Comment la Chine est devenue leader de l’automobile

Usine BYD à Hefei, dans la province de l'Anhui, en Chine. © VCG via Getty Images

Son avance dans la fabrication de batteries en fera bientôt le premier exportateur mondial de voitures.

Les moteurs à combustion des véhicules sont responsables d’environ 15 % des émissions de dioxyde de carbone chaque année. Pour les éliminer, il faut électrifier les transports, ce qui nécessite des batteries en quantités sans précédent. En 2024, les contours d’une nouvelle infrastructure mondiale de production de batteries se dessineront en Chine, en Europe et en Amérique. Il s’agira d’un réseau d’usines capables de produire des batteries en quantités suffisantes pour stocker l’énergie nécessaire à la propulsion de la flotte mondiale de véhicules.

La majorité des usines de batteries, existantes ou en projet, se trouvent en Chine. En Europe, de nombreuses usines sont construites par des entreprises chinoises. Selon le cabinet d’analystes Benchmark Mineral Intelligence, la Chine détiendra 69 % de la capacité mondiale de production de batteries d’ici à 2030, contre 78 % en 2022, mais cela restera suffisant pour produire assez de batteries pour 90 millions de voitures chaque année. L’Europe et l’Amérique, en revan­che, devraient disposer chacune d’environ 14% de la capacité mondiale d’ici à 2030, ce qui correspond à la production de 19 millions de véhicules chacune.

Subventions et concurrence

La Chine détient cette avance en partie parce que le gouvernement soutient depuis plus longtemps la fabrication et l’adoption des véhicules électriques (VE). Les allègements fiscaux pour l’achat de VE ont commencé au début des années 2010 et, en 2022, le gouvernement chinois avait consacré environ 30 milliards de dollars au soutien du marché par le seul biais d’incitations pour les consommateurs. Et les fabricants de VE ont bénéficié d’un soutien supplémentaire par l’intermédiaire des gouvernements locaux.

Ces subventions ont créé une concurrence entre de nombreuses nouvelles entreprises de VE. La plupart d’entre elles ont aujourd’hui fait faillite, laissant les gagnants tels que BYD et CATL en position de force. Les forces préexistantes de la Chine dans la chaîne d’approvisionnement électronique ont également donné un coup de pouce aux fabricants de VE. En 2010, il y avait déjà plus de 100 millions de vélos électriques en Chine, grâce à l’interdiction par le gouvernement des motos à essence dans les centres-villes.

Domination persistante

L’Europe et l’Amérique n’ont que récemment commencé à rattraper leur retard. Aux Etats-Unis, la loi sur la réduction de l’inflation (IRA), adoptée en 2022, prévoit des allègements fiscaux pour les acheteurs de VE, mais uniquement si le véhicule ne contient pas de pièces provenant de Chine ou de Russie. L’IRA offre également aux fabricants de batteries un crédit d’impôt qui couvre environ un tiers du coût de production. Au total, Benchmark calcule que les cons­tructeurs automobiles américains recevront 140 milliards de dollars de subventions au cours de la prochaine décennie. Au début de l’année 2023, l’Union européenne a proposé une mesure similaire, le plan industriel Green Deal, qui a ouvert la voie aux Etats membres pour qu’ils offrent leurs propres subventions, tout en fournissant un certain financement.

Grâce à ces efforts de relance, il semble aujourd’hui que l’Europe et l’Amérique disposeront d’une capacité de production de batteries suffisante pour couvrir la demande intérieure de VE d’ici à 2030. La Chine devrait disposer d’une capacité de production de batteries trois fois supérieure à ce dont elle a besoin pour desservir son marché intérieur. A l’aube de 2024, la Chine est sur le point de devenir, pour la première fois, le premier exportateur mondial de voitures. Et quelles que soient les sommes dépensées par l’Europe et l’Amérique pour tenter de rattraper leur retard, la domination de la Chine en matière de batteries perdurera dans un avenir prévisible.

Hal Hodson, rédacteur en chef pour les numéros spéciaux de “The Economist”
Traduit de “The World in 2024”, supplément de “The Economist”

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