Comet, l’économie circulaire avant l’heure
Actif dans le traitement de la ferraille à la fin des années 1980, le groupe Comet se profile aujourd’hui en leader belge et européen dans le recyclage, réparti sur une trentaine de sites en Belgique et dans le nord de la France. Du négoce à l’économie circulaire, la famille Grosjean a su anticiper les changements du secteur.
C’est une usine en bord de Sambre comme le bassin carolo en compte tant. Sur les quais s’entassent des montagnes de ferraille, surplombées par une grosse pince. On croirait l’usine figée dans le temps. Pourtant, le site du groupe Comet à Châtelet s’est transformé pour s’adapter à son époque et faire évoluer son secteur. Aujourd’hui, Comet est connu pour ses activités de recyclage et de traitement. Une entreprise dans l’air du temps, en quelque sorte.
“La famille Grosjean a eu une attitude avant-gardiste”, résume Pierre-François Bareel, l’actuel CEO de Comet Traitements, l’entité chargée du traitement et du recyclage des résidus du déchiquetage des déchets métalliques.
L’histoire de cette entreprise familiale commence avec les carcasses de voitures et le négoce de l’acier qui les compose. En 1986, Alfred Grosjean rachète un premier chantier à Aubange, en région arlonaise. L’année suivante, il en acquiert un second à Châtelet, à quelques pas de Charleroi et de son industrie sidérurgique. Sur ces chantiers, Alfred Grosjean collecte l’acier des voitures en fin de vie ou autres ferrailles. Pinces et aimants les démantèlent pour séparer l’acier du reste des matériaux, lequel est ensuite revendu pour réintégrer le circuit de la sidérurgie. En 1988, naît Comet Sambre, acronyme de Compagnie des Métaux de la Sambre. La société se développe et grandit, en passant dans les mains de la deuxième génération familiale. D’abord Pierre, puis son frère Philippe. De rachats en créations, Comet se fait une place dans le secteur du recyclage et devient pionnière dans ce qui deviendra l’économie circulaire.
Un constat simple
Dans les années 1990, environ 75% de la matière collectée sur une voiture pouvait être revendue à la sidérurgie. Restaient donc 25% de déchets non valorisés qui étaient envoyés dans les décharges. Une réflexion chemine alors dans la tête des Grosjean. Les décharges ne seront pas éternelles, il faudra donc trouver une destination pour ces déchets. “La famille s’est rendu compte que c’était un matériau valorisable, relate Pierre-François Bareel. Ils ont anticipé ce qui allait devenir une tendance générale, globalement 10 ans en avance sur le secteur.” Petit à petit donc, l’activité se déplace. Du métier de la collecte des déchets métalliques, le business évolue vers le traitement des résidus de broyage. Avec, aujourd’hui, un basculement clair : “Dans le groupe Comet, le broyage occupe 71 personnes. Le traitement des déchets, 143”, précise le CEO de Comet Traitements.
Du carburant et du sable synthétique
Le groupe Comet développe des techniques de recyclage pour différents matériaux, élargissant sa palette depuis le milieu des années 1990. Parti de l’acier, le groupe va s’orienter vers les matériaux non ferreux, puis vers le plastique. Aujourd’hui, le groupe peut revendiquer le traitement de la rouille, du verre, et même des matériaux de construction. Pour ces derniers, l’entreprise les transforme en sable, qui peut remplacer le sable naturel et que l’on retrouve sur certaines portions des autoroutes wallonnes.
Autre utilisation de ces déchets : le carburant. Ce projet, nommé Phoenix, vise à récupérer les matériaux organiques résultant du recyclage des voitures. Ces déchets sont à nouveau traités par un catalyseur et sont transformés en carburant qui va alimenter des générateurs pour satisfaire les besoins énergétiques du groupe. Pour ce projet novateur, estimé à 7,5 millions d’euros, Comet a pu compter sur l’intervention de la Région wallonne dans le cadre du plan Marshall.
Recyclage des voitures électriques
Depuis avril 2019, Comet abrite les deux premiers centres agréés en Région wallonne pour le recyclage des voitures électriques. Pas de la batterie (qui est renvoyée chez le fabricant), mais bien du reste du véhicule. “Il y a là toute une méthodologie à appliquer, on ne procède pas comme pour les voitures classiques. En fait, nous avons développé cela assez tôt. Dès 2015, nous avons commencé à travailler avec Toyota Motor Europe”, précise le CEO de Comet Traitements. L’entreprise n’est qu’une étape dans un long processus, mais elle peut se targuer d’être la pionnière en Wallonie.
Parti de deux sites en 1987, le groupe Comet en compte aujourd’hui une trentaine.
Le groupe a, assez tôt, misé sur la recherche. Aujourd’hui, le département R&D compte 11 chercheurs, mais peut s’appuyer sur différents partenariats, notamment avec l’ULiège.
Une structure en évolution
“Les entreprises actives dans la ferraille sont souvent des entreprises familiales. Il faut un certain sens du négoce, un plan stratégique et des outils performants”, analyse Pierre- François Bareel. A la tête de Comet Sambre, l’entité qui s’occupe du commerce de l’acier – l’activité historique du groupe -, on retrouve actuellement Philippe Grosjean, le fils du fondateur, qui a repris provisoirement les rênes suite au départ de son fils Guillaume, lequel a quitté le secteur du recyclage.
Côté recyclage, chez Comet Traitements, la direction est très vite passée dans des mains extérieures à la famille. “De fil en aiguille, le métier est devenu celui de l’ingénieur”, explique Pierre-François Bareel. Une ouverture vers l’extérieur, même si le nouveau directeur reste dans le giron : “J’ai été diplômé ingénieur de l’ULiège, avec laquelle le groupe collabore depuis des années. Et puis, je travaillais dans la métallurgie depuis des années”, s’amuse-t-il.
Le groupe appartient toujours majoritairement à la famille, à hauteur de 84%. La SFPI et la SRIW en détiennent chacune 7%. La famille Grosjean occupe toujours des sièges au comité de direction pour les orientations stratégiques et suit de près l’évolution des activités. “Les membres de la famille ont quitté la direction des grosses entités. Cela permet d’avoir du recul, de prendre de la hauteur sur l’activité”, confie Guillaume Grosjean. La troisième génération assure la direction des plus petites entités.
Expansion et réseau international
Au fil des années, Comet a essaimé ses implantations en Belgique et dans le Nord de la France. Parti de deux sites en 1987, il en compte aujourd’hui une trentaine. Le groupe s’est implanté en Flandre – notamment à Gand – pour faciliter les exportations par voie maritime. “Avec notre ancrage à proximité du port, nous pouvons exporter de la ferraille vers la Turquie, mais aussi l’Egypte ou encore l’Espagne”, précise Pierre-François Bareel.
L’ampleur du volume que peut traiter le groupe (jusqu’à un million de tonnes par an) permet à l’activité de s’ouvrir vers l’étranger et d’ainsi pallier le manque d’expertise ou de capacité d’autres régions.
Comet en quelques chiffres
– 280 millions
Le chiffre d’affaires du groupe en 2019
– 380
Les effectifs du groupe (emplois directs et indirects)
– 97%
La part d’une voiture électrique qui peut être recyclée.
Ce chiffre grimpe à 98% pour les voitures classiques
Par Tom Guillaume
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