Newcleo innove avec de petits réacteurs nucléaires refroidis au plomb

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Grâce à une technologie qui optimise la sécurité, la gestion des déchets et les coûts, Newcleo entend révolutionner l’énergie nucléaire. “Nos réacteurs offrent non seulement une source d’énergie, mais aussi une solution pour les déchets et les applications industrielles”, assure son dirigeant, Stefano Buono. Laurens Bouckaert et Daan Killemaes

L’Italien Stefano Buono a commencé sa carrière dans l’énergie nucléaire en 1994, en travaillant sur les réacteurs refroidis au plomb en collaboration avec des pays européens, dont la Belgique. “Nous avons travaillé avec la technologie russe, où les réacteurs refroidis au plomb étaient utilisés dans les sous-marins nucléaires. Toutefois, à la fin des années 1990, il s’est avéré difficile de réaliser un prototype. J’ai alors décidé de me concentrer sur la médecine nucléaire, j’ai breveté une technologie à base de plomb et j’ai fondé une entreprise. Cette entreprise a connu un grand succès. Son succès a conduit à une introduction en Bourse et à une vente à Novartis pour 4 milliards de dollars en 2018.

Après cette étape importante, Stefano Buono est retourné à l’énergie nucléaire et a fondé Newcleo en 2021. “J’ai attendu le bon moment et j’ai acquis des droits de propriété intellectuelle et des brevets. Grâce à cela, nous avons construit une base solide”, ajoute-t-il.

Trois avantages

Selon son CEO, la technologie de Newcleo offre trois avantages cruciaux. D’abord, la sécurité passive, car “le plomb rend les accidents nucléaires impossibles et empêche les fuites radioactives”. Ensuite, la gestion des déchets : “Nos réacteurs utilisent comme combustible des déchets nucléaires tels que l’uranium retraité et le plutonium. Cela réduit la durée de vie des déchets de 250.000 ans à 250.” Enfin, la réduction des coûts : grâce à leur conception plus simple, les réacteurs refroidis au plomb sont moins chers que les réacteurs à eau pressurisée (REP) traditionnels.

Le coût estimé de 60 euros par mégawattheure est considéré comme un atout important. “En regroupant quatre réacteurs, nous pouvons partager l’infrastructure et réduire les coûts d’exploitation, explique Stefano Buono. Avec une durée de vie de 60 ans et un taux d’actualisation de 5%, nos calculs sont réalistes.” Ce taux est nettement inférieur au coût moyen de l’énergie nucléaire qui, selon des rapports récents, se situe entre 92 et 154 euros par mégawattheure.

Deux ans après sa création, Newcleo opère dans trois pays : la recherche et le développement se font en Italie, un réacteur d’essai de 30 MW sera construit en France d’ici à 2030, et son siège social se trouve au Royaume-Uni. Actuellement, l’accent est mis sur la France, où l’entreprise va investir 3 milliards d’euros d’ici à 2030.

Premier réacteur opérationnel en 2031

Les partenaires industriels tels que Saipem et Fincantieri jouent un rôle important dans le développement d’applications pour les réacteurs refroidis au plomb. Saipem, spécialisée dans les infrastructures énergétiques, travaille à l’intégration des réacteurs dans les installations industrielles. Fincantieri explore la technologie des navires à propulsion nucléaire. “Notre technologie est idéale pour la chimie verte, la production de chaleur et même le transport maritime”, estime Stefano Buono.

Les réacteurs de Newcleo sont plus rapides à assembler et moins chers que les alternatives actuelles. Son réacteur de 200 mégawatts coûte 800 millions d’euros et est opérationnel en trois ans, avec des coûts d’installation de 4 euros par watt. Les réacteurs existants prennent jusqu’à 10 ans et coûtent jusqu’à 6,30 euros par watt, selon les chiffres de 2020 de l’Agence pour l’énergie nucléaire.

La France est le pays phare des projets de Newcleo. “Le soutien du gouvernement français et la coopération avec des partenaires comme EDF et Framatome sont essentiels”, explique le CEO. Il s’attend à ce que le premier réacteur soit opérationnel d’ici 2031, éventuellement sur un terrain fourni gratuitement par le gouvernement français. La Belgique, avec l’expertise du SCK CEN et de Tractebel, est également un partenaire précieux. “Nous espérons que la Belgique lancera un programme pour les réacteurs refroidis au plomb. Si c’est le cas, nous serons prêts.”

Les déchets nucléaires comme combustibles

Stefano Buono critique la suggestion selon laquelle les réacteurs de génération IV devraient d’abord être développés à partir de la génération III. “Pourquoi acheter un Nokia quand on peut avoir un iPhone ?” semble-t-il dire. “Les réacteurs de génération III sont moins efficaces et plus chers. Notre technologie prouve qu’il est possible de passer directement à une solution plus sûre et plus intelligente.”

Ce point de vue contraste avec celui d’autres acteurs du secteur nucléaire, comme le belge Tractebel. Selon eux, la troisième génération est une passerelle nécessaire vers la génération IV. Cette troisième génération s’appuie sur des technologies éprouvées de refroidissement par eau et fournit l’expérience de base nécessaire pour développer les technologies plus complexes de la génération IV de manière sûre et efficace.

Un élément clé de cette technologie est le MOX (oxyde mixte). Ce combustible, fabriqué à partir d’uranium et de plutonium retraités, offre une solution durable pour la gestion des déchets. “En utilisant les déchets comme combustible, nous réduisons les besoins de stockage et donnons une valeur économique à ce qui est autrement un fardeau”, explique Stefano Buono. La coopération avec EDF en France a débouché sur des projets d’usine MOX, permettant de multiples boucles de recyclage.

Stefano Buono reconnaît que des pays comme la Chine et la Corée du Sud sont de sérieux concurrents. “Les Coréens allient rapidité et rentabilité. Par exemple, ils ont remporté un projet en République tchèque avec un coût garanti de 60 euros par mégawattheure”, explique-t-il. Il estime néanmoins que l’accent mis par Newcleo sur l’innovation et la coopération en Europe rend l’entreprise compétitive.

Selon Stefano Buono, l’énergie nucléaire est indispensable pour que l’Europe parvienne à des émissions nettes nulles d’ici à 2050. “Les énergies renouvelables ne suffisent pas. L’énergie nucléaire fournit l’énergie stable et programmable dont nous avons besoin”, affirme-t-il. Il souligne également l’évolution de l’opinion publique : “Les jeunes générations sont plus positives à l’égard de l’énergie nucléaire. Elles y voient une solution au changement climatique.”

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