Out of Use entend bien démontrer qu’un impact sociétal positif n’est pas incompatible avec des ambitions économiques. Spécialiste du traitement circulaire de l’électronique professionnelle, l’entreprise est en pleine croissance, avec une expansion imminente à l’étranger. Pourtant, Out of Use reste résolument fidèle à ses valeurs écologiques fondamentales.
L’épaisse poussière qui recouvre certains lots d’équipements électroniques, entreposés dans le hall de tri d’Out of Use, en dit long. « Les entreprises prennent de plus en plus conscience de la valeur qu’elles perdent en laissant leurs appareils électroniques obsolètes – parfois très anciens, comme on peut le voir ici – se détériorer dans un coin », explique Yannick Adriaenssens, CEO. « Depuis elles trouvent de plus en plus souvent le chemin vers nous. »
Le hall ressemble à un cimetière d’équipements informatiques et électroniques anciens. Chaque année, Out of Use traite plus de 100 000 appareils provenant d’entreprises, d’administrations et d’organisations. Ceux-ci sont minutieusement démontés et préparés pour être recyclés. Et la gamme est large, cela va des ordinateurs portables et de bureau, aux écrans et aux appareils photo numériques, en passant par des serveurs, jusqu’aux équipements médicaux ou des scanners d’aéroport et des distributeurs automatiques bancaires. Une fois les appareils arrivés sur place, deux possibilités : soit lors d’une première évaluation, une partie est jugée encore apte à être réutilisée, elle est donc destinée à être revendue après un reconditionnement. « L’objectif initial est de remettre l’appareil sur le marché », explique Yannick Adriaenssens. « Pour cela, nous analysons tout. Les données sont effacées et l’appareil entièrement anonymisé. »
Soit les appareils sont jugés irréparables, et ils sont alors entièrement démontés. D’abord les composants entiers, comme les processeurs, les disques durs ou les capteurs d’image, ensuite les matériaux comme le fer, le plastique, le silicium, etc. « Tout est séparé en plus de soixante-dix fractions différentes, que nous revendons ensuite à des entreprises spécialisées dans le recyclage final », poursuit Yannick Adriaenssens. « Nous ne réalisons pas cette dernière étape nous-mêmes. Ces entreprises disposent par exemple de fours industriels. Ce type d’investissement n’est pas pertinent pour notre activité.»
Tout-en-un
Out of Use a été fondée en 2009 par Mark Adriaenssens (67 ans), et Yannick (38 ans) son fils. Mark possédait déjà une longue carrière dans le secteur du recyclage. « Chez mon dernier employeur, je m’occupais du recyclage des appareils ménagers », explique Mark Adriaenssens. « Mais progressivement, des entreprises ont commencé à faire recycler chez nous tous leurs équipements mis au rebut. Il s’agissait souvent de volumes importants, dont certains appareils pouvaient encore resservir. C’est là que j’ai eu le déclic de me lancer à mon compte, dans un modèle B2B. Là, un système de partage des bénéfices est possible, autour duquel on peut bâtir un modèle économique. »
Les entreprises de recyclage comme Out of Use fonctionnent selon un modèle mixte relativement complexe de coûts et de revenus. Le client qui souhaite se débarrasser de son matériel paie d’abord des frais de service pour l’enlèvement et le traitement de celui-ci. Ensuite, une part des revenus lui est reversée via la revente d’appareils, de composants ou de matériaux. À ses débuts à Aarschot, Out of Use ne s’occupait que du recyclage de matériel informatique professionnel. Très vite, Mark Adriaenssens s’est rendu compte qu’un grand nombre d’appareils pouvaient être remis en service avec un minimum d’efforts : « Cela n’avait aucun sens de laisser autant de valeur se perdre. C’est ainsi qu’a émergé, très naturellement, notre activité de reconditionnement. »
Sécuritéet destruction des données
Une fois ce modèle à deux voies mis en place, Out of Use a étendu son champ d’action. « Nous nous sommes par exemple spécialisés dans la sécurité et la destruction des données », explique Yannick Adriaenssens, actuel CEO.
