Ces hommes d’affaires courtisés par les partis politiques

Jean Stéphenne, l’ancien patron de l’UWE et emblématique CEO de GSK Bio, est déjà administrateur de sociétés (IBA, BNP Paribas Fortis, Besix, etc.). “J’ai été approché par deux partis mais j’ai toujours refusé, confirme l’intéressé. Quand il s’agit d’une nomination politique, votre pouvoir d’influence change et vous êtes obligé de perdre votre objectivité. Or, je n’aime pas cela. J’ai toujours préféré garder mon indépendance et être utile à la Région wallonne et au pays en jouant d’autres rôles. Comme, par exemple, en présidant Biowin (Ndlr, le pôle de compétitivité des sciences du vivant).” Photo : Jean Stéphenne en 2007, entouré de Guy Verhofstadt (Premier ministre) et d’Elio Di Rupo (ministre-président wallon).
Récemment approché par le cdH, l’ex-président de l’UWE et patron de Pairi Daiza, Eric Domb est, lui, administrateur à la Société régionale d’investissement de Wallonie (SRIW). Son nom avait été cité pour présider le Forem. C’est finalement Jean-Pierre Hansen, l’ancien administrateur délégué d’Electrabel (63 ans) qui a été choisi par le ministre de tutelle. Photo : Eric Domb (à gauche) en 2009, avec Rudy Demotte (ministre-président wallon).
Laurent Levaux, patron d’Aviapartner, vient d’être nommé administrateur chez Bpost. Il y siège sur proposition du MR, mais “cela correspond au souhait du CEO, Johnny Thijs, de compter des industriels disposant d’expérience au sein du conseil.” L’homme, qui a dirigé des entreprises à capitaux publics (CMI, ex-filiale de Cockerill Sambre et ABX quand celle-ci était la filiale de transport international de la SNCB), fait aussi partie, depuis 2009, du CA de la FN, dont la Région wallonne est actionnaire à 100 %. Un choix effectué là sur proposition du ministre de l’Economie Jean-Claude Marcourt. “Le fait de disposer d’un parcours diversifié d’industriel et d’être indépendant permet de donner un avis circonstancié aux pouvoirs publics, en toute liberté”, explique Laurent Levaux. Photo : Laurent Levaux (à droite), en 2007, serre la main du secrétaire d’Etat Vincent Van Quickenborne lors d’une mission princière à Shanghai.
L’ancien président de la FEB, le Flamand Luc Vansteenkiste (Recticel) a lui aussi été fréquemment approché. “Le monde politique a tendance à faire appel à des patrons du privé connus et expérimentés. La présidence de la FEB donne une grande visibilité. J’ai toujours refusé car je n’avais pas le temps et je n’accepte ce genre de mandats que quand je peux servir à quelque chose.” L’homme d’affaires a, en revanche, dit “oui” à l’invitation de Jean-Claude Marcourt de devenir le président du jury du Plan Marshall. “A la condition, précise-t-il, que le politique n’influence pas nos décisions. Pour moi, c’était un challenge d’aider à la reconversion d’une économie régionale.” Photo : Luc Vansteenkiste (à gauche) en 2005, avec Guy Verhofstadt (Premier ministre), Freya Van den Bossche (ministre de l’Emploi) et Luc Cortebeeck (président de la CSC).
Pierre Rion, business angel, est, lui, administrateur à l’Agence de Stimulation Economique de la Région wallonne. “C’est le ministre André Antoine, que je connais bien car il est bourgmestre de ma commune, qui me l’a proposé. Je l’ai accepté à la condition que l’on ne me colle pas d’étiquette cdH sur le dos. Cela a été respecté : je n’ai jamais dû rendre de comptes au cdH”, raconte l’intéressé. Idem pour le poste de vice-président de l’Agence pour le Commerce extérieur. “Le ministre Marcourt a pensé à moi et j’ai accepté aux mêmes conditions que pour l’ASE.” Qu’en retire-t-il ? “Cela me permet de mieux comprendre la chose publique et les subtils équilibres qui président aux décisions politiques.” Photo : Pierre Rion (à gauche), en 2008, remettant le “Grand Prix Wallon de l’Entrepreneuriat” à Marc Detraux (Ressourcerie Namuroise).
Bruno Colmant, qui siège au Conseil central de l’Economie et au Conseil supérieur des Finances, est, dit-il, consulté et sollicité par les décideurs politiques. “J’ai récemment été nommé administrateur à la Fondation Roi Baudouin mais j’ose espérer que l’on m’a pris pour mes compétences financières.” D’après l’ancien chef de cabinet de Didier Reynders, “une expérience dans le secteur public est très enrichissante. Cela permet de se créer un réseau.” Photo : Bruno Colmant en 2009, à la Bourse de Bruxelles.
Sans avoir d’étiquette politique, Bernard Delvaux, l’actuel administrateur délégué de la Sonaca, fait partie de ces patrons francophones reconnus, régulièrement cités pour succéder à Didier Bellens à la tête de Belgacom ou à Johnny Thijs chez bpost. Selon nos informations, il figurait aussi dans la liste des 20 candidats retenus pour le CA de Dexia Banque Belgique. Mais son nom n’a finalement pas été retenu.
Désigner des administrateurs indépendants dans les CA des entreprises publiques n’est pas encore entré dans les moeurs en Belgique. Bruno Tuybens, parlementaire sp.a, ex-secrétaire d’Etat aux entreprises publiques, a créé voici quelques années les premiers postes d’administrateurs indépendants au Ducroire et à la SFPI (Société fédérale de participations et d’investissement). Pour cette dernière institution, une centaine de candidatures avaient été déposées. L’avocate Jeanine Windey (associée chez Philippe & Partners), avait obtenu un des deux postes et y siège toujours. Elle défend farouchement la présence d’administrateurs indépendants dans ces cénacles habituellement cornaqués par des “purs” politiques. “Les personnes qui travaillent pour les partis dans les conseils d’administration sont souvent des gens brillants et d’excellents techniciens, insiste l’avocate. Mais grâce à leur lien d’allégeance à un parti, ils finissent par siéger dans une multitude de structures publiques. Du coup, on retrouve souvent les mêmes un peu partout. Cela pose un problème de disponibilité et de diversité. Or, c’est cela qu’apportent les administrateurs indépendants : une vision différente de l’entreprise, détachée de tout lien avec l’actionnaire public ou le management.”
Le chasseur de têtes Egon Zehnder est intervenu en son temps pour sélectionner des administrateurs indépendants chez Belgacom, comme Pierre-Alain De Smedt, actuel président de la FEB. “Comme administrateur indépendant, je représente les 47 % d’actionnaires autres que l’Etat, indique-t-il. Mon expérience dans des entreprises internationales comme Renault a dû jouer dans mon recrutement.” Et d’ajouter : “Je n’ai jamais eu de carte de parti. C’est une force. Cela me permet d’être à l’abri des pressions politiques.” Photo : Pierre-Alain De Smedt (au centre), en 2011, fait face au Premier ministre Elio Di Rupo (de dos) lors d’une réunion des partenaires sociaux.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici