Chris Elbers: “Les contrats d’énergie sont de plus en plus complexes”

L’abandon progressif de la production d’énergie nucléaire en Belgique est également un facteur que les entreprises devraient prendre en considération dans leur stratégie tarifaire, selon les experts. © Getty Images/Westend61

Depuis la crise énergétique, les entreprises sont confrontées à des contrats d’énergie plus complexes et à des risques accrus en matière de prix. “Les fournisseurs cherchent à transférer les risques et à répercuter les coûts imprévus sur leurs clients”, explique l’expert en énergie Chris Elbers.

La dynamique du marché de l’énergie a drastiquement changé depuis le début de la guerre en Ukraine. Cette situation a d’abord entraîné une forte hausse des prix de l’énergie et une incertitude concernant l’approvisionnement. Jusqu’en 2022, les entreprises bénéficiaient souvent de tarifs fixes et avantageux, avec un risque de prix supporté par les fournisseurs. Aujourd’hui, elles sont confrontées à des conditions contractuelles bien plus complexes.

“Les fournisseurs imputent régulièrement de nouveaux coûts à leurs clients, comme les frais d’équilibrage (différence entre la demande énergétique prévue et réelle, ndlr)”, indique Chris Elbers, CEO d’Odot, une scale-up qui aide quelque 1.700 entreprises belges à optimiser leur facture énergétique. “Il est nécessaire de prêter bien plus attention aux clauses des contrats. Les coûts réels sont souvent le résultat de la mécanique complexe du contrat décrite en petits caractères.”

Fixe ou variable ?

Bien que les prix de l’énergie se soient quelque peu stabilisés récemment, un retour aux prix d’avant 2022 semble peu probable. C’est également l’avis d’Annelies Delnooz, chef de projet pour les marchés de l’énergie chez EnergyVille, une collaboration entre la KULeuven, VITO, l’Imec et UHasselt, et qui mène des recherches en matière d’énergie durable et de systèmes énergétiques intelligents. “Les prix de gros, ainsi que les contrats de détail, sont désormais influencés par l’abandon du gaz russe et par des risques structurellement plus élevés sur le marché”, explique-t-elle. Ces risques, et notamment les risques de prix, les frais d’équilibrage ou les risques de trésorerie, sont de plus en plus répercutés sur l’utilisateur final.

“Les contrats variables sont souvent moins chers”, poursuit Annelies Delnooz, qui observe également cette tendance dans l’essor des contrats dynamiques. Ces derniers sont moins coûteux, car les clients finaux assument la responsabilité de déplacer leur consommation vers des moments de forte production d’énergie renouvelable, et donc de prix plus bas. “Avec les contrats fixes, la responsabilité des risques de prix et de volume incombe au fournisseur, ce qui se traduit par des prix plus élevés.” Chris Elbers souligne donc que “le choix entre un contrat fixe et un contrat variable devient de plus en plus stratégique”.

Contrats à prix hybride

Du côté de la demande, les entreprises peuvent non seulement choisir une énergie à prix fixe ou variable, mais également un mélange des deux. Odot indique que nombre de ses clients optent pour cette approche hybride : une partie de leur consommation énergétique est fixe, tandis que le reste est variable. “Ainsi, les entreprises peuvent bénéficier des baisses de prix sur le marché de gros tout en intégrant une certaine protection”, résume la société. Chris Elbers précise que ce choix (et la proportion entre les parts fixes et variables) dépend de la stratégie et du profil de risque de l’entreprise. “Pour celles qui répercutent le prix de l’énergie sur leur produit final, un tarif fixe peut être souhaitable, tandis que celles ayant une plus grande tolérance au risque préféreront souvent une part variable.”

Le choix entre un contrat fixe ou variable devient de plus en plus stratégique.
Chris Elbers

Chris Elbers

Odot

Annelies Delnooz note également que la taille d’une entreprise influe sur le type de contrat énergétique. “Les grandes entreprises industrielles sont plus actives sur les marchés à long terme et assument souvent une plus grande responsabilité en ce qui concerne le risque de volume, car elles connaissent mieux leur processus de production que le fournisseur.” Par conséquent, leurs prix sont souvent plus bas et plus stables que ceux des PME, généralement dépendantes de contrats standards variables.

Les petits caractères

Face à la complexité croissante du marché de l’énergie, de nombreuses entreprises découvrent qu’elles ne disposent pas des connaissances nécessaires pour gérer elles-mêmes leurs contrats énergétiques. “Les entreprises qui souhaitent conclure et gérer elles-mêmes leurs contrats sont de plus en plus confrontées à des conditions peu claires”, remarque encore Chris Elbers. Des différences subtiles entre les tarifs variables et fixes rendent le choix difficile. “Une différence d’une lettre dans un contrat, par exemple entre mégawatt (MW) et mégawattheure (MWh), peut conduire à des conditions contractuelles fondamentalement différentes et avoir des conséquences financières majeures, en particulier sur un marché aussi dynamique.”

Dans le même temps, l’abandon progressif de la production d’énergie nucléaire en Belgique est également un facteur que les entreprises devraient prendre en considération dans leur stratégie tarifaire, selon les experts. La fermeture de certaines centrales à partir de l’année prochaine engendre de l’incertitude sur le marché. “Il est bon de rappeler qu’en novembre 2018, cinq des sept centrales nucléaires belges étaient à l’arrêt, ce qui avait aussi créé de l’incertitude”, pointe EnergyVille. En outre, la demande d’électricité augmente surtout en hiver, ce qui accroît le risque de prix plus élevés.

Enfin, en plus de ces influences saisonnières, le prix des certificats de CO2 joue également un rôle dans les coûts énergétiques. “Actuellement, le prix des certificats est relativement bas, mais il pourrait augmenter dans le futur. Cela pourrait exercer une pression à la hausse sur le prix de l’électricité, d’autant plus que les centrales à gaz compensent leurs émissions de CO2 en achetant ces certificats”, conclut Chris Elbers.

Stabilisation et incertitudes pour les prix de l’énergie

Depuis le début de l’année, les prix de l’électricité sur le marché de gros semblent se stabiliser. Annelies Delnooz (EnergyVille) pointe les trois principaux facteurs à l’œuvre.
1. Baisse de la demande :
“La demande d’énergie est en baisse après les pics de 2022, causés par les tensions géopolitiques et la reprise de l’industrie après la pandémie. Le rapport de monitoring de la CREG montre que le volume total échangé sur le marché journalier belge a diminué de 10,4% en 2023 par rapport à 2022.”
2. Croissance des énergies renouvelables : “La part des énergies renouvelables joue également un rôle important dans la compression des prix. En 2023, il y a eu 222 heures avec des prix de l’électricité négatifs, en raison de l’offre importante d’énergie verte. Ce chiffre avait déjà été dépassé au cours du premier semestre de 2024.”
3. Réserves de gaz en Europe : “La constitution d’importantes réserves de gaz en Europe contribue à la stabilité. Néanmoins, le marché reste vulnérable aux facteurs externes, tels que les tensions géopolitiques et les fluctuations saisonnières de l’offre et de la demande.”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content