« Ainsi, une offre de services complète s’est progressivement construite, chaque nouvelle étape découlant logiquement de la précédente. Cela peut être très spécifique : à la demande de certains clients, nous nous déplaçons avec notre broyeur de données, afin qu’ils puissent constater que tout support contenant des informations sensibles est rendu totalement inutilisable. Nous sommes devenus un “one-stop shop”, un prestataire capable d’assurer une prise en charge totale. Et cela pour tous types d’entreprises et d’organisations, des PME aux institutions supranationales comme la Commission européenne ou l’OTAN. »
Une mission durable
Le spécialiste du traitement circulaire de l’électronique professionnelle est financièrement en pleine forme. Sa marge brute est passée de 466 000 euros en 2020 à 1,57 million d’euros trois ans plus tard. Sur la même période, le bénéfice d’exploitation a triplé pour dépasser les 346 000 euros. L’entreprise dispose de fonds propres qui vont croissant et d’une solide trésorerie. Une preuve que l’impact environnemental ne fait pas obstacle au succès économique, souligne Yannick Adriaenssens : « Rien n’est plus durable qu’une entreprise rentable. On ne peut pas uniquement miser sur l’affect et les subsides, et se contenter de dire : “Regardez, ce qu’on fait est chouette” et se proclamer durable. Nous avons un modèle économique qui rend intéressante une collaboration avec nous, même d’un strict point de vue financier. Même les entreprises qui ne se préoccupent pas de l’impact social ou écologique y trouvent leur compte. »
La mission durable d’Out of Use – prolonger la durée de vie des équipements électroniques et maximiser la valeur des équipements en fin de vie – a valu à l’entreprise le prix principal des Trends Impact Awards l’an dernier. « Nos clients sont de plus en plus attentifs à la valeur sociale et environnementale de leurs actions », explique Yannick Adriaenssens. « Nous pouvons aussi faciliter, par exemple, le don d’appareils reconditionnés à des groupes cibles. Les revenus issus du reconditionnement peuvent aussi être reversés à des projets de conservation de la nature. Nous avons pour cela, depuis 2016, un partenariat structurel avec Natuurpunt Vlaanderen, Natagora en Wallonie, et natur&ëmwelt au Grand-Duché de Luxembourg. »
Réduire l’empreinte carbone
Beaucoup de clients d’Out of Use optent pour ces solutions, car elles ont du sens et de la valeur pour eux – aussi dans le cadre de leurs obligations RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), qui les incitent à réduire leur empreinte carbone. « Ce que nous proposons, c’est du “low hanging fruit” », affirme le CEO. « Travailler avec nous ne demande aucun effort. Un simple appel, un courriel, et nous nous chargeons de tout, de la collecte à la remise sur le marché. Ensuite, nous fournissons un rapport indiquant combien d’émissions de CO2 ont été évitées ou économisées grâce à la prolongation de la durée de vie de leurs équipements. »
Out of Use emploie une cinquantaine de personnes, dont la grande majorité travaille sur le terrain. Depuis septembre dernier, plus de quinze collaborateurs ont été recrutés. Un signe de plus que l’entreprise est en pleine croissance, selon Yannick Adriaenssens. Les pics d’activité sont absorbés par une collaboration avec une quinzaine d’entreprises de travail adapté. « Parfois, nous faisons appel à elles pour augmenter temporairement notre capacité selon les besoins », précise Yannick Adriaenssens, qui a repris la fonction de CEO en octobre dernier.
Boutique en ligne
Pour vendre ses appareils reconditionnés aux consommateurs, Out of Use a lancé en 2023 sa propre boutique en ligne, Back in Use. « C’est l’aboutissement de notre offre circulaire », déclare Yannick Adriaenssens. « Du matériel reconditionné, remis en état avec soin selon des normes de qualité strictes. Un cinquième de nos clients effectue un second achat dans l’année qui suit leur première commande. Nous y vendons les appareils les plus récents, mais aussi, par exemple, l’iPhone 8. Certains utilisateurs ne veulent que téléphoner et utiliser WhatsApp. »
La boutique en ligne présente également un intérêt stratégique pour les clients professionnels d’Out of Use, poursuit Yannick Adriaenssens : « De nombreuses entreprises, en particulier les grandes structures, renouvellent tous les trois ou quatre ans l’ensemble de leurs ordinateurs portables ou smartphones. Parfois, leurs collaborateurs souhaitent racheter les anciens appareils, mais les départements IT s’y opposent souvent : quel prix demander ? Quelle garantie offrir ? Que faire des données encore présentes ? Nous récupérons ces appareils et les traitons comme tous les autres. Le personnel peut ensuite acquérir les dispositifs reconditionnés – avec un accès sécurisé et, le cas échéant, une remise – via notre boutique en ligne.»
