l’accord de 2023 avec le précédent gouvernement. Mais “le nucléaire ne fait plus partie de la stratégie du groupe Engie”, a ajouté un porte-parole.

La Belgique a bénéficié pendant des décennies de l’énergie de sept réacteurs exploités par Electrabel, filiale d’Engie.

Réparti entre Doel, près d’Anvers (nord), et Tihange, dans la région de Liège (est), ce parc était censé être mis complètement à l’arrêt au plus tard fin 2025, d’après la loi votée en 2003 lors de la première participation des Verts au gouvernement fédéral. Trois des sept réacteurs ont déjà été déconnectés du réseau depuis 2022, et deux autres doivent l’être à l’automne prochain, selon le programme de mise à l’arrêt actuellement en vigueur.

Une “loi symbolique “

Ecolo-Groen, à l’origine de la loi de 2003, a voté contre, dénonçant une “opération de communication” de l’Arizona. “Il n’y a rien sur la table !”, s’est exclamée l’ancienne ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten. Rajae Maouane a dénoncé “un coup de com’, juste du vent… même pas du vent pour faire tourner des éoliennes.” Le PS et le PTB se sont abstenus. Marie Meunier (PS) a dénoncé un “symbole” et un “flou” qui “demeure total” sur l’avenir énergétique du pays. Roberto D’Amico (PTB) a parlé d’une “loi symbolique” qui permet à la majorité de “fanfaronner dans la presse”.

Un “non-événement”, selon les associations environnementales

L’adaptation de la loi de sortie du nucléaire est un non-événement, estiment les associations environnementales Greenpeace, Canopea et Bond Beter Leefmilieu. Pour les trois organisations environnementales, “il s’agit uniquement d’une énième gesticulation politique”. “Cela ne changera rien aux défis importants auxquels notre politique énergétique est confrontée.” Selon elles, “cette modification ne change pas les faits : les énergies renouvelables sont les plus abordables, la prolongation de la durée de vie des vieilles centrales nucléaires de notre pays est risquée et astronomiquement chère. Et construire des nouvelles centrales nucléaires est irréaliste tant d’un point de vue économique que technique”, selon Nadia Cornejo, porte-parole de Greenpeace Belgique.

“Pendant ce temps, les ménages belges restent dépendants du gaz en provenance de régimes menés par des autocrates comme Poutine ou Trump. La seule façon de réduire cette dépendance et le risque de factures énergétiques élevées est de faire avancer les énergies renouvelables et les politiques de rénovation.”  “Changer la loi maintenant est purement symbolique”, ajoute Arnaud Collignon, chargé de mission climat et énergie chez Canopea. “Nous demandons au ministre fédéral Bihet et à la ministre wallonne Neven de se concentrer sur les véritables chantiers de notre politique énergétique.”

Une “étape historique” pour le Forum Nucléaire

Le Belgian Nuclear Forum, le Forum Nucléaire, qui représente le secteur de l’atome en Belgique, a réagi positivement jeudi à l’abrogation de la loi sur la sortie du nucléaire. “Enfin”, a souligné le forum dans un communiqué, dans lequel il insiste également sur “une stratégie à long terme réaliste et fondée sur les faits pour la politique énergétique belge”.

Selon le forum, la loi “obsolète” constituait un frein au développement de l’énergie nucléaire en Belgique. L’abrogation n’est “pas simplement une victoire symbolique”, mais “une étape historique”, souligne-t-il. “Enfin, en tant que Belgique, un pays disposant d’un énorme savoir-faire nucléaire, nous envoyons un signal au reste du monde indiquant que nous adoptons à nouveau une approche rationnelle de la politique énergétique et du défi climatique, en cessant d’exclure idéologiquement l’énergie nucléaire comme partie de la solution”, a commenté le directeur général, Serge Dauby.

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