Budget: attention à l’effet boule de neige, ou quand la dette s’emballe
L’effet boule de neige, c’est quand la dette d’un pays s’emballe, parce que son budget n’est pas contrôlé, que sa croissance est faible et qu’il paie des taux d’intérêt élevés. On n’y est pas encore chez nous, mais le risque grandit, avertit Koen De Leus, le “chief economist” de BNP Paribas Fortis.
En présentant ses perspectives économiques ce mercredi, le chief economist de BNP Paribas Fortis, Koen De Leus, a insisté sur trois points concernant la Belgique: le risque de dérapage du budget, une baisse historique des prix de l’immobilier et le risque de spirale inflationniste. Au niveau budgétaire, Koen De Leus observe qu’il existe un risque grandissant d’effet boule de neige sur la dette. L’effet boule de neige, c’est quand on ne peut plus empêcher la dette de grandir. Souvenez-vous, il avait fallu prendre des mesures sévères, durant les années 1980 et 1990, pour enrayer cette mécanique.
Tant que le taux “implicite”, c’est-à-dire le taux d’intérêt moyen que l’on paie sur la dette, est inférieur à la croissance nominale du PIB, et tant qu’il n’existe pas de gros déficit budgétaire, il n’y a pas de problème. Si un pays en équilibre budgétaire a une dette de 100% du PIB et une croissance nominale de 4% et s’il paie en moyenne 2% d’intérêt sur sa dette, ce pays verra son endettement se réduire à 98% du PIB un an plus tard. Mais si le taux d’intérêt est de 4% et la croissance de 2% seulement, l’endettement gonflera à 102% du PIB. La boule de neige commence à rouler. La situation s’aggravera si ce pays affiche des déficits élevés.
Aujourd’hui, ce n’est pas encore le cas. L’endettement belge s’élève à 107% du PIB, et l’Etat fédéral paie un taux d’intérêt moyen de 1,43% alors que les prévisions de croissance du Fonds monétaire international sont de 3% par an entre 2023 et 2027. Dans cette situation, la dette reste stable, voire diminue, tant que le déficit primaire ne dépasse pas 1,64% du PIB. Problème: notre déficit primaire devrait s’élever, toujours selon le FMI, à 4,05% cette année, soit 2,4% de trop pour assurer la stabilité de l’endettement. Et pour ne rien arranger, les taux commencent à remonter: le taux belge à 10 ans est à 2,27% et il continue d’augmenter. BNP Paribas Fortis prévoit un taux à 10 ans pouvant monter jusqu’à 3,3% au milieu de l’an prochain, avant de retomber à 2,5% fin 2024.
Sans un effort budgétaire important, nous risquons d’être à terme emportés par l’avalanche. “La Commission européenne a raison de se préoccuper de la situation budgétaire de la Belgique”, dit Koen De Leus. Maigre consolation: le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Italie sont dans une configuration également peu confortable ; avec des taux longs qui sont déjà plus élevés que la croissance attendue de leur économie.
L’indexation automatique? Pas une bonne idée
Aujourd’hui, nous avons une inflation élevée et une croissance faible. Nous courons donc le risque de nous enfoncer dans une stagflation, période de stagnation de l’activité et de hausse des prix importantes. Nous y sommes déjà: pour BNP Paribas Fortis, la croissance belge devrait ralentir et passer de 2,6% cette année à 0,2% l’an prochain (avec une récession courant entre le troisième 2022 et le premier trimestre 2023). Et pendant ce temps, dans notre pays, l’inflation (calculée selon l’indice harmonisé européen) atteindra 10,5% cette année et 6,3% l’an prochain. Mais le risque de stagflation devrait s’évaporer ensuite. Koen De Leus prévoit en effet, en 2024, une croissance de 1,4% pour une inflation de 2,5%.
“Back to normal” donc dans deux ans? Oui, sauf si la stagflation fait de la résistance. Deux éléments pourraient y contribuer. D’une part, les importants stimuli des pouvoirs publics européens, “dont seulement un tiers est ciblé”, souligne Koen De Leus. Ces aides “à tout va” sont de l’huile sur le feu des prix. Et puis, autre danger, c’est l’enclenchement d’une spirale prix-salaire: la hausse des prix alimente la hausse des salaires qui en retour alimente une nouvelle hausse des prix. L’histoire montre toutefois qu’un tel mouvement apparaît rarement. “Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment analysé 79 périodes depuis les années 1960 d’au moins trois trimestres successifs au cours desquels les prix à la consommation ont rapidement augmenté et où les salaires nominaux ont suivi le même mouvement, rappelle Koen De Leus. Cette analyse démontre que cette situation ne génère une spirale persistante salaires-prix que dans un très petit nombre de cas.”
Il n’empêche. L’économiste pense que la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne (BCE) joueront la sécurité et poursuivront leur hausse des taux, “même si ces hausses risquent de provoquer une légère récession”. Pour BNP Paribas Fortis, le taux directeur américain devrait donc atteindre l’an prochain un pic de 5-5,25% et le taux directeur de la BCE devrait monter jusqu’à 3%, cela pour casser toute spirale infernale. Ce risque de spirale est d’ailleurs plus fort en Belgique qu’ailleurs. Dans les autres pays, le décalage entre la hausse des prix et celle des salaires permet d’apaiser la mécanique infernale. Mais ce n’est pas le cas chez nous, avec l’indexation automatique des salaires. Bien sûr, un gouvernement qui abolirait cette indexation automatique s’exposerait à un large mouvement social. “Mais d’un point de vue macroéconomique, elle n’est vraiment pas une bonne idée”, assure Koen De Leus.
Première baisse des prix immobiliers depuis 40 ans
Le chief economist constate aussi qu’il devient de moins en moins abordable d’acheter une maison dans notre pays. “J’ai regardé la proportion du revenu disponible qu’un ménage avec 4.200 euros de revenus mensuels consacre à rembourser un prêt de 290.000 euros à taux fixe sur 25 ans. Aujourd’hui, avec un taux de 3,2%, ce ménage paie 1.400 euros par mois. Il ne payait que 1.100 euros au début de l’année (le taux était alors de 1,3%). Or, cette mensualité de 1.400 euros représente une quote-part de 30% du revenu, ce qui est le niveau le plus élevé depuis 40 ans”, précise l’économiste, qui ajoute qu’en raison de l’évolution des taux, la hausse des tarifs des prêts hypothécaires n’est sans doute pas terminée.
En 2023, nous devrions observer une légère baisse des prix de l’immobilier, pouvant aller jusqu’à 2%.
De moins en moins de ménages, et particulièrement des jeunes, peuvent donc acheter un logement. A cela s’ajoute le fait que la confiance des ménages est en baisse. Plus spécialement le baromètre qui montre que leur intention d’acheter des biens importants (logement, voiture) est tombé à son niveau le plus bas depuis 1985. “Les transactions dans le marché immobilier suivent traditionnellement la tendance de cet indice, note Koen De Leus. On constate d’ailleurs déjà une diminution des transactions immobilières.” Dès lors, dans un marché où il y a moins de transactions mais où l’offre reste identique, le prix devrait diminuer. “Nous n’avions pas pensé, jusqu’à présent, que le prix nominal des logements allait baisser, mais nous avons changé d’avis, conclut le chief economist. En 2023, nous devrions observer une légère baisse des prix, pouvant aller jusqu’à 2%, ce qui n’était, si l’on exclut une baisse de 0,5% en 2009 et 2014, jamais arrivé depuis le début des années 1980″.
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