Hydrogène naturel ou hydrogène blanc, le nouveau pétrole ?
L’avenir de la transition énergétique serait-il dans l’hydrogène naturel, aussi parfois appelé hydrogène blanc? On a longtemps cru qu’il n’existait pas à l’état naturel. Il serait pourtant présent dans de nombreux sols, notamment en France. De quoi déclencher une nouvelle fièvre chercheuse pour trouver ce que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de “Saint-Graal de l’énergie propre”
Dans les sols de la Lorraine française se cacherait une chose que l’on pensait impossible il n’y a pas encore si longtemps : une énorme réserve d’hydrogène naturel, aussi appelé hydrogène blanc. Il serait l’un des carburants les plus « propres » issus de la nature. Quand il brûle, il ne libère que de l’eau. Fini donc les émissions de carbone qui réchauffent la planète.
Le “Saint-Graal de l’énergie propre”
On connaissait déjà l’hydrogène gris fabriqué à partir d’hydrocarbures ou l’encore l’hydrogène vert produit grâce à l’électrolyse de l’eau. Ce deuxième type d’hydrogène fait, depuis quelques années déjà, l’objet de beaucoup d’attention des divers gouvernements dans le monde. Il a même été un temps annoncé comme la solution pour lutter contre le réchauffement climatique. A lui seul il permettrait d’éliminer environ la moitié des émissions de gaz à effet de serre. Et si l’enthousiasme s’est quelque peu essoufflé face au prix de production, aucune autre alternative n’avait encore réellement convaincu.
Mais voilà qu’une troisième sorte d’hydrogène, le blanc, fait une entrée remarquée sur la scène. Ce type d’hydrogène surprend d’autant plus qu’on pensait qu’il n’existait pas à l’état naturel. On ne comprend aujourd’hui pas encore bien quel système géologique rend cela possible. Tout au plus on suppute que c’est de l’eau chauffée qui serait rentrée en contact avec des roches riches en fer. Depuis la découverte en 1987 d’un gisement de façon presque fortuite au Mali (un ouvrier a accidentellement mis le feu à un puits en allumant une cigarette au-dessus), peu s’intéressaient à la chose. Sa recherche est d’ailleurs longtemps restée anecdotique, tant tout le monde se concentrait sur le forage de pétrole et de gaz, nettement plus lucratifs. Mais les choses bougent. Aujourd’hui, près de 40 entreprises dans le monde tentent de creuser le filon et se sont lancées avec ardeur dans la course.
116 millions de tonnes d’hydrogène sont produites par an dans le monde, dont seul 1 % provient de l’électrolyse de l’eau. L’Europe a aussi construit un vaste réseau de pipelines capables d’acheminer l’hydrogène manufacturé vers les usines et les sites de production de carburant. On pourrait tout à fait envisager d’y faire, un jour, circuler l’hydrogène blanc.
Un avenir encore flou, mais plein de promesses
Les réserves mondiales de ce type d’hydrogène sont aujourd’hui encore difficiles à estimer et on ne sait pas non plus comment l’extraire au mieux. Néanmoins, selon Isabelle Moretti, chercheuse et vice-présidente du pôle énergie de l’Académie des technologies en France interviewée par les Echos, «de nouvelles roches susceptibles de générer de l’hydrogène ont été découvertes, et il n’y a désormais aucun doute sur le fait que les ressources sont bien supérieures à la consommation actuelle». Elle ajoute, avec un certain enthousiasme, que « ces réserves pourraient être en partie renouvelables. »
Il pourrait donc s’agir d’une source potentielle d’énergie propre générée en permanence par la terre. Soit, il se cacherait sous nos pieds une véritable usine à énergie autosuffisante. Selon l’U.S. Geological Survey, une agence scientifique du gouvernement américain, il y a beaucoup d’endroits dans le monde où l’on pourrait découvrir des gisements. Mieux encore, « on n’aurait besoin que d’une petite partie de ces gisements pour fournir suffisamment d’énergie propre pour des centaines d’années. »
Et ce n’est pas la seule bonne nouvelle concernant l’hydrogène blanc. Il n’est pas gourmand en eau et n’a pas besoin d’électrolyseurs. Autant de facteurs qui font qu’il est non seulement plus écologique, mais aussi beaucoup moins coûteux à produire. Soit, selon Nicolas Pélissier, président de 45-8 Energy, une des sociétés pionnières du secteur, toujours dans Les Echos, « en dessous de 1 euro par kilogramme une fois parvenu en phase industrielle ». Marco Alverà, PDG de Tree Energy Solutions (TES), une entreprise qui prévoit de produire de l’hydrogène propre et de l’importer en Europe, nuance cependant quelque peu dans De Morgen. « Rendre l’hydrogène naturel compétitif dépend de nombreux facteurs, tels que la pression à laquelle le gaz est soumis, la température et le type de roche que l’on fore”. Par ailleurs, l’hydrogène blanc se démarque de l’hydrogène vert par le fait qu’il ne peut stocker l’énergie produite par les renouvelables. L’avenir serait donc plus à une combinaison des deux.
Creuser beaucoup pour trouver peu
Ensuite, on ne sait pas encore comment l’extraire de façon optimale. Ou comme le dit Julien Moulin, président de la Française de l’Énergie, une société spécialisée dans les énergies propres dans De Morgen : “Vous avez le gâteau, la question est maintenant de savoir comment le manger. Il faut se donner les moyens de développer cette ressource, et ce sera le travail des prochaines années ».
Enfin, l’hydrogène blanc risque aussi d’occasionner des levées de boucliers puisque la population n’est généralement pas très ouverte à l’exploitation des sols. Et comme la recherche et la technologie autour de cette matière en sont encore à ses balbutiements, il faudra probablement creuser beaucoup sans être sûr de son coup. Soit prendre le risque de défigurer la nature sans gage de succès.
Une aubaine pour la France ?
Par sa géologie, la France serait particulièrement riche en hydrogène. Ainsi, en Lorraine, selon les scientifiques, il pourrait y avoir entre 46 et 260 millions de tonnes d’hydrogène naturel sous les mines de charbon abandonnées dans les années 1970. Si tout se passe comme prévu de nouveaux forages commenceront l’année prochaine avec pour objectif d’extraire de l’hydrogène naturel d’ici 2027 ou 2028. Malgré un potentiel remarquable, le pays ne semble pourtant guère enthousiaste. Et si les choses évoluent, elles ne le font que doucement. Ailleurs en Europe, on en trouverait aussi en Pologne, dans les Balkans ou encore le nord de l’Espagne. Des réserves naturelles d’hydrogène ont également récemment été découvertes dans certaines régions des États-Unis, en Australie, en Afrique et en Russie.
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