Interdiction des emballages plastiques à usage unique dans les restaurants d’ici à 2030: “L’UE laisse de nombreuses failles ouvertes”

L’UE s’est accordée lundi sur un texte visant à verdir ses emballages, avec notamment l’interdiction d’ici à 2030 des contenants plastiques à usage unique dans ses cafés et restaurants, tout en continuant d’y autoriser les contenants en papier ou carton.

Après d’âpres négociations, eurodéputés et Etats membres se sont entendus sur ce texte-clé du “Pacte vert” qui fixe un objectif de réduction de 5% d’ici à 2030 (par rapport à 2018) du volume total de déchets d’emballages dans l’UE, puis de 10% en 2035 et 15% d’ici à 2040.

Surtout, tous les emballages dans l’UE devront être recyclables à partir de 2030 et effectivement recyclés “à échelle” d’ici à 2035, de façon à encourager l’essor d’une économie circulaire, selon un communiqué parlementaire.

Cet accord doit désormais être confirmé formellement par les Vingt-Sept et le Parlement européen en plénière avant d’entrer en vigueur. Mesure-phare: l’interdiction d’ici au 1er janvier 2030 des contenants plastiques à usage unique dans la restauration, pour les aliments et boissons consommés sur place.

Contenants en papier et carton y resteront autorisés. Sont également bannis à même échéance d’autres contenants plastiques à usage unique: flacons miniatures de shampoing dans l’hôtellerie, petites dosettes de sauces, films de protection entourant les valises dans les aéroports, emballages plastiques des fruits et légumes non transformés… De même, les sacs en plastique ultra-légers devront disparaître, à quelques exceptions près.

Estimant que recycler ne suffit pas, la législation fixe des niveaux contraignants de réemploi (réutilisation ou recharge possible) des emballages pour divers secteur (e-commerce, électroménager, boissons, bière…) d’ici à 2030. Le secteur viticole en est exempté, comme les micro-entreprises. Surtout, des dérogations ont été ménagées pour les Etats qui à la fois dépassent d’au moins 5 points de pourcentage leurs objectifs de recyclage et sont considérés “en bonne voie d’atteindre leurs cibles de prévention des déchets”, selon un communiqué du Conseil de l’UE.

Les emballages cartons ou papier ne sont pas ciblés

De même, les emballages cartons ou papier ne sont pas ciblés. Des façons de satisfaire notamment l’Italie, qui défendait farouchement l’important système de recyclage où elle a investi. La restauration a fait jusqu’au bout l’objet de violentes tractations, sous la pression d’un intense lobbying des géants du fast-food et de l’industrie papier: ils vantaient les mérites “écologiques” des emballages cartons, recyclables ou issus de forêts durables, par rapport au plastique ou au réemploi –qui selon eux exigerait d’utiliser plus d’eau et d’énergie.

Alors que Bruxelles fixait initialement des objectifs d’emballages réutilisables pour les boissons et aliments à emporter, ces cibles contraignantes disparaissent de l’accord final. Au final, les restaurants devront simplement “s’efforcer” d’atteindre 10% d’emballages réutilisables, mais seront en revanche tenus d’accepter les contenants apportés par les clients. Enfin, la législation interdit à partir de 2026 l’ajout intentionnel dans les emballages alimentaires de polyfluoroalkylés (PFAS, “polluants éternels”) omniprésents, par exemple dans les boîtes de pizzas, malgré les avertissements des scientifiques sur leurs effets nocifs.

Nous craignons un déplacement du plastique vers le papier et le carton.

Une coalition d’ONG

Pour l’organisation environnementale Recycling Netwerk Benelux (RNB), l’UE s’attaque aux déchets d’emballages, “mais laisse de nombreuses failles ouvertes“. Janine Röling, chercheuse chez RNB, explique : « Cet accord est un pas important dans la bonne direction. Pour réduire notre dépendance aux matières premières, nous devons, en Europe, nous concentrer sur les systèmes de réemploi, en évitant les emballages inutiles et en favorisant un recyclage de haute qualité. Nous sommes déçus que le niveau d’ambition ait cédé face au lobbying de l’industrie, mais en même temps, nous ne devons pas sous-estimer que tout changement commence quelque part. Je vois cela comme le début d’une nouvelle approche plus durable des emballages.

Instauration de règles strictes

La coalition d’ONG* avec laquelle RNB suit ce dossier salue notamment l’instauration de règles plus strictes pour l’utilisation de substances préoccupantes et de produits chimiques extrêmement persistants (PFAS) dans les emballages alimentaires. “Il est urgent de faire preuve de force politique pour protéger les consommateurs et l’environnement contre ces substances nocives”, estiment ses représentant.

La coalition regrette cependant que la proposition initiale de la Commission européenne, publiée en novembre 2022, ait beaucoup souffert des pressions des partis qui souhaitent préserver une société du jetable. “Il est particulièrement décevant que les restrictions sur les emballages inutiles concernent uniquement les emballages en plastique à usage unique et ne s’appliquent pas à tous types de matériaux d’emballage à usage unique (comme envisagé dans la proposition initiale). En conséquence, nous craignons un déplacement du plastique vers le papier et le carton, ce qui augmenterait encore la pression sur nos forêts”, fait-elle savoir par voie de communiqué.

*Les membres de cette coalition informelle sont Zero Waste Europe, European Environmental Bureau, ECOS, ClientEarth, Surfrider Foundation Europe, Deutsche Umwelthilfe, Recycling Netwerk Benelux, Fern et Environmental Paper Network.

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