Bstor multiplie les parcs de batteries de stockage: un ADN de pionnier énergétique


L’entreprise Bstor entend être un acteur important de la transition énergétique en stockant l’électricité. Son troisième projet, à Aubange, en province de Luxembourg, franchit un seuil avec une capacité de 270 MWh.
L’entreprise Bstor trace son chemin, visant à faire des batteries de stockage d’électricité un élément clé de la transition énergétique. Plus vertueuses que des centrales à gaz qui restent carbonées. Plus fiables qu’un secteur de l’hydrogène en quête de modèle économique. Soutenue notamment par Ackermans & van Haaren et Wallonie Entreprendre, cette entité développe minutieusement sa stratégie.
Mardi 1er avril, Bstor a annoncé le lancement d’ESTOR-LUX II, un nouveau parc de batteries de stockage électrique d’une capacité de 270 MWh. Ce projet à grande échelle, situé dans la zone industrielle d’Aubange, en province de Luxembourg, à proximité immédiate d’une sous-station du réseau à haute tension Elia, marque une étape significative dans le développement des infrastructures de stockage d’électricité et de la transition énergétique en Belgique.
C’est la troisième concrétisation de Bstor, et cela d’inscrit dans une stratégie bien réfléchie.
“Une montée en puissance”
“Cette puissance de raccordement de 100 MW et cette capacité de 270 MWh, c’est 10 fois plus que notre premier projet ESTOR-LUX à Bastogne, souligne Cédric Legros, directeur général et cofondateur de l’entreprise. Nous avions commencé ‘petit’ pour démontrer la viabilité de notre business model, avant de monter en puissance. Les besoins en termes de capacité flexible sont très importants. Les plus gros projets nous permettent de réaliser des économies d’échelle importantes.” C’était déjà le cas du deuxième projet annoncé en début d’année, en voie de construction à La Louvière.
Bstor a de nombreux projets en vue, avec 1 GW à financer d’ici 2030, avec des projets de l’ordre de 50 MW à 250 MW. “Les projets sont identifiés, souligne Pierre Bayart, l’autre cofondateur de l’entreprise. Ce qui donne le temps de notre développement, c’est la possibilité de trouver un terrain et un raccordement en adéquation avec la surface du terrain. Nous sommes dans un contexte où les demandes de raccordement explosent et où de nombreux acteurs réservent une telle capacité, sans limitation dans le temps, auprès d’Elia.”
“Stabiliser le réseau”
Toute la difficulté est de mettre en adéquation la volonté d’investir avec la promesse d’un tel raccordement. “Cela contraint notre développement, mais on compte maintenir ce rythme pour 2030, assurent les deux directeurs. Nous sommes confiants.” Le développement, somme toute, est similaire et complémentaire à celui de l’éolien offshore, dans lequel les actionnaires sont également impliqués.
“La fonction première des projets que l’on développe, c’est d’agir pour garantir la stabilité du réseau électrique, explique encore Cédric Legros. Nous agissons comme unité tampon pour absorber le surplus d’électricité apporté sur le réseau ou pour compenser le manque d’injection.” Il s’agit d’un élément primordial pour la transition énergétique. “Cela est cohérent avec la volonté de développer le renouvelable ou le nucléaire mise en avant par le gouvernement fédéral pour se débarrasser des énergies fossiles, y compris celles qui flexibilisent le réseau”, ajoute-t-il.
C’est une réponse très concrète pour éviter d’interdire la production de renouvelables faute de demande, ou pour ne pas payer les consommateurs afin qu’ils ne consomment pas. “Cela réduit le coût de la transition énergétique. Elia dit que les besoins en flexibilité s’élèvent déjà aujourd’hui à 3,5 ou 4 GW. D’ici 10 ans, le gestionnaire prévoit une augmentation de 70%.”
Financement sans recours
Comment financer ces projets ? “Nous employons ce que l’on appelle le financement sans recours, soulignent les deux directeurs. Nous logeons chaque projet dans une société spécifique en faisant appel entre fonds actionnaires et fonds provenant des banques, sans recours possible auprès de nos actionnaires au-delà de la mise de départ. L’ensemble des financiers supportent les risques du marché, à la volatilité des prix, vu que nous sommes hors de tout mécanisme de subsides.” L’objectif est de structurer les revenus en misant sur la volatilité qui va croître.
Les dirigeants de Bstor reconnaissent aussi que la pression sur les chaînes de valeur est importante. “L’achat des équipements à moyenne ou haute tension est plus important. Pour acheter un transformateur, il fallait quelques mois, maintenant nous sommes sur 18 ou 24, souligne Pierre Bayart. Le prix du lithium a également fait le yoyo.” Toutefois, les prix diminuent chaque fois que la capacité de production augmente, d’où les projets de plus en plus ambitieux. “Notre force, c’est d’être devenu un acteur de référence auprès des quelques fournisseurs de système.” Le troisième projet à Aubange renforce cette crédibilité.
Notre force est d’être devenu un acteur de référence auprès des quelques fournisseurs de système.
“Un actionnariat fort”
L’appui d’Ackermans & van Haaren et de Wallonie Entreprendre est une force pour Bstor. “Nous combinons les forces du privé et du public, sourient-il. Nous sommes aussi une société belge avec la Flandre et la Wallonie représentées. C’est un actionnariat fort et stable, qui a aussi un ADN de pionnier. Ces deux acteurs ont joué un rôle fort dans l’éolien offshore et misent aussi naturellement sur le stockage. Dans notre actionnariat, Bruno Vanderschueren, qui avait joué un tel rôle chez Lampiris, s’inscrit aussi dans cette lignée. Il sait combien la flexibilité est cruciale.”
L’histoire de Cédric Legros et de Pierre Bayart, en soi, dit tout de l’élan de Bstor. Les deux hommes se sont rencontrés en 2018 autour du premier projet de batteries à Bastogne, l’un pour la SRIW (Société régionale d’investissements), l’autre pour l’entreprise privée. “Nous étions les deux seuls développeurs, l’exploitation a commencé en décembre 2021 et suite à cette concrétisation, nous avons décidé d’allier nos forces. Nous avons convaincu nos employeurs de devenir nos actionnaires. Cela a pris un peu de temps. Nous étions tous les deux fortement convaincus de l’apport de ce type de projets sur le réseau électrique. Mais à titre personnel, le fait de travailler ensemble était très agréable et nous avons coutume de dire que nous sommes les deux seules personnes capables de se supporter mutuellement.”
Grandir en gardant son ADN
La création de Bstor était naturelle. “Avec le recul, nous nous sommes dit que nous étions dans le registre : ‘ils pensaient que c’était impossible, donc ils l’ont fait’. Objectivement, le fait d’avoir réalisé les deux premiers projets, c’était assez exceptionnel. Nous étions tout le temps le nez dans le guidon jusqu’ici. Le développement de telles infrastructures, cela génère beaucoup de problèmes à régler tous les jours. Nous ne tirons pas des plans sur la comète, mais nous développons un business qui répond à des besoins importants. C’est comme si nous lancions une boule de neige qui continue à rouler et à grossir. Il faut désormais grandir, sans trop se disperser. C’est aussi parce que nous sommes une petite équipe que nous y arrivons.”
Bstor occupe aujourd’hui 12 personnes et va monter à 22 en 2026. Avec la volonté de protéger, toujours, cet ADN de pionnier.
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