Philippe Ledent
Choc partiellement amorti
Les chiffres montrent bien que le revenu global des ménages a pu être préservé, ce qui devrait être une pièce essentielle de la reprise une fois l’économie libérée de ses chaînes.
Le détail de la comptabilité nationale est une mine d’informations utiles pour objectiver des intuitions ou des théories. Ainsi, on a souvent entendu durant la crise de la pandémie que l’intervention massive de l’Etat avait permis d’amortir le choc économique qu’a représenté le confinement et les restrictions. Car il ne faut pas s’y tromper, la diminution du PIB de plus de 6% en 2020 peut paraître un concept abstrait mais, très concrètement, cela représente aussi la diminution de la richesse créée collectivement ou encore de l’ensemble des revenus. En supposant que cette perte ait été distribuée de manière égale entre les secteurs de l’économie, elle aurait engendré de nouveaux impacts négatifs sur l’économie (des faillites, une consommation des ménages encore réduite, etc.), ce qui aurait alourdi la facture de la crise. En décidant de prendre à leur charge une partie importante des conséquences de la crise, les gouvernements ont donc préféré couper court à ce cercle vicieux au prix d’un déficit public important.
Les chiffres montrent bien que le revenu global des ménages a pu être préservé, ce qui devrait être une pièce essentielle de la reprise une fois l’économie libérée de ses chaînes.
Encore faut-il objectiver ce mécanisme par des chiffres. Or, la publication des comptes détaillés des secteurs pour l’ensemble de l’année 2020 permet justement de confirmer cet état de fait. Le revenu disponible des autorités s’est contracté de pas moins de 30 milliards d’euros (-26%) alors que celui des entreprises ne s’est contracté “que” de 4 milliards d’euros (-4,7%). Et le plus étonnant, c’est que selon la comptabilité nationale, le revenu disponible des ménages a augmenté de 5 milliards en 2020 (+ 2,1%). Les pouvoirs publics ont donc effectivement, au niveau macroéconomique, supporté la plus grande part de la diminution de revenu que l’économie belge a subie en 2020.
Intéressons-nous de plus près à l’évolution du revenu des ménages, car elle est tout à fait remarquable dans le contexte que l’on a connu. Pour faire simple, il est composé des revenus (bruts) des salariés et des indépendants, des revenus de la propriété (mobilière et immobilière) et des transferts nets (l’ensemble des allocations perçues moins les impôts et cotisations payées par les ménages). Sans surprise, les salaires ont diminué de 4,7 milliards d’euros (-2%) en 2020, ce qui ne s’est jamais vu. Même durant la crise financière, le total des salaires versés n’avait pas diminué. Les revenus de la propriété ont également fortement diminué (de 3 milliards), ce qui traduit surtout le fait que les entreprises ont versé moins de dividendes en 2020. Si l’on y ajoute la réduction des revenus des indépendants, ce ne sont pas moins de 8 milliards d’euros de revenus dits “primaires” des ménages manquant à l’appel.
Ceci étant, alors queles ménages ont globalement payé un même montant d’impôts et de cotisations en tous genres qu’en 2019 (plus de 156 milliards d’euros quand même…), ils ont perçu plus de 13 milliards en plus qu’en 2019 en allocations et transferts (en ce compris les aides et le chômage Corona), ce qui fait plus que compenser la perte de revenus primaires.
Bien sûr, ces chiffres macroéconomiques cachent des situations très différentes. Les moyennes par habitant ou par travailleur n’auraient aucun sens ici. Mais sur le plan macroéconomique, les chiffres montrent bien que le revenu global des ménages a pu être préservé malgré le choc, ce qui devrait être une pièce essentielle de la reprise une fois l’économie libérée de ses chaînes.
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