Les engagements de “neutralité carbone” des entreprises manquent de crédibilité
Près de la moitié des grandes entreprises ont promis d’effacer leur empreinte carbone ces prochaines décennies mais seules quelques-unes ont des plans crédibles pour y parvenir, selon une étude publiée lundi par le consortium Net Zero Tracker.
Près de 90% de l’économie mondiale est liée par des promesses de “neutralité carbone”, contre 15% il y a quatre ans, en prenant en compte les engagements des nations, des régions et des entreprises. Parmi celles-ci, 929 entreprises sur la liste Forbes 2.000 se sont fixé de tels objectifs, en hausse de 15% par rapport à il y a quinze ans. Cette neutralité consiste à réduire au maximum les émissions de CO2 et à compenser ensuite celles qui restent.
Mais la plupart de ces promesses ne résistent pas à l’étude lorsqu’on les évalue au regard d’une demi-douzaine de critères précis, a conclu dans un rapport le Net Zero Tracker, qui se présente comme un consortium de recherche indépendant, formé par Data-Driven EnviroLab (DDL), The Energy & Climate Intelligence Unit (ECIU), NewClimate Institute et Oxford Net Zero. “La plupart des entités qui ont fait des promesses de neutralité carbone ne remplissent pas les critères qualitatifs minimums pour cette neutralité”, estime John Lang, co-auteur du rapport, interrogé par l’AFP.
Par exemple, seules 4% des promesses des entreprises respectent les cinq critères de base formulés par des experts pour le compte de l’ONU: fixer des objectifs précis, inclure d’autres gaz à effet de serre que le CO2 (comme le méthane), donner la priorité à la réduction des émissions et utiliser les compensations avec parcimonie ou encore faire des points annuels sur les progrès effectués.
“Pas de marche arrière”
Par ailleurs, à peine un tiers des engagements des entreprises examinées incluaient les émissions dites de “scope 3” – les émissions indirectes, en amont et en aval, de la chaîne de valeur de la société. C’est par exemple le CO2 émis lors de la combustion de l’essence vendue par une compagnie pétrolière.
Aucun autre secteur que celui des énergies fossiles n’est autant sous pression pour réduire son empreinte carbone et 75 des 112 plus grands groupes du secteur se sont fixé des objectifs de neutralité carbone, en hausse de 50% sur un an. Mais la plupart n’incluent pas le “scope 3”, ce qui les “rend largement insignifiants”, selon le rapport.
Au moment où les promesses doivent se transformer en actes, les engagements en faveur de la neutralité se heurtent désormais à des obstacles. L’alliance mondiale des assureurs pour l’objectif zéro carbone (NZIA) a par exemple connu une cascade de défections récemment.
“Je pense que les entreprises ont ouvert les yeux“, estime John Lang. “Les gens se rendent comptent que ce n’est pas juste une mode et c’est au moment où ils se concentrent sur le +comment+ mettre en oeuvre la neutralité carbone que des oppositions se manifestent”. “Mais il n’y aura pas de marche arrière”, prévient-il. La neutralité “est désormais la norme pour le monde de l’entreprise”, selon lui.
Le paysage mondial économique est ainsi en train de changer. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les investissements dans l’énergie solaire vont par exemple dépasser ceux dans le pétrole cette année pour la première fois.
“Lentement mais sûrement le discours est en train de changer”, se félicite John Lang.