Entre-temps, une version française a également vu le jour : Backinuse.fr. Là aussi, les ambitions sont élevées, malgré la concurrence de marques désormais bien établies sur le marché du matériel reconditionné. « L’intention est de continuer à gérer nous-mêmes cette boutique », insiste Yannick Adriaenssens. « Cela n’exclut pas que nous explorions d’autres canaux, mais ce maillon est trop important dans notre chaîne de valeur. »
Urban mining
Out of Use vient d’investir afin d’étendre ses infrastructures et de s’agrandir. L’entreprise a acquis un entrepôt adjacent à son siège, vers lequel les activités de recyclage sont progressivement transférées. Les 2 000 mètres carrés supplémentaires visent non seulement à augmenter la capacité opérationnelle, mais aussi à séparer physiquement les activités de recyclage de celles de reconditionnement, qui, elles, resteront dans le bâtiment principal. « Nous avions toujours voulu mener nos opérations de reconditionnement dans un environnement type cleanroom, et c’est désormais en cours de réalisation », explique Yannick.
« À l’avenir, une expansion supplémentaire est envisageable, mais elle ne passera pas nécessairement par une augmentation de la surface. Nous voulons faire de Beringen une grande plateforme logistique, capable d’approvisionner dans un rayon de 600 à 700 kilomètres : Bruxelles, Anvers, mais aussi Liège. Le bassin industriel allemand n’est pas loin non plus : Maastricht, Eindhoven. C’est un emplacement stratégique. »
À l’arrière du bâtiment d’origine, Out of Use développe une nouvelle activité. En plus des équipements électroniques et informatiques, les batteries de véhicules électriques commencent à être traitées. Cela se fait dans un espace spécialement équipé pour une question de sécurité incendie, notamment avec des caméras thermiques. Le reconditionnement de panneaux solaires prend également de l’ampleur. « Nous extrayons des métaux précieux de tous ces dispositifs », explique Yannick.
« Et ceux-ci pourraient bien devenir cruciaux à l’avenir. Il suffit de regarder la situation géopolitique : l’Europe ambitionne d’être à la pointe de la transition verte, de la durabilité et de la numérisation, mais elle manque de ressources primaires. Parallèlement, nous assistons à une montée du protectionnisme à l’échelle mondiale. Nous allons donc devoir intensifier, ici en Europe, notre recours à l’urban mining. Notre flux de recyclage prend de l’importance. Ces matières premières secondaires proviennent de l’électronique, mais aussi des panneaux solaires et des véhicules électriques. »
Des idées pour l’avenir
D’autres projets sont à l’étude pour l’avenir. Certains pourraient encore venir du fondateur lui-même, car si officiellement, Mark Adriaenssens est président du conseil d’administration d’Out of Use, dans les faits, il est encore présent deux jours par semaine sur le terrain et dans les bureaux. Il apporte un soutien opérationnel à son fils, entré dans l’entreprise en 2020 après une première carrière dans le secteur financier et les affaires publiques, et il lance régulièrement de nouveaux projets.
Mark Adriaenssens travaille par exemple à rendre indépendant le siège central de l’entreprise sur le plan énergétique. « Mon père est capable d’avoir mille idées en une journée », sourit Yannick Adriaenssens. « Moi, je réfléchis plutôt à comment rendre ces idées réalistes et applicables. » Ce à quoi Mark réplique, dans un rire complice : « Il me rappelle souvent qu’il y a plus d’idées que de temps. »
Regard vers l’étranger
Depuis Beringen, Out of Use sert déjà un certain nombre de clients dans les pays voisins, mais une expansion internationale est en préparation.
« D’ici 2030, nous voulons être une référence incontournable en Europe de l’Ouest », affirme le CEO Yannick Adriaenssens. « Out of Use doit être un nom qui vient immédiatement à l’esprit à Lyon, Francfort ou Amsterdam. Les Pays-Bas sont la première cible que nous allons aborder de manière approfondie, mais notre feuille de route stratégique prévoit déjà une implantation en France pour 2026. Nous explorons la possibilité d’accélérer cette expansion via une acquisition, mais nous n’allons pas non plus attendre indéfiniment qu’une opportunité se présente. Nous voulons miser sur nos propres forces. »
Pour le marché néerlandais, Out of Use a recruté Frank Hulshoff, originaire d’Utrecht. « Sur le plan opérationnel, tout est déjà en place », affirme-t-il. « Si demain une grande entreprise néerlandaise nous demande de vider son siège, nous serons sur place dès le lendemain avec un camion. »