Toujours pas de pic en vue : les émissions de CO₂ liées aux énergies fossiles continuent d’augmenter en 2025, selon le dernier rapport du Global Carbon Project. Une fois n’est pas coutume, les “mauvais” élèves sont l’Europe et, surtout, les États-Unis. La Chine et l’Inde tendent vers une stabilisation. Analyse.
“Avec des émissions de CO₂ toujours en augmentation, maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C n’est plus plausible”. Le verdict du Pr Pierre Friedlingstein (Université d’Exeter), directeur de l’étude, est cinglant. Selon ce 20ᵉ bilan du Global Carbon Project, les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO₂) liées aux combustibles fossiles vont augmenter de 1,1% en 2025 pour atteindre 38,1 milliards de tonnes. Les émissions liées au charbon, combustible le plus polluant, ne baissent toujours pas : +0,8%. Même chose pour le pétrole (+1%) et le gaz naturel (+1,3%).
Il y a tout de même quelques nouvelles plus réjouissantes. On peut notamment épingler la baisse des émissions liées à l’utilisation des terres : elles devraient s’établir à 4,1 milliards de tonnes, soit une diminution de 0,5 milliard de tonnes en un an. Selon le rapport, cette baisse est due à une combinaison de facteurs : réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts en Amérique du Sud, et la fin des conditions sèches liées au phénomène El Niño (2023-2024).
Au total, en 2025, les émissions de CO₂ issues des combustibles fossiles et de l’utilisation des terres devraient ainsi atteindre 42,2 milliards de tonnes (+0,04%). Un nouveau record, donc.
Les USA et l’Europe régressent
Chaque année, le rapport du Global Carbon Project détaille les émissions en fonction des zones géographiques. Et cette année, il y a quelques (mauvaises) surprises. À commencer par l’Union européenne, qui régresse. Là où ses émissions liées aux énergies fossiles diminuaient depuis plusieurs années, elles semblent repartir légèrement à la hausse (+0,4%). En cause : un recours accru au gaz pour compenser des conditions météorologiques peu favorables à la production d’électricité d’origine éolienne et hydraulique, ainsi qu’un mois de février particulièrement froid.
Les scientifiques épinglent également les États-Unis. Là aussi, la courbe des émissions s’inverse à la hausse : +1,9%. Trois facteurs l’expliquent : une année 2024 assez douce suivie d’une année 2025 relativement froide, des prix du gaz élevés qui ont conduit à utiliser davantage de charbon pour l’électricité et une augmentation de la demande en électricité.
“Les États-Unis ont représenté une part importante de l’augmentation des émissions mondiales de combustibles fossiles en 2025. L’augmentation des émissions américaines entre 2024 et 2025 a contribué à environ 40 % de l’augmentation mondiale totale, soit plus que les contributions combinées de l’UE, de la Chine et de l’Inde”, signalent le Pr Friedlingstein et le Dr Zeke Hausfather sur Carbon Brief.
Notons que ce bilan n’est pas directement lié aux décisions de l’administration Trump. Leurs effets (somme toute néfastes) devraient surtout se faire ressentir dans les années à venir.
La Chine et l’Inde à un tournant
Du côté du premier pollueur mondial — la Chine —, il y a du mieux. Ses émissions de CO₂ ne devraient plus augmenter que de 0,4%, soit une hausse bien plus légère que les dernières tendances. Cela s’explique par une croissance modérée de la consommation modérée, ainsi que par la nette progression du recours au renouvelable.
L’Inde, pays le plus peuplé du monde, est le troisième plus grand émetteur de CO₂. Elle continue de polluer davantage chaque année, mais la hausse de 2025 (+1,4%) est clairement encourageante par rapport aux bilans précédents. Le boom du renouvelable a permis de n’augmenter que très faiblement le recours au charbon, tandis que la mousson, arrivée plus tôt que d’habitude, a réduit les besoins en climatisation.
Le rapport pointe le fait que 35 pays sont parvenus à réduire leurs émissions tout en assurant leur croissance économique au cours des dix dernières années. C’est le double par rapport à la période précédente. “Toutefois, ces progrès restent encore trop fragiles pour se traduire par les baisses durables des émissions mondiales nécessaires à la lutte contre le changement climatique”, tempère le Pr Corinne Le Quéré (Université d’East Anglia).
Accords de Paris : promesses mal tenues
Ce rapport sonne comme un nouveau signal d’alerte à l’adresse des dirigeants mondiaux, actuellement réunis à Belém (Brésil) pour la COP30. Selon le Pr Friedlingstein, au rythme actuel, le budget carbone restant pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, soit 170 milliards de tonnes de dioxyde de carbone, sera épuisé avant 2030. Ses collègues et lui insistent : dix ans après la signature des Accords de Paris, les efforts restent insuffisants.
Cette semaine, l’Observatoire Hugo (ULiège) publiait un classement des pays membres de l’OCDE relatif à leur respect des promesses tenues à Paris en 2015. En plus de leur trajectoire de décarbonation, il tient compte des mesures liées à l’adaptation et au soutien financier aux pays du Sud. Les USA y sont également très mal classés (31e sur 34), la dernière place revenant à leurs voisins canadiens. Les meilleurs élèves sont la Suède, la Norvège et la Suisse. La Belgique se contente de la 14ᵉ place.
