Biodiversité: sauver notre milieu naturel, oui, mais avec quel argent?
La législation européenne sur la restauration de la nature a été adoptée de justesse. Mais la crise agricole a provoqué de nouvelles réticences politiques, dont on entendra encore parler. Et la question du financement se pose, plus que jamais.
Ce fut tout sauf un long fleuve tranquille. La législation européenne sur la restauration de la nature a été adoptée mardi par le Parlement européen. Mais ce ne fut pas une sinécure: le vote final a été étriqué.
Et si l’obligation de mettre en place des mesures de restaurations de nos habitats naturels est entérinée, elle risque fort de se heurter aux réalités politiques nationales, ainsi qu’aux nécessités économiques.
La crainte des fins de mois
Politiquement, donc, ce fut serré au parlement européen. Après des aménagements sérieux et des concessions importantes pour amadouer les démocrates chrétiens, ces derniers ont finalement décidé de ne pas voter favorablement.
La fronde des agriculteurs ne fut pas étrangère à ce rebondissement de dernière minute. Le message, résumé par le vice-président du groupe PPE, Siegfried Muresan, est le suivant: “Nous ne voulons pas de nouvelles mesures bureaucratiques et d’obligations de déclaration pour les fermiers. Laissons les cultivateurs cultiver.”
La grogne des fermiers nourrit, il est vrai, un populisme déjà bien vivace en Europe. Lors des élections du 9 juin prochain, les sondages prédisent que l’extrême droite réalisera un score monstre, tandis que les écologistes risquent de s’écraser. Entre la fin du mois et la fin du monde, le choix est de plus en plus opposé aux contraintes visant à protéger notre milieu naturel.
Au niveau des transpositions nationales de cette législation européenne, ce bras de fer politique risque encore de faire beaucoup de vagues. Y compris en Belgique, en Flandre surtout, où les partis de centre-droit plaidaient en faveur d’une “pause environnementale”, en ce compris Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD).
Restaurer, oui, mais comment?
La législation européenne prévoir des mesures de restauration des habitats sensibles au service de la biodiversité. 20% de ceux-ci devront faire l’objet d’attention d’ici 2030, 60% d’ici 2040 et 90% d’ici 2050. Comment ne pas saluer la volonté de l’homme de se soucier, enfin, des autres habitants de la planète, sachant en outre que nos sorts sont irrémédiablement liés?
Mais la Copa-Cogeca, lobby des agriculteurs, soulève un point important: “L’un des principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés est de savoir comment cette loi sera financée et comment les gestionnaires et les propriétaires fonciers seront soutenus pour réaliser activement des changements à long terme avec des fonds à court terme.”
La réponse serait de créer “un pilier pour la nature dans l’architecture financière générale de l’Union européenne”. Certes. Mais entre les besoins pour la transition énergétique, pour le redressement industriel et la défense face à la menace russe, cela ne risque pas d’être facile.
Les agriculteurs hurlaient à l’injustice en voyant les milliards débloqués pour soutenir l’Ukraine et la lenteur des réponses financières à leurs revendications. En cette ère de crises multiples, l’Europe est un refuge et un pouvoir sous pression, plus que jamais.
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