Le spectre de la sécheresse plane sur la France, des villages déjà touchés

Sécheresse, niveau d'eau
France. Seine et Marne. Blandy les Tours. Close up on a river during drought. Close up on a water measuring rod. © Getty Images

Les nappes phréatiques se situent à un niveau bas voire très bas dans une grande partie de la France, commençant déjà à provoquer des tensions et restrictions dans le sud-ouest du pays, où quatre villages sont privés d’eau potable.

“Un pack d’eau par semaine et par personne”, c’est le quota accordé aux quelque 3.000 habitants de ces quatre communes situées dans les Pyrénées-Orientales, près de la frontière avec l’Espagne.

A Corbère-les-Cabanes, Erwann Biosca, étudiant de 20 ans, inscrit son nom et le nombre de personnes du foyer et repart avec six packs de bouteilles. “C’est inquiétant de se retrouver mi-avril sans eau potable. On espère que ça ne durera pas. Se laver les dents à l’eau minérale… Il faut qu’il pleuve”, dit-il en regardant le ciel.

Le forage qui alimente d’habitude les quatre villages “est au niveau le plus bas, à seulement 30 centimètres au-dessus de la pompe”, explique le président du syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable, Jean-Pierre Saurie.

“Avant d’arriver au stade où on n’a plus d’eau du tout, on a préféré faire un branchement sur un forage agricole mais cette eau n’est pour l’instant pas buvable”, poursuit-il.

Forage, eau
Soil gel, clay drilling and mining of natural resources. Extraction of water using big steel industrial drill tool © Getty Images

“Les gens sont agacés, il y a beaucoup de critiques, on nous dit qu’on ne sait pas gérer, etc. Mais bon, il n’y a pas d’eau et si on avait une machine à faire pleuvoir, on l’aurait utilisée depuis longtemps et souvent”, explique Marie-Pierre Boxero, adjointe administrative à la mairie de Corbère-les-Cabanes.

“Catastrophique”

Les Pyrénées-Orientales sont l’un des départements français les plus touchés par la sécheresse.

“La reconstitution des stocks d’eau, cruciale en hiver, n’a (…) pas eu lieu et la situation des nappes continue de se détériorer”, souligne la préfecture, ajoutant: “ce phénomène qui a démarré en juin 2022, toujours en cours, est le plus long et le plus intense depuis le démarrage des suivis de l’humidité des sols par Météo France en 1959”.

“Normalement, il y a toujours de l’eau dans le barrage, mais cette année, il n’a jamais été aussi bas. Et il faut garder de l’eau pour que les Canadair puissent recharger en cas d’incendie”, observe le maire de Corbère-les-Cabanes, Gérard Soler, surtout préoccupé pour les arbres fruitiers. “Sans eau, ils vont mourir”.

“C’est catastrophique, c’est une situation jamais vue et on est sans doute en train de rentrer dans la période la plus sombre qu’on ait connue dans l’agriculture des Pyrénées-Orientales“, se désole Bruno Vila, président d’un syndicat agricole dans ce département connu pour sa production de fruits (pêches, nectarines, abricots) et de légumes (artichauts, tomates, aubergines, courgettes).

Des baisses drastiques de rendement des cultures sont à prévoir et même la survie des arbres fruitiers est menacée, déplore-t-il.

Des agriculteurs ont manifesté vendredi matin, demandant plus d’eau pour irriguer les vergers.

Sols secs

Si la crise est particulièrement aigüe dans cette région, ce sont en fait 75% des nappes phréatiques qui se trouvent à des niveaux modérément bas à très bas sur l’ensemble du territoire français, renforçant le spectre d’une sécheresse estivale qui pourrait être pire que celle de l’an passé.

“La situation est assez inquiétante car quasiment toute la France est touchée et on enchaîne les années sèches”, en comptant 2019, 2022 et 2023, souligne Violaine Bault, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). 

Malgré un excédent de pluie par rapport aux normales de l’ordre de 40% en mars au niveau national, c’est à peine si les choses se sont améliorées. Seules les nappes de la façade ouest du pays ont bénéficié “d’épisodes conséquents de recharge”.

“Cela est dû au fait que les pluies sont tombées sur des sols très secs et ont ainsi eu du mal à s’infiltrer en profondeur”, indique Mme Bault.

Le BRGM estime que le risque de sécheresse estivale pour certaines régions est désormais “avéré”, sauf pluies exceptionnelles dans les prochaines semaines.

“Face à l’urgence d’agir, nous ne devons pas avoir la main qui tremble pour prendre les décisions nécessaires”, a commenté auprès de l’AFP le ministre français de la Transition écologique, Christophe Béchu.

Le 30 mars, le président Emmanuel Macron avait annoncé un “plan eau” comprenant 53 mesures destinées à préparer la France à une nouvelle sécheresse cet été, et à plus long terme à s’adapter à une ressource en eau plus rare du fait du réchauffement climatique.

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