“Il faut rester extrêmement prudent avec le marché du gaz”

Damien Ernst (ULiège). © Belga

Les réserves européennes de gaz se remplissent et devraient être pleines avant la fin de l’automne. Une sécurité pour passer l’hiver ? Oui, mais il reste de nombreux risques et la situation reste dangereuse, prévient le spécialiste de l’énergie Damien Ernst.

Les réserves européennes sont remplies à près de 82%, selon les dernières données de Gas Infrastructure Europe. L’objectif annoncé par la Commission européenne était d’arriver à 90%, en octobre. Un seuil important pour la sécurité énergétique sur le continent, car durant les mois froids de l’année, les pays puisent dans ces réserves pour se chauffer.

Selon Damien Ernst, Professeur à l’Université de Liège spécialisé dans l’énergie, ce seuil devrait bien être atteint et pourrait même être dépassé. Des réserves pleines sont en effet une sécurité, affirme-t-il, mais il reste un talon d’Achille en Europe : le gaz russe.

Les risques existent toujours

“Sur environ 4.000 TWh de gaz consommés en Europe sur une année, 400 TWh environ viennent toujours depuis la Russie. 200 via l’Ukraine et 200 via la Turquie. Sans ce gaz russe, l’Europe rencontrerait des difficultés. Cela reste donc très dangereux. Même si les réserves sont pleines à 100% fin septembre, avec un hiver froid et sans gaz russe, la sécurité ne serait pas garantie”, nous explique le spécialiste. “L’équilibre reste très nerveux.”

Il pointe d’ailleurs vers un autre risque qui pourrait venir perturber, encore plus, la sécurité énergétique. À savoir un acte de sabotage des gazoducs norvégiens. Hypothétique bien sûr, car ce serait un acte de guerre contre l’OTAN – un pas que la Russie n’a pas encore franchi. Mais des navires russes ont semble-t-il été aperçus le long des infrastructures énergétiques européennes (ou des câbles de communication sous-marins). Dans tous les cas, un tel acte aurait comme résultat une “grande crise” : la Norvège représente environ 1.000 TWh de gaz par an, soit un quart de la consommation du continent.

“Il faut rester extrêmement prudent avec le marché du gaz”, résume et avertit Damien Ernst.

Évolution des prix

Les prix du gaz sont toujours en baisse, depuis la crise de l’année dernière. Ce mardi, le MW de gaz néerlandais, référence sur le marché, se négocie à 25 euros. Va-t-il continuer à baisser jusqu’à son niveau d’avant la crise, à savoir une fourchette située entre 10 et 20 euros ? Pour Damien Ernst, ce ne devrait pas être le cas. Il ne s’attend pas à ce que le gaz puisse durablement s’installer en dessous de la barre de 35 euros.

Ce qui est un risque pour l’économie européenne. “Aux États-Unis, le prix du gaz est de 10 euros le MW. Les entreprises très gourmandes en énergie vont vouloir profiter de la réduction et vont délocaliser”, prédit l’expert. Une raison d’exode de plus, après les subsides verts de l’Inflation Reduction Act de Washington et leur effet d’aimant sur les entreprises européennes.

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