Des normes européennes pour crédibiliser les données climat des entreprises
Des données climat fiables et moins d’écoblanchiment (“greenwashing”): la Commission européenne a publié lundi le texte final qui définit les informations extra-financières à publier par les entreprises, mais les investisseurs le jugent insuffisant.
Les entreprises devront déclarer combien de tonnes de gaz à effet de serre elles émettent, les volumes d’eau qu’elles consomment, les espaces naturels qu’elles dégradent, leur impact sur les communautés locales…
La directive européenne, dite “CSRD”, définit 12 normes comptables pour encadrer l’information financière sur divers sujets environnementaux, sociétaux et en lien avec la gouvernance (ESG). C’est le fruit d’un travail mené sous la houlette du Groupe consultatif européen sur l’information financière (Efrag).
“Une étape cruciale”
Pour Patrick de Cambourg, président de l’Efrag, cette sorte de comptabilité durable est une “étape cruciale vers l’objectif de placer l’information sur le développement durable sur un pied d’égalité avec l’information financière”.
Concrètement, les entreprises européennes vont devoir publier annuellement à partir de 2025 un rapport de durabilité, comme elles le font avec leurs comptes financiers, qui décryptera leur impact sur l’environnement et la société, l’impact du changement climatique sur leur activité et un plan de décarbonation.
Dans certains pays déjà, les entreprises devaient renseigner le marché sur leur stratégie climatique. Désormais, elles auront un cadre permettant “la comparabilité” des données des unes et des autres, lesquelles seront ainsi d’une “meilleure qualité”, selon Chiara del Prete, présidente du groupe d’experts technique de l’Efrag.
Un enjeu important pour l’UE, qui veut développer la finance durable, et les investisseurs qui manquent cruellement de données fiables pour orienter leurs fonds vers des activités durables.
Auto-évaluation de la pertinence
Mais les investisseurs n’ont pas été particulièrement satisfaits par le texte publié lundi.
La Commission européenne a en effet choisi de laisser les entreprises évaluer elles-mêmes quelles sont les informations pertinentes à publier en fonction de leurs activités, parmi la liste de normes européennes.
Chiara del Prete cite à l’AFP l’exemple d’un cabinet comptable pour qui il est peu nécessaire d’évaluer l’impact en termes de pollution des sols…
Pourquoi cette auto-évaluation ? Pour “éviter les coûts liés à la publication d’informations non pertinentes”, indique la Commission européenne.
Mairead McGuinness, la commissaire aux Services financiers, y voit d’ailleurs “le juste milieu entre limiter le fardeau pour les entreprises tout en leur permettant de montrer les efforts qu’elles réalisent” en matière de climat.
L’organisation patronale européenne BusinessEurope se dit également “satisfaite de cet allègement”, par rapport à la première version du texte, “de la charge qui pèse sur les entreprises”, a déclaré à l’AFP son directeur général adjoint Alexandre Affre.
Dépendre du bon vouloir des sociétés?
Du côté des investisseurs, Aleksandra Palinska, la directrice générale d’Eurosif, une organisation européenne de promotion de la finance durable, a elle regretté que leurs “appels à rendre obligatoires des indicateurs ESG clé” – lancés par souci de transparence – “n’aient pas été entendus”.
Du point de vue de l’Eurosif, le succès de la mise en place de cette réglementation “dépend désormais largement des entreprises ainsi que de leurs conseillers, consultants et auditeurs”.
“On ne peut pas dire que les normes ne sont pas obligatoires”, défend Chiara del Prete, rappelant qu’une entreprise doit systématiquement s’interroger sur son impact sur les ressources en eau, le réchauffement climatique, la santé des travailleurs, etc.
“Il est obligatoire de décrire la méthodologie et les critères adoptés” dans cette évaluation de la pertinence des normes, ajoute-t-elle, précisant que cette information sera auditée.
L’Union européenne n’est pas la première à s’attaquer aux informations et promesses des entreprises liées au climat.
Pour lutter contre le greenwashing, la fondation IFRS, qui gère les normes utilisées dans 140 pays et juridictions, et sa branche ISSB ont dévoilé fin juin leurs propres normes concernant les émissions de carbone.
Par souci de convergence, la Commission européenne, l’Efrag et l’ISSB ont conçu en se concertant des normes très proches, ce qui permet notamment aux multinationales, tenues d’informer des investisseurs de divers continents, d’éviter de devoir publier deux rapports distincts.
Les premiers rapports de durabilité issus de la directive européenne seront publiés en 2025, concernant les données de 2024, par les entreprises de plus de 500 salariés. Les PME ont un à trois ans de plus pour rentrer dans la norme.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici