Comment les pays luttent-ils contre le fléau des déchets plastiques?
Chaque année, 400 millions de tonnes de déchets plastiques sont produites dans le monde, dont une grande partie a été jetée après quelques minutes d’utilisation seulement.
A Busan, en Corée du Sud, s’ouvre le cinquième et dernier cycle des négociations sur un traité mondial contre la pollution plastique. L’occasion de faire un tour d’horizon sur la position des différents pays, européens ou non, face à la pollution plastique.
Comment comptent-ils lutter contre ce fléau ? Quelles sont les législations mises en place pour diminuer cette pollution plastique ?
Cocorico, la Belgique est la championne européenne du recyclage des plastiques
Avec un taux de recyclage de 39 % en 2022, contre 25% il y a dix ans, la Belgique est le leader européen en matière de recyclage de plastiques, bien au-dessus de la moyenne européenne de 27 %, souligne essenscia, la fédération belge du secteur de l’industrie chimique et des sciences de la vie. Le reste des déchets plastiques (59 %) est traité dans des centrales thermiques où l’énergie est récupérée. Contrairement à de nombreux autres pays, pratiquement aucun déchet plastique (2 %) ne finit dans les décharges dans notre pays.
Deuxième cocorico, au niveau des emballages en plastique, les chiffres sont encore plus éloquents: « plus d’un emballage en plastique sur deux (56 % contre 32% en 2012) est recyclé, soit le meilleur score enregistré en Europe », s’enthousiasme la fédération.
« Cette évolution positive des chiffres du recyclage est en grande partie due à l’extension du sac bleu, qui permet de collecter la quasi-totalité des emballages plastiques ménagers en vue de leur recyclage. » La part des matériaux recyclés utilisés dans de nouvelles applications a également augmenté de 54 % en quatre ans, mais reste juste en dessous de la moyenne européenne
Pour Saskia Walraedt, directrice d’essenscia PolyMatters et Kevin Poelmans, Business Group Leader Manufacturing chez Agoria, les chiffres parlent d’eux-mêmes : « La Belgique est le leader européen du recyclage des plastiques. Il importe à présent de maintenir et de renforcer cette position, notamment en améliorant encore la collecte et le recyclage des déchets plastiques. Les entreprises de l’industrie du plastique ont bien compris ce message et innovent et investissent déjà massivement dans de nouvelles technologies de recyclage. Nous appelons donc les responsables politiques au niveau régional, fédéral et européen à considérer les matières plastiques avec un esprit ouvert. De cette manière, nous garantissons en Europe la production, le traitement et le recyclage des matériaux qui sont essentiels pour une société durable“.
La France progresse dans le tri des déchets plastiques
Les ménages français ont amélioré en 2023 leur tri des emballages plastiques, traditionnel maillon faible du bac jaune, mais restent encore loin des objectifs européens. Ils ont recyclé 27% des emballages plastiques en 2023 contre 24,5% en 2022, selon des chiffres dévoilés lundi par Citeo, l’organisme qui coordonne la collecte et le tri des déchets d’emballages ménagers.
Pour le plastique, le “gisement”, c’est-à-dire la quantité d’emballages issus de la consommation des ménages, “est stable, donc, c’est vraiment une augmentation nette”, s’est réjoui Jean Hornain, directeur général de Citeo, dans un entretien à l’AFP.
Les Français ont recyclé 120.000 tonnes d’emballages plastiques supplémentaires entre 2022 et 2023, une progression que M. Hornain attribue notamment à la fin de la mise en place de l’extension des consignes de tri pour l’ensemble des plastiques, avec “un effet de simplification”.
Le plastique à usage unique reste populaire Thaïlande
Dans une rue de Bangkok bordée de vendeurs ambulants, les clients font la queue pour les célèbres gourmandises traditionnelles de Maliwan. Ces gâteaux cuits à la vapeur sont placés dans des sacs en plastique transparent, à côté de rangées de pudding au taro dans des boîtes en plastique.
Ce petit commerce fondé il y a 40 ans utilise chaque jour au moins deux kilos de plastique à usage unique. “Le plastique est simple, pratique et bon marché”, souligne la propriétaire, Watchararas Tamrongpattarakit, 44 ans. Les feuilles de bananier, autrefois courantes, sont devenues de plus en plus chères et difficiles à trouver, en plus d’être contraignantes à utiliser, car il faut nettoyer chaque feuille et vérifier qu’elle n’est pas déchirée.
La Thaïlande a commencé à limiter les plastiques à usage unique avant la pandémie de Covid, en demandant aux grands détaillants de ne plus distribuer de sacs gratuits. Mais cette politique est largement restée lettre morte et les vendeurs ambulants de produits alimentaires ne l’ont guère adoptée. La Thaïlande produit deux millions de tonnes de déchets plastiques par an. La Banque mondiale estime que 11% de ces déchets ne sont pas collectés et sont brûlés, jetés à même le sol ou déversés dans les rivières et les océans.
Le fléau des sachets d’eau à Lagos
Sur le marché d’Obalende, au coeur de la capitale économique du Nigeria, Lagos, des sachets d’eau vides jonchent le sol.
Chaque jour, Lisebeth Ajayi voit des dizaines de clients déchirer avec leurs dents les sachets d'”eau pure” et boire. “Ils n’ont pas les moyens d’acheter de l’eau en bouteille”, explique cette femme de 58 ans, qui vend des bouteilles et des sachets d’eau, du savon et des éponges. Deux sachets de 500 ml se vendent entre 50 et 250 nairas (2-13 centimes d’euros), contre 250 à 300 nairas pour une bouteille de 750 ml.
Depuis leur apparition dans les années 1990, les sachets d’eau sont devenus un polluant majeur dans une grande partie de l’Afrique, mais ils restent populaires pour boire, cuisiner et se laver.
Quelque 200 entreprises produisent des sachets à Lagos et même si plusieurs centaines d’autres recyclent le plastique, la plupart des déchets finissent sur le sol dans un pays où les poubelles publiques sont peu nombreuses et où l’éducation à l’environnement est peu développée.
Lagos a interdit le plastique à usage unique en janvier, mais l’impact de cette interdiction a été limité jusqu’à présent. Les Nations unies estiment que jusqu’à 60 millions de sachets d’eau sont jetés chaque jour au Nigeria.
En Corée du Sud, la K-pop participe aussi à la pollution plastique
Malgré la concurrence du streaming, les labels de k-pop continuent de vendre des disques en Corée du Sud grâce à des stratégies marketing élaborées, mais la pollution et le gaspillage plastique que cette consommation génère alarme certains fans.
Kim Na-Yeon, fan coréenne de K-pop, avait l’habitude d’acheter plusieurs exemplaires du même album à chaque nouvelle sortie, dans l’espoir de trouver, glissée à l’intérieur, un “selfie” de l’une de ses stars préférées. Au fil des ans, les étagères de Kim Na-Yeon se sont retrouvées remplies de CD, ce qui l’a amenée à s’interroger sur l’impact environnemental de cette habitude de consommation. D’après elle, il est “courant de voir des piles d’albums en plastique empilées dans les escaliers et éparpillées dans les rues de Séoul”, les fans les achetant uniquement pour trouver une photo ou un ticket.
Plus de 115 milions de CD de K-pop ont été vendus en 2023. C’est la première fois dans l’histoire de cette industrie que les ventes dépassent la barre des 100 millions. Il s’agit d’un bond de 50% par rapport à l’année précédente, même si les consommateurs préférèrent désormais écouter de la musique en streaming, plutôt que d’acheter des disques physiques.
Conçus en polycarbonate, ces CD peuvent être recyclés mais uniquement grâce à un processus de traitement spécial qui empêche les gaz toxiques d’être libérés dans l’environnement. En plus de l’emballage en plastique, la production d’un CD génère environ 500 grammes d’émissions de carbone, selon une étude d’impact environnemental réalisée par l’université britannique de Keele. Si l’on se réfère aux ventes hebdomadaires d’un groupe de K-pop de premier plan, cela pourrait réprésenter “l’équivalent des émissions produites par 74 vols autour de la Terre”, affirme Kim Na-Yeon.
Pour décourager la fabrication et l’achat de CD, le ministère sud-coréen de l’Environnement a commencé à imposer une pénalité en 2003. L’année dernière, les labels ont dû payer environ 2,0 milliards de wons (plus de 246 millions d’euros), a indiqué Yoon Hye-rin, directeur adjoint de la division de la politique de circulation des ressources au ministère de l’Environnement.
Brésil : “c’est compliqué” de trouver des alternatives abordables au plastique
Chaque jour, des vendeurs arpentent le sable de certaines des plus belles plages de Rio de Janeiro, au Brésil, transportant des récipients métalliques remplis de maté, une boisson semblable au thé. Le breuvage glacé, infusé de jus de fruits, est distribué dans des gobelets en plastique aux adeptes du bronzage qui se pressent le long du front de mer.
“Boire du maté fait partie de la culture de Rio de Janeiro”, raconte Arthur Jorge da Silva, 47 ans, à l’affût de clients. Il reconnaît l’impact environnemental de ses tours de gobelets en plastique, dans un pays classé quatrième producteur de déchets plastiques en 2019.
Mais “c’est compliqué” de trouver des alternatives abordables, dit-il à l’AFP. Il paie un dollar pour une tour de 20 gobelets et fait payer aux clients 1,80 dollar par boisson.
Les poubelles situées le long des plages de Rio reçoivent quelque 130 tonnes de déchets par jour, mais le plastique n’est pas trié et seuls 3% des déchets brésiliens sont recyclés chaque année. Les pailles en plastique sont interdites dans les restaurants et les bars de Rio depuis 2018 et les magasins ne sont plus tenus de fournir des sacs en plastique gratuitement — bien que beaucoup le fassent encore.
Le Congrès brésilien envisage également une législation qui interdirait tout plastique à usage unique.