Barrage de Kakhovka endommagé: la centrale nucléaire de Zaporijjia en danger ?
Le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka a été endommagé durant la nuit. Il ne serait pas complètement détruit, mais il y a-t-il là de quoi affecter le refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijjia ? Les deux camps se rejettent la faute.
Onze des 28 digues du barrage ont été brisées et un effondrement en cascade est en cours, d’après un responsable des secours, cité par l’agence de presse étatique russe Tass.
Le barrage de Kakhovka, pris dès le début de l’offensive russe en Ukraine, permet notamment d’alimenter en eau la péninsule de Crimée, annexée en 2014 par Moscou. Aménagé sur le fleuve Dniepr en 1956, pendant la période soviétique, l’ouvrage est construit en partie en béton et en terre et mesure environ 30 mètres de haut et 3,2 kilomètres de long. Il s’agit de l’une des plus grandes infrastructures de ce type en Ukraine.
La centrale nucléaire de Zaporijjia en danger ?
Si le barrage ne joue plus son rôle, “plus de 80 localités, dont Kherson, se retrouveront dans la zone d’inondation rapide”, s’était alarmé en octobre dernier M. Zelensky devant le Conseil de l’Union européenne. “Cela pourrait empêcher l’approvisionnement en eau d’une grande partie du sud de l’Ukraine” et affecter le refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijjia, qui puise son eau dans un lac artificiel de 18 millions de mètres cubes alimenté par le barrage, avait-il mis en garde.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a néanmoins estimé mardi qu’il n’y avait “pas de danger nucléaire immédiat” à la centrale de Zaporijjia, après la destruction partielle du barrage hydroélectrique de Kakhovka sur le fleuve Dniepr, dans la région de Kherson (sud) occupée par la Russie. “Les experts de l’AIEA” présents sur le site “surveillent de près la situation, a ajouté l’instance onusienne dans un tweet, alors que la centrale utilise l’eau du fleuve pour refroidir le combustible des coeurs des réacteurs.
A l’arrêt depuis septembre
L’armée russe a occupé cet immense complexe dès le 4 mars 2022. Il produisait auparavant 20% de l’électricité ukrainienne et a continué à fonctionner les premiers mois de l’offensive, malgré plusieurs bombardements sur le site, avant d’être mis à l’arrêt en septembre. Depuis, aucun de ses six réacteurs VVER-1000, datant de l’époque soviétique, ne génère de courant. Les deux camps se rejettent mutuellement la responsabilité des tirs ayant touché ces installations depuis que les forces russes les ont prises.
Pour l’instant “les unités de la Garde nationale remplissent l’objectif d’assurer la sécurité de la centrale”, a lancé devant les caméras un soldat russe encagoulé, précisant que leur principale mission était d'”empêcher une prise par les armes” du site ou les opérations de “saboteurs” ukrainiens. “Les tâches de notre unité consistent à garantir la protection contre les radiations, les interventions d’urgence. Nous sommes capables d’assurer l’évacuation du personnel par plusieurs voies et la désactivation des structures”, a affirmé un autre soldat, posant près d’un blindé équipé d’un engin de détection de la radioactivité.
“Toutes les recommandations concernant la sécurité sont appliquées”, a toutefois affirmé l’actuel directeur de la centrale, Iouri Tchernitchouk. “A l’heure actuelle, il n’y a pas de menace pour la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Cinq blocs sont arrêtés à froid, l’un est à +l’arrêt à chaud+. Le niveau de l’eau du bassin de refroidissement n’a pas changé”, a encore indiqué sur Telegram le directeur, Iouri Tchernitchouk. Selon lui, l’eau de refroidissement n’a pas “de contact direct avec l’environnement et l’eau du réservoir de Kakhovka” et le système de refroidissement peut être rempli avec l’eau du réservoir du barrage mais aussi par “plusieurs sources alternatives”.
Par le passé, le géant russe Rosatom a dit avoir envoyé ses experts en renfort sur place. Le site reste connecté au système énergétique ukrainien et consomme de l’électricité produite par celui-ci pour une tâche primordiale : continuer à refroidir les réacteurs à l’arrêt et ainsi éviter une surchauffe désastreuse. Mais cette alimentation en électricité est instable.
A six reprises, elle a été coupée, en particulier après des frappes, obligeant les employés à activer des générateurs d’urgence. A la dernière coupure, qui a duré plusieurs heures, le 9 mars, Kiev a accusé la Russie d’avoir causé ce black-out en endommageant par des tirs la seule ligne électrique reliant encore ces installations au réseau ukrainien.
Zelensky convoque d’urgence son Conseil de sécurité
De leur côté, les autorités ukrainiennes se sont montrées plus alarmistes. “Le monde se retrouve une fois de plus au bord d’une catastrophe nucléaire, car la centrale nucléaire de Zaporijjia a perdu sa source de refroidissement. Et ce danger augmente désormais rapidement”, a déploré le conseiller à la présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak, dans un message adressé à des journalistes. De son côté, l’opérateur ukrainien du nucléaire, Energoatom, a indiqué que le niveau de l’eau du réservoir de Kakhova “baisse rapidement ce qui est une menace de plus pour la centrale nucléaire temporairement occupée de Zaporijjia”. A l’heure actuelle, selon cette source, le niveau du bassin de refroidissement est toutefois “suffisant pour les besoins de la centrale”.
Qui est responsable ?
On ne sait pas ce qui a provoqué l’effondrement du barrage ni qui en est responsable. Kiev et Moscou se rejettent mutuellement la responsabilité. Selon des données préliminaires, 11 des 28 digues du barrage ont été brisées et un effondrement en cascade est en cours, a déclaré un responsable des secours, cité par l’agence de presse russe Tass. Kiev et Moscou se rejettent mutuellement la responsabilité de la destruction du barrage.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky va convoquer d’urgence son Conseil de sécurité mardi après une explosion sur le barrage hydroélectrique de Kakhovka dans le sud du pays, a annoncé le chef de l’administration présidentielle. “Centrale hydroélectrique de Kakhovka. Encore un crime de guerre commis par les terroristes russes. Le président a convoqué le Conseil de sécurité national”, a écrit Andriï Iermak sur Telegram. Cette dernière “confirme encore aux yeux du monde qu’ils (les Russes, NDLR) doivent être expulsés de chaque recoin du territoire ukrainien. Pas un mètre ne devrait rester entre leurs mains, car ils utilisent chaque mètre pour faire régner la terreur”, a réagi mardi matin sur Twitter le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Les autorités locales installées par Moscou ont, de leur côté, mis en cause de “multiples frappes” ukrainiennes. Le maire de la ville de Nova Kakhovka, Vladimir Leontiev, a ainsi affirmé qu’elles avaient détruit les robinet-vannes du barrage et provoqué une “jetée d’eau incontrôlable”.
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