Damien Ernst: “Attention aux conséquences du bashing anti-Elia et anti-GRD!”
Le professeur de l’ULG met en garde contre les critiques véhémentes adressées aux gestionnaires du réseau électrique, émanant des mondes politique et médiatique. Le risque est grand de perdre la main sur un outil essentiel de notre souveraineté énergétique, comme ce fut le cas avec Electrabel, prévient-il.
Damien Ernst, professeur à l’ULg, tire la sonnette d’alarme; à force de multiplier les charges contre Elia et les gestionnaires de réseau de distribution (Ores, Resa etc.), on risque de mettre à mal des outils essentiels pour la transition énergétique.
Pourquoi tirez-vous la sonnette d’alarme?
J’ai l’impression de vivre avec les réseaux électriques ce que j’ai vécu avec Electrabel: un bashing perpétuel. Il émane d’ailleurs en premier lieu du monde politique – il suffit de voir la volonté wallonne de fusionner les GRD… -, comme s’il y avait un mépris de ce monde-là. Certaines expressions médiatiques ne sont pas en reste, j’ai notamment lu que l’on comparait Elia à une boîte mafieuse: on peur critiquer, mais il ne faut pas exagérer!
Le risque est réel que ces charges à répétition ne mènent à un désinvestissement du public, à des privatisations ou à une revente à des fonds d’investissements qui n’ont aucun intérêt dans notre réseaux électrique s’il n’y a pas de retour sur investissement. Je vois ce scénario s’écrire. Comme avec Electrabel et le résultat, c’est que l’on a perdu tout contrôle sur notre flotte nucléaire.
Or, les investissements nécessaires pour décarboner la société sont considérables…
Voilà, cela a des implications énormes pour les actionnaires qui doivent recapitaliser à hauteur de plusieurs milliards. Cela induit aussi des augmentations de tarifs inéluctables. Si l’on n’explique pas tout cela et que ‘on continue à décrier ces entreprises, les investisseurs risquent de prendre peur.
Jusqu’ici, Elia est pro-actif dans son approche des chantiers majeurs comme l’île Princesse Elisabeth ou la Boucle du Hainaut. Imaginez que ce ne soit plus le cas, nous serions confrontés à des risques majeurs pour la distribution énergétique.
Les critiques conte Elia sont dues aussi au surcoût du chantier de l’île Princesse Elisabeth, dont le coût a explosé de 2,2 à quelque 7 milliards!
Il faut se rendre compte que, dans le cadre de l’électrification massive de la société, les pièces qui ont le plus de valeur, ce sont les réseaux et les convertisseurs. Ce sont des pièces critiques pour lesquelles l’Europe reste souveraine, ce qui est une bonne chose, mais dont la chaîne de valeurs est sous pression et ne peut profiter des pièces chinoises à moindre coût.
Le but n’est pas de défendre Elia ou les GRD à tout prix. Des critiques peuvent être émises, bien sûr, mais attention à ne pas mettre en danger l’outil. Il y a un manque de balance dans le monde politique. Un manque d’explication, aussi: on oublie de dire que la transition énergétique et les réseaux, cela va coûter cher.
J’ai longtemsp été critiqué par certains milieux écologistes parce que je défendais la prolongation du nucléaire, une position devenue mainstream aujourd’hui. De même, je mettais en garde contre le coût du renouvelable parce qu’il était présenté sans tenir compte du coût du système et de ces réseaux. La démonstration est faite, désormais.
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