CDI et prépensions : les deux bombes à retardement de la rentrée scolaire

Valérie Glatigny (MR) - Belga Image
Baptiste Lambert

À l’approche de la rentrée 2025-2026, deux réformes s’annoncent explosives dans l’enseignement : la généralisation des CDI et la révision des prépensions. Entre précarisation potentielle des jeunes enseignants et incertitudes juridiques pour les fins de carrière, le secteur éducatif entre dans une zone de turbulences.

Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a fait de la réforme du statut des enseignants l’un de ses dossiers prioritaires. À partir de 2027, les nouvelles recrues seraient engagées sous contrat à durée indéterminée (CDI), mettant fin, de facto, à la tradition de la nomination. Objectif affiché : renforcer l’attractivité du métier et lutter contre la pénurie chronique de professeurs.

Mais dans les faits, le CDI « enseignement » (ou CDI-E) pourrait n’avoir d’indéterminé que le nom, puisqu’il serait renouvelé chaque année. Dans un contexte de baisse démographique – avec 13.000 élèves en moins d’ici 2029 dans le secondaire – la stabilité des emplois est tout sauf garantie. Un enseignant nommé est automatiquement réaffecté en cas de réduction des effectifs. Le titulaire d’un CDI, lui, sur papier, peut être remercié.

L’économiste Philippe Defeyt résumait le paradoxe au printemps dernier dans Le Soir : « Comment proposer un CDI qui garantirait une carrière rassurante dans un contexte de décroissance scolaire et de pression budgétaire ? »

De nombreuses inconnues

Sur le terrain, syndicats et directions expriment leur scepticisme. Le SeGEC pointe les disparités entre réseaux et l’impossibilité pratique d’un CDI uniforme. Du côté de la ministre Valérie Glatigny, on rappelle que les modalités de la réforme n’ont pas encore été tranchés.

L’idée est toutefois de proposer un maximum d’heures aux débutants, avec un allégement en début et fin de carrière. En échange ? Une revalorisation salariale conditionnée à deux heures supplémentaires.

Mais la véritable inconnue porte sur le traitement des contractuels en cas de licenciement et la pérennité des droits sociaux (maladie, pension). Pour l’instant, aucune règle claire ne garantit l’équité avec les enseignants nommés.

Rappelons que le CDI ne concernera pas les enseignants qui sont déjà nommés. Pour ceux qui ne le sont pas encore, ils pourront en faire la demande. L’obligation ne vaut que pour les nouvelles recrues. “Il n’y a pas de remise en cause des droits acquis“, a rappelé à maintes reprises la majorité MR-Engagés.

Les prépensions à l’épreuve des tribunaux

Deuxième point de tension : la disponibilité précédant la pension de retraite (DPPR), plus connue sous le nom de prépension des enseignants. Ce dispositif permet à certains enseignants de quitter leur poste avant l’âge légal, tout en conservant un revenu à charge de la FWB. Il faut pour cela avoir au moins 58 ans et 20 ans de carrière.

Problème : depuis février 2025, le Service fédéral des pensions ne transmet plus les fameuses « dates P », nécessaires pour instruire les dossiers. Résultat : des enseignants proches de la retraite se retrouvent dans l’impasse.

Saisie par les syndicats, la justice a récemment tranché en faveur des plaignants. Le tribunal de Liège a par exemple estimé que la FWB avait commis une « erreur manifeste d’appréciation » et l’a contrainte à traiter les demandes sur la base des données disponibles. Ces décisions pourraient créer une jurisprudence lourde de conséquences financières pour la FWB.

Un contexte budgétaire tendu

À la base, le gouvernement communautaire n’avait pas l’intention de modifier les régimes de fin de carrière. Mais les négociations fédérales, dans un contexte de réduction des dépenses, ont abouti sur une réforme des pensions qui entend durcir le système. Des pistes évoquent une réduction de la DPPR de trois à deux ans dans le calcul des pensions. Aujourd’hui, effectivement, un enseignant comptant 38 ans de carrière peut obtenir jusqu’à 3 ans de DPPR, à raison d’1 mois par année d’ancienneté.

En touchant à la fois l’entrée et la sortie du métier, la majorité MR-Les Engagés prend le risque de se mettre les enseignants à dos. Les prochains mois diront si ces bombes seront désamorcées, notamment après des discussions avec les syndicats. Mais le contexte budgétaire ne fera sans doute pas beaucoup reculer les coalitions francophone et fédérale.

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