Une réduction de 90%, voire plus, les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie en Belgique est tout à fait possible d’ici 2040-2050 avec les technologies actuelles ou des technologies qui seront disponibles au plus tard en 2040, selon une étude de la VUB réalisée à la demande du Service fédéral Changements climatiques et publiée jeudi.
L’industrie représente un petit tiers (28%) des émissions de gaz à effet de serre de la Belgique, avec des émissions annuelles de quelque 30 millions de tonnes par an équivalent CO2. Les secteurs de la chimie (environ 33%), de l’acier (28%) et du ciment et de la chaux (21%) sont les principaux émetteurs et les émissions sont concentrées autour des régions d’Anvers, de Gand, le long du canal Albert et de la dorsale wallonne.
L’étude, baptisée “Deepin” (Deepin industrial greenhouse gas reductions in Belgium), financée par Belspo, a identifié et évalué plus de 180 options technologiques susceptibles de réduire l’empreinte carbone de l’industrie en Belgique. Parmi ces solutions, une bonne centaine est déjà disponible ou le sera d’ici 2040 au plus tard.
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Réduire grâce aux technologies
La bonne nouvelle, c’est que ces technologies permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie de 90%, voire davantage, d’ici 2040-2050 par rapport aux niveaux de 2005. L’étude met en avant trois technologies particulièrement prometteuses.
Une piste, par exemple, passe par l’électrification de la chaleur industrielle, par le truchement de pompes à chaleur, relativement peu onéreuses. De 90 à 99% de la chaleur industrielle peuvent être électrifiés, à l’exception des températures les plus élevées. Pour certains secteurs, comme l’agro-alimentaire, cela pourrait être un “game changer”, estime-t-on. Mais pour que cela soit économiquement viable, il faut notamment que le prix de l’électricité demeure moins de trois fois plus cher que celui du gaz naturel.
Une autre technologie évoquée, et dont on parle beaucoup, est la capture et le stockage de carbone. Elle est vue comme essentielle pour certains secteurs particulièrement difficiles à décarboner, comme la sidérurgie, la chimie, l’industrie du ciment et la production de chaux.
Mais les auteurs de l’étude soulignent aussi l’importance d’une utilisation plus efficace des matières premières et d’une plus grande circularité: l’économie circulaire réduit en effet non seulement les émissions de CO2 mais aussi les importations de matières premières et de combustibles.
Le temps presse
La moins bonne nouvelle, mais elle était déjà connue, c’est que le temps presse. Deepin a identifié une série de conditions sine qua non à la décarbonation de l’industrie et celles-ci doivent être mises en œuvre rapidement.
Elles concernent les infrastructures (réseaux de transport et stockage de CO2, davantage d’énergies propres, renforcement du réseau électrique), les investissements pour réduire les coûts des technologies vertes (mécanismes de soutien aux technologies bas carbone, réforme fiscale pour réduire l’écart de prix entre électricité et gaz, marchés publics verts), l’innovation et la gouvernance. À cet égard, notre pays, avec ses compétences fractionnées entre les Régions et le fédéral, serait bien inspiré de se coordonner en interne au sein de la maison Belgique mais aussi avec les pays voisins, singulièrement en matière d’infrastructures, suggère-t-on.
“Les cinq prochaines années seront cruciales”, préviennent les chercheurs de la VUB. Ce laps de temps doit aller de pair avec “un déploiement à grande échelle de technologies matures” et une finalisation “des décisions d’investissement pour les infrastructures énergétiques et pour le CO2”, concluent les auteurs de l’étude, pour qui “avec une politique résolue en matière d’infrastructure, de réduction des risques d’investissement et d’intégration des systèmes, la Belgique peut réaliser une décarbonation industrielle profonde tout en préservant sa base industrielle stratégique.”
Objectif climatique 2040
L’étude est publiée le jour même où se tient une réunion des ministres européens de l’Environnement sur l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2040. La Commission européenne avait proposé début juillet de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de 90% d’ici 2040, par rapport à 1990 mais les États membres n’ont pas encore été en mesure d’accorder leurs violons et une décision n’est désormais plus attendue avant un Sommet européen prévu les 23 et 24 octobre.
Pour la COP30, prévue mi-novembre à Belém, au Brésil, l’Union européenne doit remettre son nouvel engagement de réduction de gaz à effet de serre à l’horizon 2035, tel que le prévoit l’accord de Paris sur le climat.