Les livres et experts en parentalité sont innombrables. Par où commencer ? L’application Nuri centralise toutes les informations et les adapte, grâce à l’intelligence artificielle, aux besoins spécifiques de chaque famille. En prime, elle offre aux utilisateurs une communauté de parents partageant les mêmes préoccupations.
Un proverbe africain dit qu’« il faut tout un village pour élever un enfant ». C’est précisément cette idée qu’a voulu concrétiser l’application Nuri, basée sur l’IA. Elle propose aux parents non seulement des conseils éducatifs, mais les aide à renforcer leur réseau social. Nuri vient de conclure un partenariat avec l’organisation de soins indépendante i-mens. Cette dernière teste actuellement l’application en collaboration la mutuelle CM pour la proposer à ses affiliés. En parallèle, l’entreprise souhaite toucher directement les particuliers.
« La grande force de notre app, c’est qu’elle va bien au-delà des conseils standards qu’on pourrait tirer d’un livre », explique Jeroen Callewaert, cofondateur. « L’application tient compte du contexte propre à chaque famille. Vous êtes parent divorcé de deux ados diagnostiqués TDAH ? Le ton et les conseils seront très différents de ceux proposés à un couple avec une petite fille. L’app adapte son contenu en fonction du contexte et des besoins. »
« Cette nuance fait toute la différence », renchérit Lynn Geerinck, cofondatrice, pédagogue et autrice notamment de Goed omringd (« Bien entouré », actuellement uniquement disponible en néerlandais). Mère de trois enfants, elle accompagne aussi des parents dans son cabinet à Gand, anime des conférences et des ateliers sur l’éducation, et a fondé en Flandre la plateforme villagedates.be. Elle milite pour le conceot de revillaging : reconstruire autour des familles un tissu social qui lutte contre l’isolement et soutient la parentalité, le thème central de son dernier livre Een bont gezelschap rondom je gezin (peut se traduire par « Une communauté éclectique autour de votre foyer »).
Quand la logistique prend le pas sur le lien
« Nous dépendons de plus en plus de l’aide formelle », constate Lynn Geerinck. « Cela peut parfois mener à des situations absurdes. Lorsque je travaillais dans une crèche d’i-mens, une future maman est venue réserver une place pour son bébé… alors que son mari ignorait encore sa grossesse. C’est dire à quel point nous sommes happés par l’organisation. »
Mais le soutien informel reste tout aussi essentiel. Nuri veut aider les jeunes parents à renouer avec les deux formes de soutien – formelle et informelle. « Ma propre expérience est à l’origine de cette mission », explique Lynn. « Mon mari et moi ne sommes pas restés vivre près de nos familles. Quand nous avons eu des enfants, nous avons compris combien il était difficile de tout gérer seuls. Petit à petit, nous avons construit notre propre “village”. Mais dans une société individualiste comme la nôtre, ce n’est pas évident. »
Et ce défi concerne bien des familles. « Chaque couple qui emménage dans un nouveau quartier repart de zéro », dit-elle. « On considère que c’est à chacun de se constituer un bon entourage. Et gare à celui qui rate de cinq minutes l’inscription en ligne pour le cours de musique : elle aura raté le coche. »
Des “Village Dates” pour retisser du lien local
« Voisins, parents d’élèves, grands-parents… il faut un collectif pour que tout fonctionne », insiste Lynn. C’est ainsi qu’est née l’idée des village dates : des rencontres organisées pour permettre aux parents d’une même commune ou région de se connaître. Le succès a été fulgurant : « J’espérais quelques dizaines de participants, il y en a eu plus de deux mille. »
Très vite, Lynn reçoit un message du Département du travail socioculturel flamand. Pour obtenir des subsides, elle doit créer une ASBL ou rejoindre une organisation reconnue. « Je suis désormais indépendante. Je continue mes livres, mes coachings parentaux, et je collabore comme freelance avec Village Dates via le Humanistisch Verbond », précise-t-elle.
Chaque couple qui emménage dans un nouveau quartier repart de zéro – Lynn Geerinck
De son côté, Jeroen Callewaert arrive à la parentalité connectée par un tout autre chemin. Designer, innovateur et entrepreneur, il cofondait Quest Studio, spécialisé dans les projets durables et responsables. « Ma femme a assisté à l’un des premiers Village Dates, nos enfants vont désormais à la même école. J’ai donc fait la connaissance de Lynn de cette façon. »
Après avoir revendu ses parts dans Quest Studio, Jeroen s’est demandé quels enjeux sociétaux méritaient plus d’attention. « La chaleur que j’ai connue au sein de ma grande fratrie contraste avec la solitude que vivent de nombreuses familles aujourd’hui. J’ai voulu mettre la technologie et le design au service d’une société plus solidaire. Début 2023, j’ai présenté à Lynn mon idée pour Nuri. »
Une levée de fonds sous le signe de l’éthique
Aujourd’hui, Nuri est en pleine levée de fonds. Mais fidèle à sa philosophie, le duo fondateur a opté pour un modèle alternatif : le stewardownership. Dans ce modèle, l’entreprise est détenue par une fondation et les bénéfices sont réinvestis dans sa mission. Une ASBL, créée en parallèle de la SRL, détient 100 % des droits de vote.
« Ce n’est pas le chemin le plus simple », reconnaît Lynn. « Définir les conditions de gouvernance spécifiques au stewardownership demande du temps, de l’expertise, et parfois un peu d’argent. En plus, tous les investisseurs ne sont pas encore familiers avec cette nouvelle forme d’entreprise. »
Les fonds classiques exigent généralement un siège au conseil d’administration ou une sortie à moyen terme. « Quand on parle de rémunération équitable, certains haussent les sourcils », sourit Lynn. Mais des partenaires potentiels ont été identifiés via Steward-owned, une ASBL qui promeut ce modèle en Belgique. « Ils partagent notre vision à long terme et notre mission sociale. »
Bruno Iserbyt
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