La pollution lumineuse : un fléau coûteux et sous-estimé

© getty

La pollution lumineuse a longtemps été perçue comme un simple désagrément esthétique. Pourtant, elle cache des conséquences économiques significatives et souvent méconnues.

La nuit, l’obscurité se fait rare. La faute à ce qu’on appelle la pollution lumineuse. Une pollution souvent banalisée, mais bien réelle. Près de 90% du continent européen verrait ainsi ses nuits polluées par la lumière. Ce phénomène de « surillumination » ne fait pas qu’éclairer inutilement, il génère également des coûts financiers non négligeables pour les collectivités, les entreprises et la société dans son ensemble.

Coûts énergétiques et inefficacité économique

L’éclairage public représente une part considérable des budgets énergétiques des communes. Et alors que l’adoption généralisée des éclairages LED semblait promettre des économies d’énergie, elle a paradoxalement contribué à l’aggravation du problème. Car malgré l’efficacité des LED, leur installation massive dans les espaces publics, souvent sans prise en compte de la réelle nécessité d’éclairage, a conduit paradoxalement à une surconsommation d’énergie. Un bel exemple de l’effet rebond qui veut que l’augmentation de l’efficacité conduise à une utilisation plus intensive de la technologie. Dans le cas des LED cela se traduit par le fait que les économies d’énergie prévues par l’installation de cette lumière moins énergivore se trouvent largement annulées par la multiplication des points lumineux.

Le piège de la lumière blanche

Le choix de lumières blanches neutres à 4000 Kelvin, standardisé par des normes industrielles, a également contribué à ce phénomène. Ce type d’éclairage, bien que techniquement performant, est souvent surdimensionné pour les besoins réels des zones éclairées. Autant de points qui entraînent des surcoûts d’installation, de maintenance et de remplacement à long terme. À cette débauche de lampadaires s’ajoute aussi le fait que ceux-ci ne sont pas toujours correctement configurés. Il n’est pas rare de les voir éclairer davantage le ciel que la route. 

Bien réels, ces coûts cachés en termes de consommation d’électricité et de durabilité des infrastructures (installation, maintenance et remplacement) ne sont pourtant que rarement pris en compte dans les calculs économiques traditionnels.

Impacts indirects sur l’économie

Au-delà des coûts directs, la pollution lumineuse a des impacts indirects sur plusieurs secteurs économiques. La biodiversité, gravement perturbée par l’éclairage artificiel nocturne, subit des dommages qui se répercutent sur l’agriculture, où les insectes pollinisateurs, essentiels à la production alimentaire, voient leurs populations décliner. Cette baisse de la biodiversité peut donc à terme augmenter les coûts de production agricole et affecter la sécurité alimentaire. Plus anecdotique peut-être, la dégradation de l’environnement naturel nuit également au tourisme stellaire, une activité en plein essor dans certaines régions du monde.

Enfin, cette pollution a un effet sur la santé des êtres humains. De nombreuses études pointent des liens entre pollutions lumineuses et les troubles du sommeil ou encore des maladies chroniques comme le diabète.

Simple et facile

Une telle pollution lumineuse est d’autant plus aberrante qu’on peut facilement s’attaquer au problème. En gros, il « suffit » d’éteindre les lumières pour que celle-ci disparaisse. Mais c’est plus vite dit que fait. En effet l’être humain craint l’obscurité et tient à ses habitudes. Malgré le fait qu’elle est de plus en plus réfutée par les études, l’idée que le manque d’éclairage augmente l’insécurité a la vie dure.

Des initiatives locales montrent pourtant qu’il est possible d’agir à moindres frais. L’extinction partielle de l’éclairage durant certaines heures de la nuit ou l’utilisation de capteurs de mouvement pour ne déclencher l’éclairage que lorsqu’il est nécessaire, sont des mesures qui ont permis de réduire la consommation d’électricité jusqu’à 80%, sans faire pour autant exploser l’insécurité.

Malgré leur succès, ces initiatives restent trop souvent cantonnées à des initiatives personnelles et localisées. Or la pollution lumineuse représente un défi économique majeur qui nécessite une réponse coordonnée. Et aujourd’hui force est de constater qu’il n’y a toujours pas de véritable impulsion nationale ou européenne pour généraliser ces bonnes pratiques. L’absence de législation contraignante et d’incitations économiques empêche une adoption plus large de ces solutions. La nuit risque donc bien de rester encore longtemps prisonnière de ses lumières.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content