Droits de douane : Les Etats-Unis relancent la pression sur l’Europe et sur les prix alimentaires mondiaux

© (Photo by Alex WROBLEWSKI / AFP)

Alors que les relations transatlantiques semblaient s’apaiser, l’administration Trump a ravivé les tensions commerciales en annonçant une nouvelle vague de droits de douane à l’encontre de l’Union européenne. Initialement prévue pour le 9 juillet, l’application de ces mesures a été reportée au 1er août 2025, faute d’accord entre les deux blocs.

Selon les dernières déclarations du secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, des lettres officielles seront envoyées à partir du 8 juillet aux partenaires commerciaux, avertissant que les surtaxes entreront en vigueur si aucun compromis n’est trouvé. L’administration Trump mise sur une stratégie de pression maximale, espérant forcer des accords bilatéraux rapides.

D’après Scott Bessent, l’Union européenne “fait de très bons progrès”. Les discussions se poursuivent, l’aboutissement semble plutôt proche, même si l’UE vise d’abord un accord “de principe”, comme l’expliquait la semaine dernière Ursula von der Leyen. Le prolongement de la pause devrait donc arranger les négociateurs européens.

L’agroalimentaire en première ligne

Ces droits de douane, qui pourraient atteindre jusqu’à 50 %, concernent une large gamme de produits, notamment dans le secteur agroalimentaire. La Belgique, fortement exportatrice de chocolat, de fromages et de bières spéciales, se retrouverait donc en première ligne. Ces produits, emblématiques du savoir-faire belge, risquent de perdre en compétitivité sur le marché américain, au profit d’alternatives locales comme les chocolats Ghirardelli, les fromages du Vermont ou les bières artisanales américaines.

Dans ce contexte incertain, les entreprises belges s’organisent. Certaines envisagent par exemple de diversifier leurs marchés, d’autres de relocaliser une partie de leur production aux États-Unis mais toutes s’accordent sur un point : la stabilité commerciale est essentielle pour préserver l’emploi, l’innovation et la compétitivité européenne.

Baisse des exportations

En 2023, la Belgique a exporté pour près de 6 milliards d’euros de produits alimentaires, dont 900 millions d’euros à destination des États-Unis. Le chocolat belge à lui seul représentait plus de 200 millions d’euros d’exportations. Selon les estimations, une surtaxe de 25 % pourrait entraîner une baisse des exportations de 45 %, affectant directement les marges des entreprises et menaçant des milliers d’emplois dans le secteur.

A rappeller qu’au-delà de la logique tarifaire, les États-Unis conditionnent toute exemption douanière à une série de concessions agricoles. Washington exige un accès élargi au marché agricole européen, avec la possibilité d’exporter davantage de produits souvent moins chers mais soumis à des normes différentes, et qui sont perçus par l’Union européenne comme une menace pour ses standards sanitaires, environnementaux et sociaux. Plusieurs États membres, dont la France, l’Espagne et la Belgique, ont exprimé leur opposition ferme à toute ouverture supplémentaire du marché agricole.

Une pression inflationniste sur les prix alimentaires mondiaux

Selon Bernard Kepenne, économiste chez CBC Banque, les tensions commerciales actuelles, combinées aux perturbations climatiques et aux conflits géopolitiques, contribuent à une hausse structurelle des prix alimentaires mondiaux. Malgré une abondance de blé, de maïs et de riz, l’indice des prix alimentaires de la FAO a progressé de 5,8 % sur un an.

Cette hausse de la production céréalière s’explique notamment par des rendements supérieurs aux attentes en Inde et au Pakistan, qui ont permis de compenser une récolte en baisse dans l’Union européenne, affectée par des conditions climatiques sèches. Le blé, en particulier, bénéficie de cette dynamique, mais cela ne suffit pas à freiner la pression sur les prix mondiaux.

“Si les droits de douane américains sont maintenus, ils pourraient accentuer la volatilité des marchés agricoles, en perturbant les flux d’approvisionnement et en incitant certains pays à constituer des stocks stratégiques. Cela pourrait se traduire par une hausse des prix à la consommation en Europe, notamment sur les produits transformés et importés”, avertit l’économiste.

Volatilité des prix

Aux États-Unis, les marchés ont déjà réagit aux tensions commerciales croissantes. La menace de nouveaux droits de douane sur les importations en provenance de 14 pays, dont le Japon et la Corée du Sud, alimente les craintes d’un ralentissement de la croissance et d’une hausse des prix à la consommation. Les investisseurs anticipent désormais que la Réserve fédérale américaine (Fed) ne procédera qu’à deux baisses de taux cette année, contre trois attendues initialement.

Pour Bernard Keppenne, ces éléments convergent vers un risque inflationniste durable. Malgré des fondamentaux agricoles solides, les tensions géopolitiques, les politiques commerciales imprévisibles et la demande mondiale soutenue créent un environnement propice à la volatilité des prix alimentaires. Il appelle à une coordination internationale renforcée pour éviter une spirale inflationniste qui pèserait sur les ménages et les économies les plus vulnérables.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content