Amid Faljaoui
Réservations record de vols cet été : que faire face à cette tartufferie générale ?
Pendant des décennies, l’avion a été associé à l’évasion, tout comme la voiture à la liberté. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, ni pour l’automobile qui devient à un objet de luxe pour une bonne partie de la population.
A la notion d’évasion en avion a succédé un sentiment de culpabilité. Ce « flygskam » comme on l’appelle, cette honte de voler partagée par une partie croissante de la population. Elle n’empêche pas un paradoxe, les réservations pour l’été à l’étranger sont au plus haut depuis 2019, soit des chiffres plus importants qu’avant le COVID.
Je parle de voyages en avion bien entendu. L’autre paradoxe, c’est de voir le plus important salon aéronautique du monde, celui du Bourget, fermer ses portes avec des commandes d’avion historiques.
Les prévisions le montrent bien. D’ici 20 ans, le nombre d’avions en activité devrait doubler. D’où ce sentiment d’une forme d’hypocrisie générale. Vous avez d’un côté des militants écologistes radicaux qui veulent bannir des jets privés et qui escaladent les grilles des aéroports pour scander des slogans anti-avions. De l’autre, des gérants d’aéroports et des dirigeants de compagnies aériennes qui ne peuvent plus ouvrir la bouche sans nous parler de la réduction des émissions de CO2. Et puis, nous autres, simples citoyens, désireux de voyager surtout après les deux années de COVID, mais honteux de le faire.
Ce sentiment n’est pas le fait de la génération des baby-boomers, mais aussi des plus jeunes, qui sondage après sondage, disent qu’ils sont sensibles au climat. Ils montrent dans les faits qu’ils restent friands d’exotisme et ne sont pas les derniers à prendre l’avion.
Alors, face à cette tartufferie générale, que peut-on faire ? Dans une tribune publiée auprès de mes confrères des Echos, le philosophe Gaspard Koening estime qu’il y a, en gros, 3 possibilités. La première, c’est qu’il ne se passera rien. Les économistes connaissent ce dilemme, ils lui ont même donné un nom : le dilemme du prisonnier bien connu de la théorie des jeux. En clair, chacun d’entre nous renonce à agir tant que son voisin ne fait rien non plus. C’est une version qui nous dirige droit vers la catastrophe nous dit-il.
La deuxième option : c’est de transformer l’offre. C’est tout le discours sur l’innovation et donc les avions à hydrogène et les biocarburants. Mais, là encore, on est dans le techno-chamanisme. Selon des experts comme Jean-Marc Jancovici, c’est joli d’évoquer les biocarburants, mais selon ses calculs, pour assurer 10% seulement des vols actuels, il faudrait mobiliser 30 à 40% des terres agricoles.
Donc, Gaspard Koenig a raison de poser la question : va-t-on arrêter de se nourrir pour continuer à voler ? Et puis, il y a la troisième voie : réduire la demande. A droite, on propose une taxe carbone pour rendre l’avion plus cher que le train. A gauche, l’idée qui prime, c’est d’imposer des quotas.
Tout le monde a entendu parler de cette proposition de limiter chacun d’entre nous à 4 voyages par vie. Bref, on aurait le choix entre une forme d’injustice pour la taxe carbone, car seuls les riches pourraient encore prendre l’avion. Et, une forme d’autoritarisme avec l’interdiction de faire plus de 4 vols sur une vie entière. Je n’ai pas de solution à vous proposer, juste une réflexion pour nourrir vos débats en famille et entre amis. Pour ma part, je vous souhaite un très agréable été. J’aurai le plaisir de vous retrouver le 21 août prochain en pleine forme.
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