Combattre les feux par la finance: les investissements au cœur de l’urgence climatique
Entre prise de conscience des conséquences de ses activités et recherche de solutions d’investissement : le rôle de la finance est au coeur de l’urgence climatique.
Il fait la Une de l’actualité : le “dôme de chaleur” qui s’est installé chez nos voisins français va entrainer dix jours de chaleurs et mettre 19 départements en vigilance orange. Des incendies ont ravagé la Grèce, l’Espagne ou encore l’Italie cet été lors d’une énième sécheresse. Il n’est plus possible d’ignorer à ce jour le réchauffement climatique, même chez les plus sceptiques.
Le monde de la finance en a bien pris conscience, les risques financiers étant considérables. Les catastrophes climatiques rendent certains secteurs de l’économie instables. Les conséquences matérielles se chiffrent en millions d’euros. Bruxelles travaille de son côté d’arrache pied pour réglementer les émissions de gaz à effet de serre. Et c’est sans parler de la mauvaise réputation, les clients étant aujourd’hui bien plus regardants sur l’impact des produits qu’ils consomment.
C’est dans ce contexte que le journal britannique The Guardian, en partenariat avec CFA Institute, une organisation professionnelle mondiale à but non lucratif spécialiste de la finance, a étudié le rôle du secteur de la finance dans ce bouleversement mondial qu’est la transition écologique.
Le pouvoir d’attraction de la finance au service du climat
Dans cette analyse, les auteurs soulignent la montée de la pression exercée par les entreprises sur leurs fournisseurs dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de se conformer aux nouvelles réglementations, et ce, tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Aussi, les entreprises et les organisations qui sont plus attentives et proactives sur les questions climatiques sont souvent considérées comme plus résistantes à l’avenir, moins risquées en matière d’assurance, et en capacité d’attirer des capitaux. Elles sont également mieux placées pour faire face aux réglementations et législations futures.
Les investisseurs sont devenus plus attentifs au rôle positif du secteur financier, qui se retrouve donc au cœur d’un réseau complexe de puissants facteurs d’incitation et d’attraction en faveur de l’action climatique. Selon l’analyse du Guardian et du CFA Institute, cela signifie qu’une carrière dans la finance peut être “un choix intéressant pour ceux qui souhaitent consacrer leur vie professionnelle à la lutte contre la crise climatique.”
“Nous avons une jeune génération qui est davantage motivée par une mission précise et ce sont eux qui entrent dans la finance. Ils veulent faire la différence et, chaque année, il y a de plus en plus de personnes dans l’industrie qui sont conscientes de ces décisions basées sur l’éthique ou les valeurs.”
Chris Fidler, responsable des codes et des normes de l’industrie au CFA Institute
L’analyse prend comme exemple le cas de Justin Kew, qui a suivi le programme CFA et travaille aujourd’hui comme analyste ESG dans une société de gestion d’actifs à Londres. L’ESG correspond aux stratégies d’investissement qui prennent en compte les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. “Vous commencez à découvrir qu’il existe des inefficacités du marché que les gens ont négligées, et c’est ce qui m’a vraiment intéressé”, explique Justin Kew. “On peut contribuer à mettre en place des changements dans le monde réel et on commence à considérer les entreprises sous un angle différent.”
L’ESG, entre espoir et désillusion
Si les investissements ESG ont connu une forte croissance (Bloomberg Intelligence a estimé qu’ils pourraient atteindre 50 milliards de dollars en 2025), ceux-ci ont du plomb dans l’ail. La guerre en Ukraine, les sanctions économiques, l’affaire Orpea (parmi les mieux notés ESG), les accusations de greenwashing ou encore le refus par certaines sociétés de gestions d’actifs tel BlackRock d’utiliser l’appellation ont enrayé la dynamique.
Des problèmes que l’analyse pointe également : “les définitions varient, tout comme les méthodes de calcul de la portée des émissions de carbone d’une entreprise, ainsi que d’autres mesures et notations ESG. Cela signifie que le monde de la finance ESG a trop souvent été assailli par des cas d’écoblanchiment, qu’il s’agisse de fausses déclarations intentionnelles sur la durabilité ou de fausses déclarations involontaires.”
Pour Chris Fidler, le secteur essaie de s’améliorer : “il y a encore beaucoup de choses à comprendre dans ce domaine. L’un des principaux objectifs du CFA Institute est d’établir des normes afin que les professionnels de l’investissement puissent communiquer à l’aide d’une terminologie fiable.” La finance, bien qu’elle joue un rôle prépondérant, doit donc gagner en crédibilité, en clarté et en efficacité. L’analyse souligne que les professionnels du secteur doivent être dotés des compétences et de l’expertise nécessaires pour comprendre l’ESG, afin de le mettre pleinement en œuvre, de suivre les évolutions, et d’adhérer à des cadres d’audit de plus en plus rigoureux.
Les questions ESG sont aussi complexes qu’ambivalentes, notamment parce que les alternatives plus durables peuvent parfois entrer en conflit avec les facteurs sociaux. On le voit actuellement avec les voitures électriques, dont les batteries dépendent de l’extraction controversée du cobalt et autres métaux rares. Zakia Khattabi – ministre fédérale du climat, de l’environnement, du développement durable et du Green Deal – l’avait pointé il y a quelques semaines lors d’une rencontre avec la presse, déclarant “il ne faut pas remplacer une dépendance par une autre.” Le défi est donc grand pour le secteur financier, qui doit prendre sa pleine part au défi colossal qui nous attend, tout en étant cohérent entre valeurs environnementales et sociales.
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