Accord des 27 pour réformer le marché de l’électricité
Les Vingt-Sept ont arraché mardi un compromis sur une réforme du marché européen de l’électricité, s’accordant notamment sur l’encadrement du soutien public au nucléaire, objet d’âpres tractations entre Paris et Berlin.
L’objectif de cette réforme, proposée par Bruxelles pour faire baisser les factures et encourager l’investissement, ne faisait guère débat, mais la querelle franco-allemande sur l’atome a longtemps bloqué les négociations et ravivé l’inquiétude sur la compétivité industrielle. L’accord, conclu par les ministres de l’Énergie à Luxembourg, sera désormais négocié à partir de jeudi avec les eurodéputés.
Après l’envolée des prix de l’électricité l’an dernier, la réforme entend modérer les factures des ménages et entreprises grâce à des contrats de long terme qui permettent de lisser l’impact de la volatilité des cours du gaz. Le texte approuvé doit aussi offrir davantage de prévisibilité aux investisseurs en rendant obligatoire le recours à des “contrats pour la différence” (CFD) à prix garanti par l’État pour tout soutien public à des investissements dans de nouvelles installations de production d’électricité décarbonée (renouvelables, nucléaire).
Dans ce mécanisme, si le cours du marché de gros est supérieur au prix fixé, le producteur doit reverser les revenus supplémentaires engrangés à l’État, qui peut les redistribuer aux consommateurs. Si le cours est en deçà, l’État lui verse une compensation. Paris et Berlin se sont longuement opposés sur les conditions requises pour appliquer également ces CFD aux investissements destinés à prolonger l’existence des centrales nucléaires existantes.
L’Allemagne, sortie de l’atome et sevrée du gaz russe dont elle a longtemps été dépendante, redoutait la concurrence, selon elle déloyale, d’une électricité française rendue plus compétitive grâce à un soutien public massif. Elle s’alarmait de la redistribution généreuse de recettes issues des CFD aux industriels hexagonaux. A l’inverse, la France y voyait un cadre commode pour financer la réfection de son parc nucléaire vieillissant et maintenir des prix bas, atout majeur pour ses entreprises.
Un débat crucial à l’heure où les industriels européens s’inquiètent pour leur compétitivité, entre envolée des prix énergétiques et subventions massives des industries vertes aux États-Unis.
“Juge de paix”
Finalement, dans le cas des centrales existantes, les CFD ne seront pas obligatoires, mais restent une possibilité, selon l’accord. Ils pourraient donc s’appliquer à tout le parc nucléaire français.
Mais si des pays font ce choix, “ils devront se soumettre aux règles de l’UE sur les aides d’État, et la Commission veillera à ce que de tels instruments soient adéquatement conçus, sans générer de distorsions de concurrence indésirables et de rupture d’équité sur le marché intérieur”, a résumé la commissaire à l’Énergie Kadri Simson.
“La Commission sera le juge de la sincérité du prix fixé (…), nos partenaires allemands avaient besoin de ré-assurances sur le fonctionnement du marché français, cela leur donne un certain nombre de garanties”, a observé l’Élysée. Berlin a longtemps réclamé un encadrement drastique des CFD appliqués au nucléaire existant, proposant par exemple un plafonnement des volumes d’électricité couverts. De telles contraintes ne figurent pas dans l’accord final. L’Élysée a salué “une belle victoire française et européenne”, satisfait que que le texte ne distingue pas atome et renouvelables.
“On ne peut pas discriminer le nucléaire”, énergie décarbonée “qui équilibre le système (face à l’intermittence des renouvelables), sécurise l’approvisionnement des Européens et fait baisser leurs factures”, avait insisté mardi la ministre française Agnès Pannier-Runacher. “L’accord améliore l’accès pour les consommateurs et l’industrie des prix de l’électricité bon marché dans toute l’Europe”, a commenté pour sa part le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck.
Le texte prévoit par ailleurs, en cas de nouvelle envolée durable des prix, le déclenchement d’une situation de crise au niveau européen permettant aux États d’adopter des mesures de type bouclier tarifaire pour protéger ménages vulnérables et entreprises. Un autre sujet faisait débat: les “mécanismes de capacité” qui permettent aux États de rémunérer les capacités inutilisées des centrales pour garantir leur maintien en activité et éviter des pénuries futures d’électricité.
Plusieurs pays souhaitaient être exemptés des contraintes écologiques prévues (limites d’émissions de CO2), notamment la Pologne, désireuse d’appliquer cet outil à ses centrales à charbon. Finalement, l’accord prévoit de possibles dérogations, mais dans des conditions strictes et seulement jusqu’à fin 2028.
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