Une grève durable chez Boeing menace le plan de reprise du nouveau patron

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Les velléités du nouveau patron de Boeing de replacer l’avionneur sur une trajectoire saine et rentable ont été battues en brèche par le rejet mercredi du projet d’accord social par les grévistes qui paralysent la quasi-totalité de la production depuis six semaines.

Près des deux tiers (64%) des adhérents de l’IAM-District 751, branche du syndicat des machinistes dans le nord-ouest des Etats-Unis, ayant voté mercredi ont refusé de ratifier le second projet d’accord social de quatre ans qui leur était soumis. Il prévoyait, entre autres, une hausse salariale de 35% sur quatre ans – le syndicat demandait 40% – et une contribution accrue au dispositif de retraite par capitalisation. Mais il ne rétablissait pas le système de retraite traditionnel, ce que réclament de nombreux salariés et qui est inconcevable pour Boeing. Cette suppression date d’un accord social de 2014, ratifié par les syndiqués. Le 12 septembre, les adhérents avaient repoussé massivement (96%) une version moins disante et approuvé une grève immédiate.

“La lutte concernant cet accord a commencé il y a plus de dix ans lorsque le groupe a trop tiré sur la corde et a ouvert une plaie qui pourrait ne jamais se refermer chez de nombreux adhérents”, a commenté Jon Holden, président du District 751, après le vote. “Nous avons obtenu des gains formidables”, a-t-il poursuivi. “Cependant, nous n’avons pas obtenu suffisamment aux yeux de nos membres.” Cette grève concerne plus de 33.000 ouvriers de la région de Seattle, travaillant notamment dans les deux principales usines du groupe où sont fabriqués le 737 (son avion le plus vendu), le 777, le 767 et plusieurs programmes militaires. Seule la production du 787 Dreamliner, dans une usine sans représentation syndicale en Caroline du Sud, est assurée.

Ciel obscur pour Boeing

Cette prolongation de la grève obscurcit davantage l’horizon de l’avionneur, dont la trésorerie – déjà en souffrance – fond à vue d’oeil. Boeing “va devoir accélérer grandement le rythme des négociations et à un niveau hiérarchique très élevé”, a commenté auprès de l’AFP Richard Aboulafia, consultant d’AeroDynamic. L’expert s’est dit “déconcerté” par la façon dont le groupe mène ces négociations étant donnée l’importance d’un redémarrage rapide des chaînes d’assemblage. Kelly Ortberg, patron de Boeing depuis début août, s’est immédiatement engagé à “réinitialiser” les relations sociales. Il a rapidement rencontré les responsables syndicaux, a déménagé près de Seattle pour se rapprocher des opérations mais, s’il suit étroitement les tractations, il n’y participe pas directement.

Celles-ci ont commencé en mai, sans parvenir à un nouvel accord social avant l’expiration du précédent le 12 septembre. Depuis le début de la grève, trois rounds avec des médiateurs fédéraux ont également échoué. L’offre rejetée mercredi était le fruit d’une implication de la ministre du Travail Julie Su, qui s’est rendue à Seattle pour rencontrer les deux parties. Elle reste disponible mais “les deux parties doivent déterminer la meilleure voie à suivre”, a précisé un porte-parole du ministère jeudi à l’AFP.

Coffres vides

En attendant, Boeing “doit lever de l’argent” pour renflouer ses caisses, a estimé Peter McNally, analyste chez Third Bridge. Le groupe prévoit une levée de capitaux de 25 milliards de dollars maximum, sur trois ans, et a obtenu une seconde ligne de crédit de dix milliards. Le rejet a été moins massif mercredi qu’en septembre mais il reste “du chemin à parcourir”, a relevé Peter McNally. Le vote des grévistes a coïncidé avec l’annonce par le géant de l’aéronautique de sa pire perte trimestrielle en quatre ans, à 6,17 milliards de dollars. En commentant ces résultats, Kelly Ortberg a détaillé les étapes et priorités de son plan pour “restaurer la grandeur” de Boeing.

L’avionneur fait l’objet d’une supervision renforcée des régulateurs depuis un incident en vol en janvier, qui a exposé au grand jour des problèmes de qualité des avions commerciaux. Il connaît également des soucis avec sa branche Défense, Espace et Services (BDS). Selon M. Ortberg, si Boeing parvient à éliminer les “gros obstacles” dressés devant lui et plombant ses finances, son “avenir ne connaîtra pas de limite”. Mais, pour les analystes de Bank of America, la réaction “discrète” des marchés illustre les craintes qu’il reste “beaucoup d’autres squelettes” dans les placards. Le rejet de l’accord “ajoute davantage d’incertitudes, de coûts et repousse la reprise”, ont-ils relevé, anticipant “des concessions supplémentaires sur les salaires pour obtenir sa ratification”.

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