La Senne, source cachée d’énergie, reprend du service pour chauffer le siège central de l’ONSS
Le bâtiment de l’Office National de Sécurité Sociale (ONSS), situé juste au-dessus de la Gare du Midi, se dote d’une technologie novatrice pour se chauffer : une pompe à chaleur alimentée par la Senne. Ce projet, pionnier Belgique, est développé en collaboration avec Veolia.
La Senne sillonne Bruxelles sur une quinzaine de kilomètres. Une grande partie de son tracé est voûté depuis la fin du 19ème siècle. La rivière, exploitée autrefois pour le transport fluvial et pour actionner de nombreux moulins au 11ème siècle, n’est quasiment plus visible dans le centre urbain. La Senne pourrait bien reprendre du service dans un contexte de sobriété énergétique et de réduction des émissions de C02. Pour atteindre son plan climatique à l’horizon 2040, l’ONSS a eu l’idée, avec son partenaire Veolia, d’exploiter l’énergie de cette ressource locale souterraine pour la gestion thermique de son siège central, via un système de pompe à chaleur innovant.
Une source décarbonée puissante
« Notre objectif était de trouver non seulement une ressource décarbonée, mais également de puissance suffisante pour pouvoir alimenter un bâtiment de cette taille – 6 étages et 43.000 mètres carrés – qui dessert 1300 personnes. Il fallait aussi trouver une énergie constante. Il se trouve que la Senne passe juste sous les caves du bâtiment de l’ONSS. Cette ressource à portée de mains nous a paru astucieuse et pertinente », expliquent à Trends Tendances Koen Snyders, administrateur général de l’ONSS et Nicolas Germond, CEO de Veolia Belgique et Luxembourg.
Grâce à la différence de température entre l’eau de la rivière et les besoins thermiques du bâtiment, le dispositif permettra de fournir de la chaleur de manière constante et efficace au bâtiment, à la différence d’autres alternatives comme l’éolien ou le solaire. « Vu que l’installation est profonde, il n’y a pas d’impact sonore, olfactif, ou visuel pour le quartier, aucun effet nyby ici! (ndlr: not in my backyard)», ajoute Nicolas Germond.
Une efficacité énergétique supérieure à 300 %
Les deux pompes à chaleur dites « eau eau » installées au niveau -1 du bâtiment, à une profondeur d’environ 5 mètres seront opérationnelles en février prochain. Elles offriront un rendement impressionnant. « Contrairement à une chaudière à gaz, qui produit 0,8 mégawatt de chaleur par mégawatt de gaz consommé, ce système génère jusqu’à 3 mégawatts de chaleur pour un mégawatt d’électricité utilisée. Cela représente une efficacité énergétique supérieure à 300 % », vante l’administrateur général de l’ONSS. « On pense souvent qu’une pompe à chaleur est plutôt utilisée dans une maison individuelle dans une zone résidentielle et pas dans une zone urbaine comme ici », complète le CEO de Veolia. Avec ce projet, nous démontrons que ce type d’installation est réalisable à l’échelle ‘industrielle’, dans une zone extrêmement urbanisée et dans un bâtiment de grande taille. »
Un projet pionnier
C’est la première fois qu’une installation de cette ampleur est mise en œuvre à Bruxelles. Une autre installation beaucoup plus modeste est déjà utilisée sur le réseau de Vivaqua. Cette approche a été soigneusement validée par Bruxelles Environnement. « Nous avons été en contact étroit avec Bruxelles Environnement. Le système pompe seulement 0,3 % du débit horaire de la Senne, sans perturber son écosystème. Des grilles ont été installés pour éviter l’aspiration de poissons ou de flore locale », commente Koen Snyders. « La totalité de l’eau puisée dans la Senne est rejetée à une température légèrement inférieure à son prélèvement, ce qui ne perturbe pas le milieu naturel », précise Nicolas Germond.
Grâce à ce système, l’utilisation du gaz pour le chauffage du bâtiment de l’ONSS deviendra pratiquement superflue. En remplaçant la consommation de gaz actuellement évaluée à 140.000 m³ par an, soit 2,1 millions de kilowattheures, cette innovation permettra de réduire fortement les émissions carbone de l’ONSS. « Cela nous permettra d’économiser 361 tonnes de CO₂ annuellement, soit l’équivalent des émissions de 150 maisons », vante son administrateur général.
Grâce à ce système, l’utilisation du gaz pour le chauffage du bâtiment de l’ONSS deviendra pratiquement superflue.
Coût stable
Outre ses bénéfices environnementaux, ce projet présente des atouts économiques malgré l’investissement de base important d’1,9 millions d’euro. « Cette ressource locale à coût stable nous offre une grande indépendance vis-à-vis des fluctuations des prix du gaz. C’est important dans le contexte géopolitique actuel », avance Koen Snyders. « En principe, on n’aura plus besoin de gaz », précise Vincent Barthelemy, directeur général des services de support, sauf en cas de températures extrêmes pendant les heures de travail, à -7 degrés en permanence avec un impact sur la Senne ».
La mise en place de l’installation a nécessité deux ans de démarches administratives (dont près d’un an pour l’obtention du permis), suivies de travaux d’installation. Aujourd’hui, le projet entre dans sa phase finale avec une mise en service prévue au début du printemps prochain. Ce système s’accompagne d’une optimisation des infrastructures existantes, permettant d’adapter les réseaux de chauffage aux spécificités des pompes à chaleur, sans nécessiter de travaux massifs d’isolation du bâtiment de l’ONSS datant d’une vingtaine d’années. « Ce projet innovant démontre que des solutions énergétiques durables et décarbonées sont possibles même dans des zones urbaines denses », conclut Nicolas Germond, espérant inspirer d’autres entreprises bruxelloises situées au-dessus ou à proximité immédiate de la rivière qui traverse les bas-fonds de la Capitale.
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