Des insectes pour arrêter d’autres insectes
Face aux insectes nuisibles, le premier réflexe a longtemps été le recours aux pesticides de synthèse, avec tous les dommages collatéraux qu’ils peuvent engendrer. Toutefois, les alternatives de lutte biologique se sont multipliées ces dernières années.
Fabriqués en laboratoire
“La lutte biologique consiste à utiliser des organismes vivants afin de contrôler des populations de nuisibles”, rappelle Louis Hautier, entomologiste au Centre wallon de recherche agronomique (CRA-W). Parmi les ravageurs qui nous empoisonnent la vie en Belgique, citons par exemple les populations de pucerons qui s’attaquent aux jardins, espaces verts et autres cultures agricoles, mais aussi le doryphore qui se régale des plants de pommes de terre, la pyrale du buis ou les scolytes. “Il existe différents groupes d’organismes utiles, poursuit le scientifique. Les insectes prédateurs comme les coccinelles, les insectes parasitoïdes telle la micro-guêpe qui pond ses œufs dans un hôte, mais aussi certains acariens, des nématodes (vers), des bactéries, etc.” Tous ces organismes sont bien sûr déjà présents naturellement dans l’environnement, mais peuvent aussi désormais être ‘fabriqués’ en laboratoire et vendus par des sociétés spécialisées en tant qu’agents de lutte biologique contre les nuisibles, ce qui évite le recours aux pesticides de synthèse néfastes pour l’environnement et la santé humaine.
Pour professionnels et particuliers
“Il y a différentes stratégies possibles selon que l’on soit agriculteur, gestionnaire d’espaces verts, horticulteur amateur, etc., explique encore Louis Hautier. Un particulier peut, par exemple, introduire directement des coccinelles dans son jardin afin de lutter contre les pucerons qui s’en prennent à ses rosiers. C’est possible car la lutte a lieu très localement, dans un espace limité. Idem dans les serres professionnelles, qui sont des milieux confinés mais où les insectes utiles ne vont pas venir naturellement car ils ne peuvent s’y maintenir. Par contre, dans un champ de plusieurs hectares, il est inimaginable de déposer des larves de coccinelles sous chaque plant. Dans pareil cas, il faut plutôt adopter une approche par conservation, c’est-à-dire essayer de créer un environnement favorable aux coccinelles tout autour du champ et où elles peuvent se maintenir lorsqu’il n’y a pas de ravageurs.”
Des fleurons belges et wallons
Leader mondial de la pollinisation et de la lutte intégrée biologique des cultures, Biobest est principalement connue pour ses bourdons, mais la société commercialise également une large gamme d’insectes utiles. Basée à Westerlo, la firme a multiplié les acquisitions ces derniers temps et levé 100 millions d’euros supplémentaires. De quoi faire de ce fleuron flamand une licorne, entreprise valorisée à plus d’un milliard de dollars. Mais notre pays compte aussi d’autres fleurons, bien que plus modestes. C’est notamment le cas de Horpi Development, spin-off de l’ULiège spécialisée dans la production de coccinelles de l’espèce indigène Adalia bipunctata, ou coccinelle à deux points, pour le contrôle des pucerons. Autre pépite wallonne: Viridaxis, spin-off de l’UCLouvain qui produit différents parasitoïdes via un procédé unique. Sa méthode brevetée consiste à reproduire dans un milieu artificiel la physiologie des pucerons, de telle sorte que ces derniers ne sont plus nécessaires au développement des larves de parasitoïdes, ce qui facilite grandement leur production.
“Une amélioration continue des solutions proposées”
“Une multitude d’organismes utiles sont désormais proposés à la vente, confirme Louis Hautier. Des dizaines, contre encore une poignée il y a seulement 20 ans. Et ces organismes sont à présent très ciblés, pour affronter des problèmes précis. La qualité des insectes s’est également beaucoup améliorée. Les solutions proposées s’améliorent continuellement.” Et pour le scientifique du CRA-W, ce marché en pleine croissance va continuer à se développer. “D’autant plus qu’il y a une attente sociétale de limiter l’utilisation de pesticides, souligne-t-il. De moins en moins de produits de ce type débarquent sur le marché, de moins en moins de nouvelles molécules, et il y a de plus en plus de critères légaux à respecter. Et pour produire bio, il n’y a guère le choix: si l’on ne peut pas utiliser de produits de synthèse, il faut pouvoir recourir à la lutte biologique.”
100 millions
En euros, la dernière levée de fonds de Biobest, licorne flamande basée à Westerlo.
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